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Traitement combiné Rivaroxaban et Aspirine versus aspirine chez les coronariens ou les artériopathes stables : effet comparable entre les femmes et les hommes

Publié le mardi 3 septembre 2019

Auteur :
Ariane Truffier
Membre du Collège des Cardiologues en Formation, Paris.

En direct de l'ESC Congress 2019

ESC 2019 sur Cardio-online

D'après Yan Liang (Beijing, China), "Rivaroxaban and aspirin compared with aspirin in women and men with chronic coronary or peripheral artery disease".

Messages clés

Parmi les patients coronariens ou atteints d’artériopathie des membres inférieurs, les caractéristiques de bases des hommes et femmes sont significativement différentes. Les femmes sont plus souvent hypertendues ou diabétiques mais fument significativement moins. Néanmoins leur risque cardiovasculaire est comparable. Le traitement combiné par Rivaroxaban 2,5mg x 2/j + aspirine 100 mg par jour comparativement à un traitement par aspirine 100mg seule semble avoir la même efficacité chez les hommes et les femmes dans la prévention des évènements cardiovasculaires majeurs. Ceci au détriment d’un sur-risque hémorragique comparable quel que soit le sexe ou le niveau de risque cardiovasculaire des patients (supérieur ou inférieur à 12 selon l’échelle de score REACH)

Contexte

L’étude COMPASS parue en 2017 avait démontré que chez les patients coronariens chroniques ou artériopathes l’administration de Rivaroxaban à 2,5mgx 2/j + Aspirine 100mg/j réduisait les évènements cardiovasculaires majeurs de 24% au détriment d’une augmentation de 70% des saignements majeurs.

De manière plus générale, les femmes atteintes de maladie cardiovasculaire ont un plus mauvais pronostic que les hommes dans la littérature. Une des explications à cette différence peut être la réponse au traitement.

Cette étude apportant des résultats complémentaires sur la base de l’étude COMPASS avait pour objectif d’évaluer si dans la population de l’essai, les femmes répondaient différemment au traitement combiné par Rivaroxaban + Aspirine versus Aspirine seule par rapport aux hommes, soit uniquement en fonction du sexe soit en tenant compte du niveau de risque cardiovasculaire dans chaque sexe.

Méthodes

Dans l’étude COMPASS (Cardiovascular Outcomes for People Using Anticoagulation Strategies), les patients étaient randomisés entre le bras traitement combiné Rivaroxaban 2,5mg x 2 /j + Aspirine 100mg, le bras Rivaroxaban 5mg x 2/ jour seul et le bras Aspirine 100mg seule. Tous les patients inclus avaient soit une coronaropathie soit une artériopathie chronique.

Le critère de jugement principal était le critère combiné de décès cardiovasculaire, AVC et Infarctus du myocarde (MACE). Le critère de sureté était les saignements majeurs définis selon la classification de la Société Internationale de Thrombose et Hémostase (ISTH).

Dans l’étude présentée ici, les auteurs ont comparé uniquement les patients recevant le traitement combiné par Rivaroxaban et Aspirine au bras Aspirine seule.

Les caractéristiques démographiques des patients et le calcul de leur score de risque cardiovasculaire (via le score modifié REACH) ont été comparés entre hommes et femmes. Le score REACH comportait entre autres l’âge, le sexe, l’exposition tabagique, le diabète, l’IMC et d’autres comorbidités.

L’effet du traitement était calculé par les tests de log-rank. Le délai de survenue d’un événement correspondant au critère de jugement primaire était modélisé par les courbes de Kaplan-Meier. Les tests d’interaction permettaient de comparer si les résultats entre les hommes et les femmes de l’étude étaient statistiquement différentes que ce soit uniquement en fonction du sexe ou en fonction du score de risque cardiovasculaire REACH (supérieur ou inférieur à 12). Le suivi des patients était de 36 mois.

Résultats

L’étude COMPASS a inclus 27 395 patients (18278 était randomisés entre le bras Rivaroxaban 2,5 mg x 2 /j + Aspirine 100 mg /j versus Aspirine 100mg/j).

