Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes bénéfiques dans l'insuffisance cardiaque, même tardivement

Publié le mercredi 13 septembre 2023
dans
APM news

WASHINGTON, 12 septembre 2023 (APMnews) - L'éplérénone, un antagoniste des récepteurs minéralocorticoïdes, peut être envisagée chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite, et ce quelle que soit la durée de cette insuffisance cardiaque, montre une étude parue dans le Journal of the American College of Cardiology (JACC).

Shingo Matsumoto de l'université de Glasgow (Royaume-Uni) et ses collègues de différents pays (dont la France) déplorent la sous-utilisation des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes dans l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite, notamment en Amérique du Nord. Ces médicaments sont trop souvent réservés aux patients présentant des limitations fonctionnelles sévères, alors que l'essai de phase III EMPHASIS-HF a montré que l'éplérénone réduisait les risques de décès et d'hospitalisation chez les patients présentant des symptômes légers.

"Les médecins peuvent être réticents à ajouter un autre traitement à des patients atteints d'insuffisance cardiaque de longue durée qui semblent stables avec leur traitement actuel et qui sont considérés à tort comme présentant un faible risque", expliquent les auteurs.
Dans ce contexte, cette analyse post hoc d'EMPHASIS-HF, un essai randomisé, en double aveugle et contre placebo, a été réalisée afin d'évaluer l'innocuité et l'efficacité de l'éplérénone en fonction de la durée de l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite. Leurs résultats montrent que le traitement est bénéfique, même lorsqu'il est initié tardivement au cours de l'insuffisance cardiaque.

Au total, 2.732 patients de 55 ans et plus présentant une insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite et des symptômes légers ont été inclus dans cette étude. Ils ont été classés en trois groupes selon la durée de l'insuffisance cardiaque, la durée médiane étant de 2,4 ans. Ils étaient 975 dans le groupe dont la durée de l'insuffisance cardiaque était inférieure à 1 an (35,7%), 769 dans le groupe avec une durée de 1 à 5 ans (28,1%) et 988 dans le groupe avec une durée supérieure ou égale à 5 ans (36,2%). La durée médiane du suivi était de 21 mois.

Les patients du dernier groupe (≥ 5 ans) étaient plus souvent des hommes, plus âgés, avaient plus souvent une étiologie ischémique et présentaient davantage de comorbidités: antécédents d'hypertension, de fibrillation atriale, de bronchopneumopathie chronique obstructive, d'accident vasculaire cérébral (AVC) et d'atteinte de la fonction rénale. La durée moyenne du QRS était par ailleurs significativement plus longue chez ces patients.

Les traitements pharmacologiques étaient similaires entre les trois groupes de patients, sauf concernant la digoxine, plus souvent prescrite chez les patients avec la durée d'insuffisance cardiaque la plus longue. Ces patients étaient aussi les plus susceptibles de porter un défibrillateur automatique implantable ou un dispositif de resynchronisation cardiaque.

Un bénéfice absolu plus important en cas d'insuffisance cardiaque de longue durée

Le taux d'incidence du critère composite principal (hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou décès cardiovasculaire) pour 100 personnes-années augmentait avec la durée de l'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite: il est de 9,8 pour le groupe < 1 an, de 13,5 pour le groupe entre 1 et 5 ans, et de 17,6 pour le groupe &le; 5 ans.

L'éplérénone était bénéfique quelle que soit la durée de l'insuffisance cardiaque, avec une réduction constante du risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou de décès cardiovasculaire. Par rapport au placebo, le HR ajusté global pour le critère de jugement principal était de 0,64. Il était de 0,59 pour le groupe < 1 an, de 0,72 pour le groupe 1 à 5 ans et de 0,59 pour le groupe ≥ 5 ans.

Le bénéfice absolu était le plus important dans le groupe ≥ 5 ans: il faut traiter 10 patients pour prévenir la survenue du critère composite chez un patient, contre 14 pour le groupe < 1 an et 13 pour le groupe 1 à 5 ans. Même constat pour la mortalité toutes causes, avec un nombre de patients à traiter respectivement de 24, 34 et 31. Dans un éditorial associé, Andrew Sauer (université du Missouri-Kansas City) et Judith Hsia (université du Colorado) estiment que ces résultats représentent le message clé à retenir de ce travail pour les cliniciens.

"Les réductions du risque relatif de tous les critères de jugement avec l'éplérénone, par rapport au placebo, étaient constantes dans toutes les catégories de durée de l'insuffisance cardiaque, ce qui s'est traduit par les bénéfices absolus les plus importants chez les patients présentant la durée la plus longue", résument les auteurs.

Concernant les effets indésirables, ils n'étaient globalement pas plus fréquents avec l'éplérénone qu'avec le placebo chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque de longue durée. Les auteurs ont par ailleurs constaté que la fonction rénale était davantage altérée en cas de durée plus longue d'insuffisance cardiaque, néanmoins, cet événement indésirable n'était pas plus fréquent que chez les patients sous placebo.

Pour les auteurs, leurs résultats devraient ainsi contribuer à lever les freins à la prescription des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque avec éjection réduite de longue durée, alors que l'une des raisons pour lesquelles les médecins n'en prescrivent pas est qu'ils craignent une moindre efficacité et une moindre tolérance chez ces patients plus âgés et présentant davantage de comorbidités.

"Même chez les patients présentant des symptômes légers et une insuffisance cardiaque de longue durée, les bénéfices sont significatifs. Ces résultats soutiennent les efforts récents visant à accroître l'utilisation des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes", concluent les auteurs, qui appellent aussi à mieux comprendre les raisons de la sous-utilisation des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes.

(JACC, 12 septembre, vol.82, n°11, p1080-1091 et éditorial)

Source: APMnews

Dépêche précédente

Les inhibiteurs de SGLT2 bénéfiques en prévention primaire cardiovasculaire chez les diabétiques avec maladie rénale

Dépêche suivante

Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes bénéfiques dans l'insuffisance cardiaque, même tardivement

0 commentaire — Identifiez-vous pour laisser un commentaire