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Recommandations et perspectives dans la prise en charge du diabète de type 2 à l'ère des inhibiteurs SGLT2 et des agonistes GLP1
Publié le mercredi 30 septembre 2020
Auteur :
Charles-Meyer Arnaud
Membre du Collège des Cardiologues en Formation, Lyon.
Relecture : Professeur Albert Hagège, Paris
En direct de l'EASD Congress 2020
D'après la présentation de Silvio E. Inzucchi (États-Unis), "Implications for treatment guidelines and future directions".
Evolutions des recommandations de prise en charge pharmacologique du diabétique
À la différence de l’hypertension artérielle dont les traitements sont apparus progressivement depuis les années 1950, la pharmacopée antidiabétique a connu un réel essor à partir des années 90 (les biguanides étant délivrés aux Etats-Unis depuis 1995). L’apparition rapide et rapprochée de nouvelles molécules constitue un réel défi pour l’établissement de recommandations de bonne pratique et soulève de nombreuses questions : quels traitements ? Comment les hiérarchiser ? Comment les associer ? Pour quels objectifs ?
Les premières recommandations dans la prise en charge thérapeutique du diabète de type 2 (DT2) datent de 2006 par l'association américaine de diabétologie (ADA). Entre 2006 et 2012, les recommandations ont évolué avec l’AMM pour de nouvelles molécules telles que les agonistes GLP1 et les inhibiteurs DPP4, mais elles gardent deux points communs :
1/ la place centrale de la metformine, considérée comme la molécule avec le meilleur niveau de preuve (1) ;
2/ une escalade thérapeutique reposant exclusivement sur la cible d’hémoglobine glyquée, donc sur le contrôle glycémique.
Les recommandations conjointes de l’ADA et de l’EASD de 2012, puis 2015, ont fait apparaître un nouveau paradigme dans la prise en charge du diabétique avec la volonté d’une approche centrée sur le patient, et un choix des molécules en 2e intention fondé sur le profil patient (cible d’HbA1c, risque d’hypoglycémie, effets indésirables, prix..). L’année 2015 est aussi celle de l’apparition dans les recommandations des inhibiteurs SGLT-2, avant même la publication des résultats de l’essai EMPAREG-outcome (2).
2018 : le déclin de l’hémoglobine glyquée
Cependant la réelle rupture naît des recommandations ADA-EASD de 2018 qui, pour la première fois, admettent une stratégie non plus uniquement fondée sur la valeur de l’HbA1c mais également sur les comorbidités cardiovasculaires et rénales (3).
En seconde ligne après la metformine, les agonistes du GLP-1 doivent être privilégiés en cas d’antécédents cardiovasculaires athéroscléreux alors que les inhibiteurs SGLT2 présentent un intérêt particulier chez les patients insuffisants cardiaques et/ou insuffisants rénaux.
La mise à jour de 2019 propose de privilégier également les agonistes de GLP-1 chez des patients à très haut risque cardiovasculaire mais sans antécédents cardiovasculaires, comme en cas d’âge supérieur à 55 ans avec HVG ou sténose artérielle > 50 %. (4)
L’écart à la cible d’HbA1c devient donc un enjeu secondaire dans l’algorithme de traitement, avec une mise en avant du profil de risque cardiovasculaire et rénal du patient. Une escalade thérapeutique est donc assumée même chez un patient dont l’HbA1c est à la cible (Figure 1).
Figure 1 : recommandations 2019 ADA-EASD sur la prise en charge du diabète de type 2
2019 : premier recul de la metformine
Les recommandations de l’ESC-EASD de 2019 sur la prise en charge du diabète brisent pour la première fois le dogme de la metformine pour tous les patients diabétiques (sauf enjeux de tolérance médicamenteuse) (5).
Celles-ci proposent en effet de débuter chez le patient diabétique naïf de tout traitement un agoniste du GLP1 ou un inhibiteur du SGLT2 en fonction de leur profil de risque cardiovasculaire et rénal (prévention secondaire ou haut/très haut risque cardiovasculaire). Ce sont les premières recommandations à valider un traitement de 1ère intention sans biguanide (Figure 2).
