Valves aortiques percutanées: l'avenir est à l'allègement des conditions de réalisation des interventions
(Par François BOISSIER, aux Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie)
PARIS, 13 janvier 2017 - L'augmentation de l'expérience acquise sur l'implantation des valves aortiques par voie percutanée va permettre dans l'avenir d'aller vers un allégement des conditions de réalisation de ces interventions, et à l'élargissement des indications, estime Hélène Eltchaninoff du CHU de Rouen.
Cette spécialiste qui a contribué au développement de cette technique d'implantation de valves aortiques par voie percutanée (TAVI) dans le service du Pr Alain Cribier -qui en est à l'origine-, s'est exprimée mercredi et jeudi aux journées européennes de la Société française de cardiologie (SFC).
Environ 300.000 patients dans le monde ont subi cette intervention et cela continue d'augmenter. "On s'attend à une multiplication par quatre dans les 10 ans". Les résultats en termes d'efficacité et de sécurité continuent de s'améliorer, grâce à l'expérience et à l'amélioration des dispositifs.
Et la spécialiste rouennaise s'est montrée très confiante sur les possibilités d'élargissement des indications. On a débuté par les patients non éligibles à la chirurgie, puis on est passé à ceux opérables mais à haut risque chirurgical et plus récemment des études ont montré une équivalence, voire une supériorité sur la chirurgie chez les patients à risque intermédiaire. Des études sont en cours sur les patients à faible risque.
"Le TAVI va devenir la technique de référence chez tous les patients", en dehors des patients très jeunes et de cas complexes, prédit-elle. "Dans 10 ans ça sera le traitement de choix".
Voie fémorale dans 90% des cas.
Par ailleurs, elle a rappelé que la voie fémorale est désormais utilisée dans 90% des interventions, et on utilise des introducteurs de plus petit calibre. Cela permet de simplifier la procédure et de ne faire qu'une anesthésie locale. Par ailleurs, on peut dans la majorité des cas se passer d'échographie transoesophagienne.
La simplification permet de réduire la durée d'hospitalisation. A Rouen, les patients ne restent qu'une nuit en soins intensifs et "70% sont sortis dans les trois jours, 50% dans les 48 heures".
Hélène Eltchaninoff a également mis en avant l'importance d'une "très bonne organisation", à toutes les étapes, d'un état d'esprit commun à toute l'équipe et de la présence d'une infirmière coordinatrice.
Avec ces progrès, "on s'interroge sur les possibilités de réaliser le TAVI dans des centres non chirurgicaux". D'une part, la technique est sûre. D'autre part, elle est "à la portée de tout cardiologue interventionnel bien formé".
La question de la durabilité
Elle a été rejointe dans sa vision optimiste de l'avenir par Thierry Lefèvre de l'institut cardiovasculaire Paris-Sud de Massy (Essonne). Il a souligné la réduction des risques d'accident vasculaire cérébral et d'autres complications, la réduction "considérable" des fuites paravalvulaires, la tendance à la baisse de mortalité dans les études récentes.
Quant à la durabilité des valves implantées, bien que cela reste la "grosse question", il a affirmé qu'"il n'y a pas de dégénérescence à cinq ans".
Une affirmation qui a toutefois été fermement contestée par le Pr Jean-François Obadia de l'hôpital Louis-Pradel à Lyon (HCL), chirurgien cardiaque qui a entrepris de contrer le "tsunami" du TAVI menaçant de submerger l'approche chirurgicale. Il s'est insurgé contre la littérature scientifique sur le TAVI "toujours orientée dans le même sens" et qui conduit à faire "perdre les capacités de réflexion".
"Le TAVI fait mieux que la chirurgie ? C'est faux", a-t-il affirmé. Toutes les études étaient des études de non-infériorité. Et il a contesté les études observationnelles qui veulent voir une supériorité de l'approche interventionnelle, en critiquant le fait qu'elles font des comparaisons avec des données chirurgicales historiques, qui "ne sont pas de la même époque".
Tout en reconnaissant que démontrer une équivalence entre le TAVI et la chirurgie est "déjà extraordinaire", il a pointé la question de la durabilité. Il a d'abord estimé que les valves implantées sont "traumatisées" dès le départ par le fait qu'on les "écrase" pour les introduire dans des cathéters de taille de plus en plus petite, et ce traumatisme initial pourrait avoir des conséquences à long terme.
Il a ensuite rappelé une étude présentée il y a moins d'un an, qui incluait des patients de Rouen, dans laquelle à huit ans de suivi après une implantation percutanée, la moitié des patients présentaient à l'échocardiographie des signes de dégénérescence. Il y a un "message d'alerte" dont il faut tenir compte.
Le risque de dégénérescence serait d'autant plus grand que les patients sont jeunes. Et selon Jean-François Obadia, l'espérance de vie devrait être centrale dans la décision d'orienter un patient vers l'implantation percutanée ou vers la chirurgie.
Le Pr Cribier a nuancé ces propos en soulignant le fait que la technique évolue rapidement, les dispositifs "changent tous les deux ans" et les données de suivi dont on dispose concernent des dispositifs qui ne sont déjà plus utilisés.
Source : APM International
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