Maladie rénale chronique modérée à sévère: la moitié des patients passent par l'hôpital avant dialyse
NICE, 16 octobre 2017 (APMnews) - La moitié des patients atteints d'une maladie rénale chronique modérée à sévère passent par l'hôpital avant la mise sous dialyse, que ce soit un passage aux urgences, une hospitalisation de jour ou une hospitalisation classique, selon des données de la cohorte CKD-REIN présentées au congrès de la Société française de néphrologie, dialyse et transplantation (SFNDT), la semaine dernière à Nice.
Une session spéciale était consacrée aux actualités de cette première étude nationale menée en France sur la maladie rénale chronique, soutenue par le programme d'investissements d'avenir (PIA) et le programme hospitalier de recherche clinique (PHRC). Mise en place en 2013, la cohorte est constituée de plus de 3.000 patients suivis par plus de 200 néphrologues pour une durée de 5 ans (cf dépêche du 05/03/2012 à 17:06), rappellent le Dr Bénédicte Stengel de l'UMR 1018 (Inserm, universités de Versailles St-Quentin-en-Yvelines, Paris-Descartes et Paris-Sud) à Villejuif (Val-de-Marne), coordinatrice du comité de pilotage, et ses collègues.
Parmi les nouveaux résultats présentés au congrès figurent des données montrant le poids des hospitalisations chez les patients atteints de maladie rénale chronique.
"C'est la leçon qu'il faut retenir du suivi pendant deux ans, avant la dialyse, de ces 3.000 patients. Un patient sur trois est hospitalisé chaque année, dont un sur deux plus deux fois par an et pendant plus de cinq jours", commente le Dr Stengel auprès d'APMnews, soulignant l'importance de "sensibiliser les médecins et les pouvoirs publics" à ce problème.
Parmi les 3.033 patients (69 ans en médiane, 65% d'hommes) inclus dans la cohorte, 60% l'étaient au stade 3 (insuffisance rénale chronique modéré) et 40% au stade 4 (insuffisance rénale chronique sévère), avant le stade 5 (insuffisance rénale chronique terminale).
Au cours d'un suivi médian de deux ans, 314 patients ont évolué vers le stade 5 (10,4% des patients de la cohorte), soit une incidence de 5,7 cas pour 100 patients-années, parmi lesquels 257 ont été mis sous dialyse (81,8% des patients parvenus au stade terminal et 8,5% de la cohorte) et 57 ont bénéficié d'une greffe préemptive (respectivement 16,2% et 1,9%).
Un total de 239 décès sont survenus, 208 avant l'initiation de la dialyse (7% de la cohorte) et 31% après (1%).
Au total, 1.513 (49,9%) des patients sont passés au moins une fois par l'hôpital. Ils étaient 34% à avoir été hospitalisés au moins une nuit et 19% sont passés en hôpital de jour, totalisant 15.139 jours d'hospitalisation, et 10% ont visité les urgences.
L'analyse des données indique que le taux d'hospitalisation d'au moins une nuit, avant dialyse, s'élève à 24,7 cas pour 100 patients-années pour les hommes et 22,1 cas pour les femmes. Il augmente avec l'âge, entre les moins de 50 ans et jusqu'à 74 ans (de 18,7 cas à 27,5 cas) pour ensuite re-diminuer à 25,2 cas chez les 75-84 ans et remonter à 27,1 cas chez les 85 ans et plus.
Elle montre aussi que les hospitalisations sont plus fréquentes chez les patients présentant des comorbidités, avec un taux de 29,5 cas pour 100 patients-années en cas d'obésité (vs 20,9 cas sans obésité), de 31,1 cas chez les diabétiques (vs 18,8 cas), de 33 cas lorsqu'il existe des antécédents cardiovasculaires (vs 15,5 cas) et de 31,1 cas avec des antécédents d'insuffisance rénale aiguë (vs 22,2 cas).
En analyse multivariée, les facteurs de risque indépendants d'hospitalisation sont le diabète (HR significatif de 1,28), les antécédents cardiovasculaires (HR de 1,96) et d'insuffisance rénale aiguë (HR de 1,22). Les résultats sont à la limite de la significativité statistique pour l'obésité.
Les hospitalisations sont plus fréquentes dans les CHU (25,8 cas pour 100 patients-années) et les CH (24,5 cas) que dans les cliniques (17,7 cas).
Cette étude montre le poids élevé des hospitalisations chez les patients insuffisants rénaux chroniques et donne de premières estimations nationales pronostiques. D'autres analyses sont nécessaires pour identifier les facteurs potentiellement évitables de ces hospitalisations, concluent les auteurs.
Traitement médicamenteux complexe, traitement conservateur méconnu
Lors de cette session, le Dr Sophie Liabeuf du CHU d'Amiens a souligné la complexité des traitements médicamenteux dans la maladie rénale chronique modérée ou avancée. Dans la cohorte, plus de 70% des patients prennent plus de 5 médicaments, ceux à visée cardiovasculaire étant les plus prescrits, selon des données préliminaires.
Chez ces patients souvent exclus des essais thérapeutiques, on manque d'information sur les contre-indications et les doses recommandées. Le suivi des patients de la cohorte permettra d'évaluer les effets indésirables liés aux médicaments prescrits en dehors des recommandations et la morbi-mortalité associée, indiquent les auteurs.
Une autre analyse des données a montré que l'option du traitement conservateur est quasiment inconnue des patients de la cohorte, a rapporté le Pr Luc Frimat du CHU de Nancy. Les réponses données aux questionnaires montrent que les néphrologues se déclarent majoritairement peu ou moyennement à l'aise avec cette option et ils ne sont que 15% à le proposer aux patients. Seules un tiers des structures disposent de moyens adaptés à cette option. Une minorité de patients en a entendu parler.
Enfin, le Pr Christian Combe du CHU de Bordeaux a présenté des données montrant une variabilité dans les prises en charge des patients en France, avec un déficit dans l'atteinte des cibles thérapeutiques définies dans les recommandations de bonnes pratiques.
Il a rappelé que CKD-REIN est la partie française de l'étude internationale CKDopps, qui va suivre sur trois ans plus de 12.000 patients dans près de 160 centres de néphrologie en Allemagne, au Brésil, aux Etats-Unis, au Japon et en France. L'objectif majeur est d'identifier les pratiques néphrologiques associées à un meilleur pronostic chez les patients au stade modéré ou avancé de la maladie rénale chronique.
La précédente étude DOPPS dans le domaine de l'hémodialyse avait permis d'identifier de mauvaises pratiques et de mettre en place des actions de correction, aboutissant à une baisse de la mortalité, notamment aux Etats-Unis.
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