Traitement de l'hypertension : la cible optimale de pression artérielle difficile à trouver

WASHINGTON, 4 novembre 2021 (APMnews) - En matière de traitement de l'hypertension artérielle, trouver la cible optimale de pression artérielle à atteindre s'avère plus complexe qu'on ne pensait, la meilleure pression étant différente selon qu'on veut prévenir un infarctus du myocarde ou un accident vasculaire cérébral (AVC), selon une étude publiée par le Journal of the American College of Cardiology (JACC).
De façon étonnante, alors qu'on traite l'hypertension depuis des décennies, la meilleure cible de traitement n'est toujours pas clairement définie. Dans les années 1960, le traitement de l'hypertension était centré sur la baisse de la pression diastolique; puis progressivement on est venu dans une période plus récente à l'inverse à se concentrer sur la systolique, rappelle Nathan Itoga de l'université de Stanford.
Mais des études ont montré des courbes sur le rapport entre pression artérielle et événements cliniques en forme de J, suggérant que des baisses trop importantes pouvaient être délétères. Et d'autres travaux ont suggéré qu'il ne faudrait pas étudier isolément l'une ou l'autre composante de la pression artérielle mais plutôt les analyser simultanément.
Pour tenter d'y voir plus clair, les chercheurs ont travaillé sur les données de la grande étude ALLHAT, une étude qui comparait plusieurs traitements antihypertenseurs. Cela leur a permis d'analyser les données de 33.357 patients, qui ont eu en médiane 14 mesures de pression artérielle durant un suivi médian de 4,4 ans.
Il s'avère que la relation entre le niveau de pression artérielle diastolique et systolique et les risques des événements cardiovasculaires est complexe.
Ainsi, pour le critère composite (décès, infarctus, AVC), pour la mortalité toutes causes ou pour l'insuffisance cardiaque, on voit une courbe en U, c'est-à-dire que le risque est plus élevé pour les pressions les plus élevées mais aussi les plus basses.
Mais les pressions diastolique et systolique ne sont pas corrélées. Par exemple, pour la mortalité, une pression à 150/70 mmHg est associée à un moindre risque qu'une pression à 120/80 mmHg.
Et selon le critère étudié, l'optimum est différent. Pour l'insuffisance cardiaque par exemple, c'est 135/75 mmHg qui est la meilleure pression artérielle.
Pour prévenir l'infarctus du myocarde, la pression artérielle où le risque était le plus bas était 120/80 mmHg, et même une différence mineure, en passant à 125/75 mmHg, était associée à un risque plus élevé, ont constaté les auteurs.
Enfin, le seul cas où les choses étaient simples était la prévention des AVC, car la relation entre la pression artérielle et le risque était linéaire: plus on baissait aussi bien la pression diastolique que systolique, plus on diminuait le risque de cet événement clinique.
De plus, l'âge peut avoir une influence. Si l'on s'intéresse au critère composite incluant les décès, infarctus et AVC -où l'effet d'une pression donnée sur l'un des composants peut équilibrer l'effet sur un autre-, ils ont calculé que la meilleure pression artérielle était 122/82 mmHg chez les moins de 65 ans et de 133/78 mmHg chez les plus de 65 ans.
Personnaliser la cible du traitement
La conclusion des chercheurs face à ce qui risque en pratique de se transformer en casse-tête pour les prescripteurs est qu'il faudrait personnaliser la cible du traitement antihypertenseur en fonction de ce qu'on veut prévenir avant tout. Chez les patients ayant un antécédent d'AVC, une baisse "agressive" de la pression artérielle semble souhaitable, alors qu'après un infarctus du myocarde, "il faudrait faire attention de ne pas abaisser excessivement la pression diastolique".
Ils estiment néanmoins que leurs résultats sont à prendre avec prudence car, d'une part, il s'agit d'une étude rétrospective et, d'autre part, selon les études et selon la méthode de mesure de la pression artérielle, la pression la plus basse pour avoir le risque d'événement le plus bas pourrait varier. Leur travail montre néanmoins une tendance générale suggérant l'importance d'une individualisation de la cible du traitement.
Dans un éditorial, Franz Messerli de l'université de Berne et ses collègues notent que ces résultats vont dans le même sens que ceux de leur essai INVEST où quand la pression diastolique descendait, les infarctus augmentaient alors que les AVC diminuaient.
Il y a donc une "hétérogénéité" de la pression artérielle optimale selon l'organe ciblé et "le clinicien se trouve devant un choix inconfortable de vouloir prévenir les événements cardiaques au prix d'une augmentation des événements cérébrovasculaires, ou vice-versa".
Selon eux, la plus grande difficulté sera rencontrée chez des patients âgés coronariens stables ayant fait un accident ischémique transitoire (AIT). Ils imaginent un tel patient, dont la pression artérielle serait à 148/68 mmHg: dans l'idéal il faudrait en même temps diminuer la pression systolique pour prévenir l'AVC et augmenter la pression diastolique pour prévenir l'infarctus!
Ils suggèrent dans ce cas d'envisager une revascularisation coronaire, qui ainsi diminuerait le risque d'infarctus et donnerait une plus grande marge de manoeuvre pour prévenir l'AVC.
Source: APMnews
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