Recommandations ESC 2020 : SCA sans sus décalage du segment ST

Publié le lundi 31 août 2020
dans

Auteurs :

Guillaume Bonnet

Guillaume Bonnet - @guilbon
Membre du Collège des Cardiologues en Formation, Paris.

Orianne Weizman

Orianne Weizman
Membre du Collège des Cardiologues en Formation, Nancy.

Relecture : Professeur Guillaume Cayla, Nîmes

En direct de l'ESC Congress 2020

Cette année 2020 marque la publication de nouvelles recommandations sur le syndrome coronarien aigu (SCA) sans sus décalage du segment ST (NSTEMI), 5 ans après la précédente édition. C’est le Pr Jean-Philippe Collet de la Pitié Salpêtrière qui a dirigé ces recommandations. En voici les principaux points clés et nouveautés.

Diagnostic et stratification du risque

Concernant le diagnostic :

  • Différents algorithmes de diagnostic sont recommandés incluant un dosage de la troponine ultra/hypersensible à H0 et H2 ou des dosages à H0 et H1 (des guidelines de 2015) (I),
  • Il est recommandé de procéder à des tests supplémentaires après 3 heures si les deux premières mesures de troponine de l'algorithme 0 h/1 h ne sont pas concluantes et l'état clinique est toujours évocateur d'un SCA.(I)
  • Ne plus doser de biomarqueurs type CPK, CPK-MB, copeptine ou h-FABP. (III)
  • En cas de probabilité faible ou moyenne de coronaropathie et une troponine et/ou un ECG normal ou non concluant, le scanner coronaire est recommandé comme une alternative à la coronarographie pour éliminer un syndrome coronaire aigu (I)
  • Après détection de l’ischémie ou recherche de maladie coronaire via scanner coronaire en cas de bas risque (I)

Concernant la stratification du risque :

  • Le dosage du NT-proBNP ou du BNP peut être réalisé en complément pour gagner en information pronostique. (IIa)
  • Le score de GRACE peut être calculé. (IIa)

Concernant la surveillance :

  • Surveillance rythmique recommandée pour tout NSTEMI jusqu’à 24h ou jusqu’à l’angioplastie pour patients à bas risque de troubles du rythme (I) et étendu à plusieurs jours pour les patients à risque élevé de trouble du rythme. (I)

Traitement invasif

  • Coronarographie dans les 24h pour tout patient avec un de ces critères (I)
    • NSTEMI confirmé
    • Modifications dynamiques du segment ST suggérant une ischémie  
    • Sus ST transitoire
    • Score de GRACE > 140
  • Une stratégie invasive immédiate (<2 h) est recommandée chez les patients présentant au moins un des critères de risque très élevé :
    • Instabilité hémodynamique ou arrêt cardiaque
    • Douleur thoracique récurrente ou réfractaire malgré le traitement médical
    • Arythmies menaçantes
    • Complications mécaniques de l'infarctus du myocarde
    • Insuffisance cardiaque clairement liée au NSTEMI
    • Présence d’un sous-ST >1 mm dans > 6 dérivations avec un sus-ST sur aVR et/ou V1
  • Une stratégie retardée (en comparaison à une stratégie immédiate) peut être considérée chez les patients hémodynamiquement stables sans sus décalage de ST réanimé après un arrêt cardiaque récupéré extra-hospitalier (IIa)
  • La revascularisation complète doit être considérée si NSTEMI chez un patient pluritronculaire en dehors d’un état de choc cardiogénique (IIa)
  • La revascularisation complète peut être considérée pendant la procédure index en cas de NSTEMI chez un patient pluritronculaire, avec guidage FFR possible des lésions non coupables. (IIb)

Traitement anti-thrombotique

  • Le prasugrel doit être considéré plutôt que le ticagrelor pour les NSTEMI nécessitant une angioplastie (IIa)
  • En cas de coronarographie réalisée rapidement (dans les 24H) ou d’anatomie coronaire non connue, les antiP2Y12 ne sont pas recommandés comme prétraitement de routine (III)
  • Si la coronarographie ne peut être réalisée dans les 24H , un prétraitement par antiP2Y12 en amont de la coronarographie peut être considéré selon le risque de saignement (IIb)
  • La bivalirudine peut être une alternative à l’héparine non fractionnée (IIb).
  • La désescalade du traitement par antiP2Y12 (switch prasugrel ou ticagrelor vers clopidogrel) peut être considérée en alternative à la bithérapie anti-agrégante, particulièrement après un syndrome coronaire aigu chez les patients pour qui une inhibition plaquettaire puissante est jugée comme inappropriée. La désescalade est guidée par le jugement clinique, l’étude de la fonction plaquettaire ou le génotypage CYP2C19 selon le profil de risque du patient et la disponibilité des tests. (IIb)
  • Ajouter un 2e agent anti-thrombotique à l’aspirine pour améliorer la prévention secondaire à long terme doit être considéré chez les patients à haut risque ischémique et sans risque de saignement majeur. (IIa)

