La greffe de coeur Maastricht III serait non inférieure à la greffe de coeur prélevé après mort cérébrale (actualisation)

Mis à jour le lundi 12 juin 2023
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LONDRES, 9 juin 2023 (APMnews) - La greffe cardiaque utilisant un coeur prélevé sur un donneur mort après arrêt circulatoire (type Maastricht III) serait non inférieure en matière de survie à six mois à la même opération réalisée avec un coeur de donneur en état de mort encéphalique, selon un essai randomisé publié mercredi dans le New England Journal of Medicine (NEJM).

En France, le prélèvement cardiaque sur donneur décédé après arrêt circulatoire (DDAC) n'est actuellement pas autorisé. Réaliser ces prélèvements dans le cadre du protocole Maastricht III sur des donneurs contrôlés décédés après limitation ou arrêt des thérapeutiques est néanmoins un des objectifs du plan greffe 2022-2026.

Interrogée par APMnews, l'Agence de la biomédecine (ABM) a expliqué qu'un programme de recherche sur le prélèvement de coeur lors d’un protocole Maastricht III venait de se terminer à l'hôpital Marie-Lannelongue, au Plessis-Robinson (Hauts-de-Seine), et qu'il faudrait "18 mois environ" pour qu'un protocole d'application soit rédigé et validé.

A l'étranger, comme en Australie ou au Royaume-Uni, cette pratique est déjà autorisée. Cela a notamment été permis par le développement d'une machine de perfusion extracorporelle qui est nécessaire à la réanimation et à l'évaluation pour une potentielle greffe de coeurs de DDAC, expliquent le Dr Jacob Schroder du Duke University Medical Center à Durham (Caroline du Nord) et ses collègues, en introduction de leur étude.

Celle-ci compare, sur le plan de la sûreté pour le receveur, la greffe de ces coeurs issus de DDAC à la greffe de coeurs prélevés sur des donneurs en état de mort encéphalique.

Cette étude a été financée par TransMedics qui commercialise un dispositif portable de reconditionnement des prélèvements cardiaques, OCS Heart* (Organ Care System Heart). C'est le seul dispositif actuellement disponible sur le marché.

Les patients recrutés dans le cadre de cette étude ont été randomisés en deux groupes dans un ratio trois contre un (3:1). Dans le premier groupe, les patients étaient éligibles à une greffe de coeur de DDAC mais ont pu bénéficier d'un coeur issu d'un donneur en état de mort encéphalique s'il y en avait un disponible. Dans le second groupe, les patients étaient uniquement éligibles à la greffe de coeur venant de donneurs en état de mort encéphalique.

Les auteurs expliquent qu'"une véritable randomisation prospective 1:1 […] aurait été contraire à l'éthique" et que ce "plan de randomisation 3:1 a été choisi en prévision du fait que la plupart des membres du groupe 'en mort circulatoire' recevraient un coeur provenant d'un donneur en mort cérébrale, ce qui aurait produit un nombre relativement égal de patients dans chaque groupe au fil du temps".

Cependant, les auteurs n'ont pas analysé les patients greffés selon leur groupe de randomisation mais selon le type d'organe qu'ils ont reçu.

Ainsi, l'étude s'intéresse à 166 receveurs dont 80 greffés d'un coeur venant d'un DDAC et 86 greffés d'un coeur prélevé sur un donneur en état de mort cérébrale.

Les DDAC étaient éligibles au prélèvement s'ils avaient plus de 18 ans, correspondaient au protocole Maastricht III et présentaient une durée d'ischémie chaude fonctionnelle inférieure à 30 minutes. Ces donneurs étaient un peu plus jeunes en moyenne que ceux en état de mort cérébrale (29,3 ans contre 33,2 ans) et étaient davantage des hommes (93% contre 77%).

Les receveurs de coeurs venant de DDAC étaient plus jeunes que ceux ayant reçu un coeur de donneur en état de mort cérébrale, avec des moyennes d'âge de 51,3 ans et 55 ans respectivement.

