Un usage récréatif de drogues retrouvé chez 10% des patients en unité de soins intensifs de cardiologie

Publié le lundi 21 août 2023
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APM news

LONDRES, 16 août 2023 (APMnews) - Un usage récréatif de drogues a été retrouvé chez plus d'un patient sur 10 hospitalisé en unité de soins intensifs de cardiologie et est associé à un risque accru de décès ou d'intervention en urgence, selon une étude française publiée mardi dans Heart.

Des études épidémiologiques ont montré que l'usage récréatif de substances illicites peut provoquer des événements cardiovasculaires aigus, avec notamment une consommation récente de cocaïne ou de cannabis retrouvée chez des patients ayant eu un infarctus du myocarde. Mais ces études sont souvent rétrospectives, menées chez des patients jeunes, déclaratives, sans dépistage systématique, rappellent Théo Pezel de l'U942 Inserm/Université Paris Cité à l'hôpital Lariboisière à Paris (AP-HP) et ses collègues.

Ils ont voulu déterminer la prévalence de cet usage récréatif de drogues parmi les patients pris en charge dans des unités de soins intensifs de cardiologie (Usic) et évaluer son association avec des événements indésirables lors de l'hospitalisation.

Pour cela, ils ont mené une étude observationnelle, prospective et multicentrique auprès de tous les patients adultes admis de manière consécutive sur deux semaines dans 39 Usic réparties sur l'ensemble des régions françaises.

Parmi les motifs d'admission des 1.499 patients (63 ans en moyenne, 70% d'hommes) inclus figuraient un syndrome coronaire aigu (50,8%), une insuffisance cardiaque aiguë (13,5%), un trouble sévère de la conduction cardiaque (5,5%), une arythmie (6,5%), une embolie pulmonaire (3,1%), une myocardite ou une péricardite (4,7%), un syndrome de tako-tsubo (1,1%)… 6,3% des patients présentaient une douleur thoracique sans cause cardiovasculaire identifiée.

Ils étaient 10,7% à présenter au moins un résultat positif à une substance illicite au dépistage urinaire: 9,1% au cannabis, 2,1% à un opioïde, 1,7% à la cocaïne, 0,7% à une amphétamine et 0,6% à la MDMA. Mais seulement un peu plus de la moitié (56,5%) de ces patients ont reconnu avoir consommé une drogue lorsqu'ils ont été interrogés.

La majorité des patients avec un test positif aux drogues n'en avaient consommé qu'une (72%), l'usage récréatif concernait davantage les hommes (11,9% vs 8,1%), des personnes plus jeunes (53,1 ans en moyenne vs 64,6 ans) et davantage des fumeurs (56,3% vs 21,8%).

Dans l'ensemble de la cohorte, plus d'un tiers des patients avaient une coronaropathie connue et 5,2% une cardiomyopathie connue. Mais certaines comorbidités étaient moins fréquentes parmi ceux ayant un test positif aux drogues, comme un diabète (13,3% vs 22,7%), une hypertension artérielle (32,3% vs 56,5%) ou une dyslipidémie (28,5% vs 39,9%).

L'effet potentiel de l'usage récréatif de drogues sur l'évolution des patients lors de l'hospitalisation a été évalué chez 1.411 patients. L'analyse des données, ajustée sur les facteurs potentiels de confusion (comorbidités et facteurs prédictifs connus), l'usage récréatif de drogues a été associé de manière significative sur le plan statistique à des événements indésirables majeurs lors de l'hospitalisation, avec un risque relatif rapproché (OR) de 8,1 par rapport à l'absence d'usage récréatif.

Pour chaque composante des événements indésirables majeurs, l'usage récréatif de drogues était associé en particulier à un OR de 5,2 pour le choc hémodynamique et de 33,4 pour un arrêt cardiaque ressuscité. En revanche, l'association avec le décès intrahospitalier n'était pas significative.

Les chercheurs ont confirmé cette association entre usage récréatif de drogues et événements indésirables majeurs lors de l'hospitalisation dans une analyse par appariement sur score de propension.

D'autres analyses indiquent que l'usage récréatif de cannabis, de cocaïne ou de MDMA évalué de manière séparée était associé de manière significative à la survenue d'événements indésirables majeurs lors de l'hospitalisation et que l'effet d'un usage récréatif était plus important avec une prise multiple de drogues qu'avec une seule.

A la connaissance des auteurs, cette étude est la première à mesurer la prévalence de drogues consommées de manière récréative par dosage urinaire systématique parmi l'ensemble des patients admis de manière consécutive dans des Usic et à décrire un impact pronostique de cet usage récréatif sur l'évolution des patients hospitalisés pour un événement cardiovasculaire aigu.

Ces résultats suggèrent qu'un dépistage systématique des substances illicites lors de l'admission en soins intensifs pourrait permettre d'adapter la prise en charge et améliorer le pronostic des patients concernés, commentent-ils.

Dans un éditorial associé, Fizzah Choudry et ses collègues du St Bartholomew's Hospital à Londres saluent ce travail mais estiment que la relation causale entre l'usage récréatif de drogues et l'événement cardiovasculaire motivant l'hospitalisation n'est pas claire, comme ne l'est pas le contexte d'usage de drogues. Ils jugent important que d'autres études soient menées sur ce thème avant de pouvoir recommander un dépistage systématique des drogues.

(Heart, publication en ligne du 15 août et éditorial associé)

Source: APMnews

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