FA et NSTEMI

  • Chez les patients en fibrillation atriale (FA) (CHA2DS2-VASc score ≥1 chez les hommes, ≥2 chez les femmes) la stratégie proposée par défaut est
    • 1 semaine de trithérapie (anticoagulation + double anti-agrégation plaquettaire). (I)
    • puis 12 mois de bithérapie incluant un AOD (anticoagulant oral direct) à la dose curative associée à une antiagrégant plaquettaire (de préférence Clopidogrel). (I)
  • La bithérapie comprenant un AOD et du ticagrelor ou du prasugrel peut être considérée comme une alternative à la trithérapie (anticoagulation, aspirine et clopidogrel) chez les patients avec un risque modéré à élevé de thrombose de stent, quel que soit le type de stent utilisé. (IIb)

Infarctus du myocarde avec artères coronaires non obstruées et les diagnostics alternatifs

Le diagnostic de MINOCA avec les critères suivants :

1. Infarctus aigu du myocarde (modifié à partir des critères de la "Quatrième définition universelle de l'infarctus du myocarde") :

  • Détection d'une élévation ou d'une chute de la troponine cardiaque dont au moins une valeur est supérieure à la limite supérieure de référence du 99e percentile
    ET
  • Preuve clinique de l'infarctus (au moins un des éléments):
    • Symptômes d'ischémie myocardique
    • Nouveaux changements électrocardiographiques ischémiques
    • Développement d'ondes Q pathologiques
    • Preuve par imagerie d'une nouvelle perte de myocarde viable ou d'une nouvelle anomalie de mouvement de la paroi régionale
    • Identification d'un thrombus coronaire par angiographie

2. Artères coronaires non obstructives à l'angiographie :

  • Défini comme l'absence de maladie obstructive à l'angiographie (c'est-à-dire pas de sténose des artères coronaires >50%) dans tout vaisseau épicardique majeur. Cela inclut les patients avec :
    • des artères coronaires normales (sans sténose angiographique)
    • Légères irrégularités lumineuses (sténose angiographique <30%)
    • Lésions coronariennes athérosclérotiques modérées (sténoses >30% mais <50%)

3. Pas de diagnostic alternatif spécifique pour la présentation clinique :

  • Les autres diagnostics comprennent, sans s'y limiter, les causes non ischémiques telles que l’infection, l'embolie pulmonaire et la myocardite

Chez tous les patients ayant un diagnostic initial de MINOCA, il est recommandé de suivre un algorithme de diagnostic pour différencier les véritables MINOCA à partir de diagnostics alternatifs (Figure.). (I)

Il est recommandé de pratiquer une IRM chez tous les patients MINOCA sans cause sous-jacente évidente. (I)

Il est recommandé de prendre en charge les patients ayant un diagnostic initial de MINOCA et une cause sous-jacente finale établie selon des lignes directrices spécifiques à la maladie.

 

Conclusion

Par  rapport à 2015, ces recommandations concernant les patients avec un syndrome coronaire aigu sans sus décalage du segment ST (NSTEMI) modifient la démarche diagnostique et pronostique en précisant le rôle des biomarqueurs et rétrogradant les scores combinés (score de GRACE de I à IIa).

Ces nouvelles recommandations appuient également sur l’intérêt du scanner coronaire comme une alternative à la coronarographie pour éliminer un syndrome coronaire aigu (quand la probabilité de maladie coronaire est faible à intermédiaire avec un dosage de troponine et/ou un ECG normal ou non concluant).

Le timing de la prise en charge invasive de moins de 24h et le type de revascularisation (complète ou de la lésion coupable seule) sont également détaillés selon la situation (choc cardiogénique, après un arrêt cardiaque extrahospitalier).

Le prétraitement par inhibiteur P2Y12 en amont de la coronarographie continue est découragé lorsque la coronarographie est faite dans les 24 H .

Enfin, un éclairage particulier est mis sur le patient en fibrillation atriale présentant un NSTEMI et précise donc la conduite à tenir vis-à-vis du traitement anticoagulant et antiagrégant. Une nouveauté est la trithérapie d’une semaine (anticoagulation + double antiagrégation plaquettaire), relayée par une bithérapie de 12 mois (AOD+clopidogrel de préférence) puis AOD seul comme stratégie par defaut à adapter en fonction du risque ischémique et hémorragique.

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