Figure 1 : recommandations 2019 ESC-EASD sur la prise en charge du diabète de type 2
Les recommandations de l’ACC 2020 proposent également, un traitement de 1ère intention par agoniste de GLP1 ou inhibiteur du SGLT2 chez les patients de plus de 18 ans ayant un critère parmi (6) :
- Une maladie athérosclérotique définie par un antécédent de syndrome coronarien aigu ou chronique, d’AVC ou d’AOMI ;
- Une insuffisance cardiaque (sans différence sur la conservation ou non de la fonction systolique) ;
- Une néphropathie diabétique ;
- Un haut risque cardiovasculaire défini par la présence d’une atteinte d’organe cible (HVG, rétinopathie diabétique) ou la multiplicité des facteurs de risque cardiovasculaire.
Il existe ainsi une réelle migration des objectifs du traitement antidiabétique. D'une stratégie fondée sur le contrôle glycémique, on s’oriente vers une stratégie guidée par des enjeux de prévention cardiovasculaire et rénale. Il est d’ailleurs noté par une étude observationnelle que le suivi des diabétiques de type 2 aux antécédents vasculaires est plus fréquemment assuré par le cardiologue que par l’endocrinologue. Ceci souligne ainsi l’importance pour le cardiologue de connaître les enjeux de la prise en charge du diabète. (6) (Figure 3)
Figure 3
Conclusion et perspectives
Cette présentation souligne les bouleversements récents dans l’algorithme de prise en charge du diabétique de type 2 : d’une stratégie centrée sur l’HbA1c et la metformine, on s’oriente aujourd’hui vers une stratégie personnalisée, fondée sur le profil de risque cardiovasculaire et/ou rénal, et peut être vers un abandon de la metformine en 1ère intention.
De nombreuses questions demeurent cependant, soulevées par les résultats des grands essais cliniques SGLT2 et GLP1 :
- Quels mécanismes sous-tendent les bénéfices cardiovasculaires et rénaux des inhibiteurs SGLT2 ?
- Ces bénéfices s’appliquent-ils chez des patients non diabétiques ?
- Le type d’atteinte athérosclérotique doit-il participer à la décision de traitement ? (atteinte cérébrovasculaire, coronaropathie, AOMI)
- Quels bénéfices attendre d’une combinaison anti-SGLT2i + agonistes GLP1 ?
- Quelle place reste-t-il pour la metformine et a fortiori les autres antidiabétiques ?
- Quel choix entre inhibiteurs SGLT2 et agonistes GLP1 chez le patient vasculaire sans insuffisance rénale chronique ou insuffisance cardiaque ?
References
- Nathan DM, Buse JB, Davidson MB, Heine RJ, Holman RR, Sherwin R, et al. Management of Hyperglycemia in Type 2 Diabetes: A Consensus Algorithm for the Initiation and Adjustment of Therapy: A consensus statement from the American Diabetes Association and the European Association for the Study of Diabetes. Diabetes Care. 1 août 2006;29(8):1963‑72.
- Zinman B, Wanner C, Lachin JM, Fitchett D, Bluhmki E, Hantel S, et al. Empagliflozin, Cardiovascular Outcomes, and Mortality in Type 2 Diabetes. N Engl J Med. 26 nov 2015;373(22):2117‑28.
- Davies MJ, D’Alessio DA, Fradkin J, Kernan WN, Mathieu C, Mingrone G, et al. Management of Hyperglycemia in Type 2 Diabetes, 2018. A Consensus Report by the American Diabetes Association (ADA) and the European Association for the Study of Diabetes (EASD). Diabetes Care. 1 déc 2018;41(12):2669‑701.
- Buse JB, Wexler DJ, Tsapas A, Rossing P, Mingrone G, Mathieu C, et al. 2019 Update to: Management of Hyperglycemia in Type 2 Diabetes, 2018. A Consensus Report by the American Diabetes Association (ADA) and the European Association for the Study of Diabetes (EASD). Diabetes Care [Internet]. 19 déc 2019 [cité 27 sept 2020]; Disponible sur: https://care.diabetesjournals.org/content/early/2019/12/18/dci19-0066
- Cosentino F, Grant PJ, Aboyans V, Bailey CJ, Ceriello A, Delgado V, et al. 2019 ESC Guidelines on diabetes, pre-diabetes, and cardiovascular diseases developed in collaboration with the EASD. Eur Heart J. 07 2020;41(2):255‑323.
- Gunawan F, Nassif ME, Partridge C, Ahmad T, Kosiborod M, Inzucchi SE. Relative frequency of cardiology vs. endocrinology visits by type 2 diabetes patients with cardiovascular disease in the USA: implications for implementing evidence-based use of glucose-lowering medications. Cardiovasc Endocrinol Metab. 15 mai 2020;9(2):56‑9.
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