22% des patients étaient des femmes, 77,9% des hommes (14230 patients). Les femmes étaient plus âgées d’un an (69 versus 68 ans), avaient un taux de cholestérol plus élevé et étaient plus fréquemment insuffisantes rénales. Elles présentaient plus de facteurs de risque cardiovasculaire mais on retrouvait moins d’antécédents de cardiopathie ischémique ou de coronaropathie chronique. Le score REACH moyen n’était pas significativement différent entre hommes et femmes. Concernant les traitements, les femmes recevaient plus souvent des inhibiteurs calciques et des diurétiques et moins souvent d’hypocholestérolémiants. Les béta bloquants et les IECs étaient administrés en proportions égales.

Les évènements correspondant au critère de jugement primaire (IDM, AVC, décès cardiovasculaire) étaient réduits de 28% chez les femmes versus 24% chez les hommes lorsqu’ils recevaient le traitement combiné, sans différence significative (taux d’interaction p à 0,75).

L’augmentation des saignements majeurs était comparable entre hommes et femmes (HR des femmes 2,2 IC 1,42-3,46 et HR des hommes 1,60 IC 1,29-1,97), taux d’interaction p 0,19. Le nombre de décès toutes causes n’était pas modifié chez les femmes tandis qu’il était réduit chez les hommes mais avec une différence non significative (taux d’interaction p 0,63).

Le bénéfice clinique net du Rivaroxaban et Aspirine versus Apsirine seul était démontré chez l’ensemble des patients sans différence entre les sexes.

Chez les patients recevant le traitement combiné, le taux d’évènement cardiovasculaires majeurs en cas de score REACH < 12 était réduit de 15 % chez les hommes et 29% chez les femmes sans différence significative entre les sexes (taux d’interaction p 0,43).

Lorsque le score REACH était supérieur à 12 la réduction des évènements était comparable également.

Les taux de saignements majeurs augmentaient dans une proportion similaire chez les patients ayant un score de risque cardiovasculaire REACH bas (taux d’interaction p 0,32). Par ailleurs, l’augmentation du taux de saignements majeurs était comparable même si le score REACH était > 12 et quel que soit le traitement (3% d’évènements chez les hommes, 2,4% chez les femmes).

Discussion

Dans l’étude COMPASS, les femmes ne représentent que 22% des patients. Leur sous-représentation peut biaiser l’interprétation des résultats. Étonnamment les femmes avaient plus d’antécédents de coronaropathie ou d'artériopathie dans cette cohorte. Une analyse de la répartition géographique des femmes incluses dans l’étude n’a pas été réalisée mais pourrait expliquer ces constatations puisque la cohorte est issue d’une étude multicentrique mondiale.

Comme dans l’étude COMPASS princeps, les résultats montrent que le traitement par Rivaroxaban + Aspirine réduit significativement les évènements cardiovasculaires majeurs indépendamment du sexe.

Le bénéfice clinique du traitement était confirmé chez les femmes autant que les hommes. On peut supposer que l’absence de différence d’effet thérapeutique est la conséquence des différences entre hommes et femmes sur les caractéristiques démographiques des patients.

On peut supposer que si on distinguait dans une ultérieure analyse les patientes porteuses de coronaropathie de celles qui ont une artériopathie périphérique on pourrait observer un effet différent du traitement combiné par rapport aux hommes.

Conclusion

Les hommes et les femmes de l’étude COMPASS ont des caractéristiques démographiques différentes mais un profil de risque cardiovasculaire calculé par le score REACH comparable.

Malgré ces différences, le traitement combiné par Rivaroxaban 2,5 mg x 2 /j + Aspirine 100mg par jour versus Aspirine seule a le même effet bénéfique sur la réduction du taux d’évènements cardiovasculaires au prix d’une augmentation des saignements majeurs qui reste comparable entre hommes et femmes.

CV Death
Primary efficacy

Pour en savoir plus, consultez les résultats détaillés en langue anglaise publiés lors de l'ESC 2019 : "Rivaroxaban and aspirin compared with aspirin in women and men with chronic coronary or peripheral artery disease".

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