Nouveautés dans l’embolie pulmonaire

USIC 2025

Le point de vue du Cours avancé USIC 2025 par les Jeunes du Groupe USIC et du CCF

Publié le jeudi 11 décembre 2025

Anis Elidrissi

Anis Elidrissi

Cardiologie interventionnelle - Nice

Manveer Singh

Manveer Singh

Cardiologie interventionnelle - Paris

Messages clés

  • La prise en charge de l’embolie pulmonaire (EP) doit s’inscrire au sein d’une concertation pluridisciplinaire, essentielle pour optimiser l’évaluation du risque et la stratégie thérapeutique.
  • En cas d’EP grave, la thrombolyse systémique demeure le traitement de première intention, conformément aux recommandations actuelles.
  • Les traitements percutanés de l’EP reposent sur deux approches principales : la thrombo-aspiration mécanique et la thrombolyse in situ à faible dose.
  • Plusieurs essais randomisés en cours devraient permettre de préciser la place exacte de ces techniques percutanées dans l’arsenal thérapeutique et d’en définir les indications optimales.

Méthodologie et résultats

Stratification du risque dans l’embolie pulmonaire : limites et pistes d’affinement

L’embolie pulmonaire (EP) est une pathologie fréquente, dont la présentation clinique est particulièrement hétérogène. La stratification du risque repose sur les recommandations de l’ESC(1), permettant d’orienter la prise en charge initiale et les stratégies thérapeutiques.

Classification ESC :

  • EP à bas risque : patients avec un sPESI à 0
  • EP à risque intermédiaire : définie par un sPESI ≥ 1 et subdivisée en deux catégories :
    • Risque intermédiaire bas : élévation des biomarqueurs cardiaques ou une dysfonction ventriculaire droite
    • Risque intermédiaire élevé : élévation des biomarqueurs cardiaques et une dysfonction ventriculaire droite) avec une mortalité à 30 jours d’environ 5 %
  • EP grave (haut risque) : marquée par un état de choc ou un arrêt cardiaque, elle reste particulièrement sévère, avec une mortalité à 30 jours pouvant atteindre 30 %

Si cette stratification constitue la base du raisonnement clinique, elle se révèle parfois insuffisante pour identifier les patients à haut risque de décompensation secondaire, en particulier au sein du groupe «intermédiaire élevé». Plusieurs facteurs additionnels de mauvais pronostic ont ainsi été décrits. Leur présence cumule le risque clinique et pourrait, à terme, affiner les indications de traitements plus agressifs.

  • Critères cliniques : Syncope initiale, tachycardie >100 bpm, hypotension (Tas 90-100 mm Hg), désaturation en air ambiant <90 %, tachypnée >30/min, index respiratoire (SpO2/fréquence respiratoire) < 3,8
  • Critères biologiques : Hyperlactatémie >2 mmol/L, NT-proBNP >2 fois la normale
  • Critères échocardiographiques : Rapport VD/VG >1, altération de la fonction ventriculaire droite, signe de McConnell, reflux dans les veines pulmonaires
  • Critères scanographiques : altération mis en évidence au scanner de perfusion

Stratégie thérapeutique : une approche fondée sur la stratification du risque et la concertation pluridisciplinaire

La stratégie thérapeutique de l’EP repose sur la stratification du risque et une concertation pluridisciplinaire au sein d’un PERT, permettant d’adapter rapidement la prise en charge au profil du patient.

Dans les EP à haut risque, la priorité est la revascularisation immédiate : la thrombolyse systémique reste le traitement de première intention. Le recours aux techniques percutanées n’est envisagé qu’en cas d’échec ou de contre-indication, l’évaluation de l’efficacité devant être réalisée dans les 2 à 4 heures. En cas de choc réfractaire ou d’arrêt cardiaque, une assistance circulatoire peut être discutée.

Pour les EP à risque intermédiaire élevé, la thrombolyse n’est pas recommandée en raison d’un risque hémorragique excessif(2). Le traitement initial est l’héparinothérapie, avec recours au traitement percutané en cas d’aggravation clinique, biologique ou hémodynamique dans les 24–48 heures. Un traitement percutané précoce pourrait améliorer la survie en cas d’échec médical, alors qu’une intervention au-delà de 14 jours n’apporte généralement pas de bénéfice(3).

Schéma récapitulatif de la prise en charge de l’Embolie Pulmonaire - USIC 2025

Figure 1 : schéma récapitulatif de la prise en charge de l’Embolie Pulmonaire selon P. Pruszczyk et al.

 

Techniques percutanées : thrombo-aspiration et thrombolyse in situ

Les traitements percutanés de l’EP reposent sur deux options :

  • La thrombo-aspiration, qui permet d’aspirer directement les thrombi via un cathéter fémoral. Elle est surtout indiquée en situation urgente, en présence de thrombi proximaux ou en cas de contre-indication à la thrombolyse.
  • La thrombolyse in situ, qui administre un thrombolytique à faible dose via des cathéters placés dans les artères pulmonaires, souvent avec ultrasons, et est plus adaptée aux thrombi distaux et multiples.

Les données actuelles ne montrent pas de différence d’efficacité entre les deux techniques ; le choix dépend essentiellement de l’urgence, de la localisation des thrombi, des contre-indications et de l’expertise de l’équipe.

 

Références

1. Konstantinides SV, Meyer G, Becattini C, Bueno H, Geersing GJ, Harjola VP, et al. 2019 ESC Guidelines for the diagnosis and management of acute pulmonary embolism developed in collaboration with the European Respiratory Society (ERS). European Heart Journal. 21 janv 2020;41(4):543‑603. 
2. Meyer G, Vicaut E, Danays T, Agnelli G, Becattini C, Beyer-Westendorf J, et al. Fibrinolysis for Patients with Intermediate-Risk Pulmonary Embolism. N Engl J Med. 10 avr 2014;370(15):1402‑11. 
3. Pruszczyk P, Klok FK, Kucher N, Roik M, Meneveau N, Sharp AS, et al. Percutaneous treatment options for acute pulmonary embolism: a clinical consensus statement by the ESC Working Group on Pulmonary Circulation and Right Ventricular Function and the European Association of Percutaneous Cardiovascular Interventions. EuroIntervention. oct 2022;18(8):e623‑38.

Conclusion

La prise en charge de l’embolie pulmonaire repose aujourd’hui sur une stratification précise du risque et une concertation multidisciplinaire. Si la thrombolyse reste le traitement de référence des formes graves, les techniques percutanées représentent une alternative utile en cas d’aggravation ou de contre-indication, sans supériorité démontrée à ce jour.

Les essais randomisés en cours devraient permettre de mieux définir leur place dans la stratégie thérapeutique et d’optimiser encore la prise en charge des patients.

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