Entre le prélèvement et la greffe, les coeurs issus de donneurs en état de mort encéphalique ont été préservés avec un stockage statique à froid tandis que les coeurs provenant de DDAC ont été "réanimés, préservés et évalués" grâce au dispositif de TransMedics.
La survie à six mois des patients greffés, critère principal d'évaluation, a été de 94% pour les greffés de coeur de DDAC et de 90% pour les receveurs de coeur de donneurs en état de mort cérébrale. Cela prouve la non-infériorité de l'utilisation des coeurs prélevés sur DDAC par rapport à ceux prélevés sur donneurs en état de mort encéphalique.

Plus de dysfonction mais pas de retransplantation

Les auteurs ont regardé comme critère secondaire le taux d'utilisation des coeurs prélevés sur DDAC. Celui-ci a atteint 89% et les principales raisons de non-transplantation étaient une augmentation de la concentration en lactate ou une réévaluation de la contractilité du coeur.

En matière d'événements indésirables, les auteurs n'ont constaté aucune différence significative entre les deux groupes, avec une très faible incidence dans chacun d'entre eux.

Ainsi, dans les 30 jours suivant la greffe, le nombre moyen par personne d'événements indésirables sévères liés à la greffe était de 0,2 parmi les receveurs d'un coeur issu de DDAC et de 0,1 parmi ceux ayant reçu un coeur de personne en état de mort encéphalique.

En revanche, une dysfonction du greffon de type modérée à sévère a été constatée chez 22% des personnes greffées d'un coeur de DDAC et chez 10% des greffés de coeur de donneur en mort cérébrale. Cela a conduit à une deuxième greffe cardiaque pour deux patients faisant partie du second groupe.

En conclusion, les auteurs font remarquer que les résultats rapportés dans cette étude sont à court terme et que les conséquences à long terme et éventuelles complications restent inconnues. "Un suivi sur cinq ans permettrait de mieux comprendre les implications à long terme de la transplantation d'un coeur prélevé sur un donneur en état de mort circulatoire", écrivent-ils.

Une étude déséquilibrée qui n'atteint pas son vrai potentiel

Dans un éditorial publié en parallèle par le NEJM, Nancy Sweitzer de la Washington University à Saint-Louis (Missouri) juge les résultats de cette étude "passionnants pour les personnes intéressées par la transplantation cardiaque". "Ils démontrent clairement la faisabilité et la sécurité de la transplantation de coeurs provenant de donneurs décédés après arrêt circulatoire."

"Les résultats de cet essai devraient ouvrir une période intense d'études qui permettront d'améliorer encore la fonction et l'utilisation des organes donnés après arrêt circulatoire", estime-t-elle.

Notant que certains patients recrutés dans l'étude avaient été transplantés d'un coeur non conforme au design de l'étude et que ces patients avaient été écartés de l'analyse pour cette raison bien que leurs résultats soient positifs, Nancy Sweitzer écrit que "le design prudent de l'essai pourrait ne pas montrer le véritable potentiel des systèmes de perfusion ex vivo".

Elle fait ainsi l'hypothèse qu'"à l'avenir, le rétablissement de la fonction cardiaque sur des périodes plus longues grâce à l'utilisation de systèmes de perfusion ex vivo pourrait permettre de récupérer des organes initialement inadaptés et de les transplanter en toute sécurité".

Néanmoins, elle souligne que les coeurs provenant d'un DDAC "étaient rarement transplantés chez les patients les plus malades".

En effet, les auteurs précisent bien par eux-mêmes que la plupart de ces patients étaient de catégorie 4 sur l'échelle de l'UNOS (United Network for Organ Sharing, l'organisation américaine qui gère la transplantation d'organes), cette échelle allant de 1 à 6 avec 1 représentant la plus grande urgence, tandis que les patients de l'autre groupe étaient en majorité de catégorie 2.

Nancy Sweitzer juge donc qu'il y a un "clair déséquilibre" dans cette étude qui "a sans aucun doute contribué à ce que l'essai atteigne son objectif de non-infériorité".

"Bien que la prudence et l'évaluation continue des données soient de mise, l'utilisation accrue de coeurs provenant de donneurs décédés par voie circulatoire semble être sûre entre les mains d'équipes de transplantation expérimentées et ouvrira une phase passionnante d'apprentissage et d'amélioration", conclut-elle.

(The New England Journal of Medicine, publication en ligne du 7 juin et éditorial)

Source: APMnews

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