ARAMIS - Anakinra, un traitement pour la myocardite aiguë ?

Mis à jour le lundi 11 décembre 2023
dans
Alexandre Pfeffer

Auteur :
Alexandre Pfeffer
Membre du Collège des Cardiologues en Formation,
Paris

Charles Fauvel

Relecteur :
Charles Fauvel
Président du Collège des Cardiologues en Formation,
Rouen

En direct de l'ESC Congress 2023

D’après la présentation de Mathieu Kerneis (Paris, France) : "ARAMIS - Anakinra versus Placebo in Acute Myocarditis"

Les messages clés

  • Pas de bénéfice du traitement anti-inflammatoire par anakinra chez les patients présentant une forme simple de myocardite aiguë
  • Des essais à grande échelle sur des patients à plus haut risque sont maintenant nécessaires

Introduction

La myocardite aiguë est une affection inflammatoire du myocarde responsable d’insuffisance cardiaque et d’arythmies ventriculaires menaçant le pronostic vital.

Néanmoins, les traitements anti-inflammatoires n’ont jusqu’à ce jour pas montré de bénéfice dans cette pathologie1.

Des études expérimentales suggèrent que le blocage de la voie d’inflammation IL1-B serait efficace dans la myocardite aiguë2.

L’anakinra est un immunomodulateur antagoniste du récepteur IL-1, déjà utilisé pour le traitement d’autres affections d’origine inflammatoire.

L’objectif principal de cette étude est d’évaluer l’efficacité de l’anakinra pour réduire les évènements cardiovasculaires dans la myocardite aiguë.

 

Principe de l'étude, méthodologie et résultats

Méthode

ARAMIS est un essai clinique de phase IIB multicentrique randomisé de supériorité contre placebo en double aveugle.

Les critères d’inclusion comprenaient :

  • Présence d’une douleur thoracique
  • ET élévation de troponine
  • ET myocardite confirmée à l’IRM cardiaque réalisée dans les 72h (critères de Lake Louise)
  • Angiographie coronaire (coroscanner/coronarographie) normale à partir de 40 ans ou en cas de facteurs de risque cardiovasculaires.

Étaient exclus les patients présentant une forme grave d’emblée, nécessitant une assistance hémodynamique/ventilatoire, certaines étiologies (auto-immunes, cellules géantes, éosinophilique, sarcoïdose, COVID-19), ceux traités par un autre anti-inflammatoire dans les 2 semaines, ainsi que ceux présentant une contre-indication à l’Anakinra.

Ils étaient randomisés en 1:1 dans deux bras :

  • Traitement standard* + 100 mg d’anakinra en injection sous cutanée quotidienne jusqu’à la sortie d’hospitalisation (maximum 14 jours)
  • Traitement standard* + placebo

*IEC/ARA2 et Bétabloquants aux doses maximales tolérées

Le critère de jugement principal était un critère composite de survie sans complication à 28 jours de la sortie d’hospitalisation :

  • arythmies ventriculaires (TV/FV)
  • insuffisance cardiaque nécessitant l’hospitalisation
  • douleur thoracique modifiant les thérapeutiques,
  • dysfonction VG < 50 % en ETT.

Étaient également évalués en critères secondaires la qualité de vie, l’impact médico-économique, ainsi que des critères intermédiaires biologiques, mais aussi d’imagerie avec ETT et IRM à 6 mois et 1 an.

Les patients avec une FEVG > 50 % étaient randomisés une deuxième fois à 1 mois sur l’arrêt du traitement IEC/ARA2, avec un suivi d’un an.

La sécurité de l’anakinra était contrôlée, notamment sur la survenue d’infections sévères ou de réaction anaphylactique, ainsi que sur des critères biologiques de fonctions rénale et hépatique, de numération sanguine et de taux de LDLc.

Résultats :

119 patients ont été inclus entre 2017 et 2021 dans 6 centres français.

Il s’agissait en grande majorité d’hommes, autour de 28 ans, avec, pour la moitié, une infection virale récente et présentant une forme simple pendant l’hospitalisation sans dysfonction VG (Figure 1).

Figure 1 : Critère de jugement principal
(Source : présentation ESC – Dr KERNEIS)

Aucune biopsie myocardique n’a été réalisée, en accord avec les recommandations européennes et américaines. L’élévation de la troponine était légère (< 100 ng/l) et l’ECG montrait un sus-décalage ST chez 65 % des patients. Une imagerie coronaire a été réalisée chez 80 % d’entre eux.

L’analyse en ITT n’a pas montré de supériorité de l’anakinra contre placebo pour le critère de jugement principal, avec autant de survie sans complication dans les deux bras (Figure 2).

Figure 2 : Évènements cliniques
(Source : présentation ESC – Dr KERNEIS)

Pas de différence significative sur le taux de complication, qui était de 11 % dans le groupe anakinra, et de 17 % dans le groupe placebo.

Il n’y avait pas de différence sur chacun des critères du composite, ni sur la sécurité du traitement.

Conclusion

Bien qu’il soit sûr, le traitement anti-inflammatoire par anakinra n’a pas montré de bénéfice pour le traitement de la myocardite en phase aiguë.

Néanmoins, il s’agissait d’une population « de vraie vie », à bas risque, avec un faible taux de complication.

Il s’agit du plus grand essai contrôlé randomisé dans la myocardite aiguë, et le premier avec un diagnostic associant l’élévation de la troponine et la confirmation diagnostique par l’IRM cardiaque.

Les résultats concernant l’arrêt du traitement IEC/ARA2 et le suivi longitudinal des patients (avec contrôle ETT et IRM) sont attendus.

Des essais à grande échelle sur des patients à plus haut risque sont nécessaires pour évaluer le bénéfice potentiel des traitements anti-inflammatoires dans la myocardite aiguë.

Références bibliographiques

  1. Mason, J W et al. “A clinical trial of immunosuppressive therapy for myocarditis. The Myocarditis Treatment Trial Investigators.” The New England journal of medicine vol. 333,5 (1995): 269-75.
  2. Tschöpe, Carsten et al. “Management of Myocarditis-Related Cardiomyopathy in Adults.” Circulation research vol. 124,11 (2019): 1568-1583.

Pour aller plus loin

 

Pour en savoir plus, consultez les LBS, LBT et hotlines complètes, en langue anglaise, présentées lors de l'ESC 2023 :

Toute l'actualité de l'ESC 2023

  

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