Un essai clinique d'édition du génome en préparation pour corriger l'hypercholestérolémie familiale

PARIS, 1er octobre 2021 (APMnews) - La nouvelle stratégie potentielle de traitement de maladies génétiques par édition du génome, consistant à corriger un gène directement à l'intérieur des cellules, va être évaluée en clinique chez des patients présentant une hypercholestérolémie familiale en 2022, a fait savoir le chercheur qui a développé cette voie de traitement, le 30 septembre 2021, lors du congrès de la Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP) à Paris.
Cette stratégie basée sur la technique CRISPR-Cas9, dont la découverte a valu le prix Nobel de chimie 2020 à la Française Emmanuelle Charpentier et à l'Américaine Jennifer Doudna, pourrait, dans l'avenir, constituer une alternative à la thérapie génique - qui consiste quant à elle à introduire un nouveau gène, et non à modifier un gène directement dans les cellules.
Depuis sa découverte, cette technique a fait l'objet de nombreuses études en raison d'applications potentielles multiples : en recherche, par exemple pour étudier la fonction d'un gène ; dans un but médical pour modéliser des maladies, ou comme dans l'étude prévue pour traiter des maladies ; mais aussi dans les domaines agronomiques et environnementaux, a rappelé, lors de la session du congrès consacré à ce sujet, Jean-Paul Concordet du Muséum national d'histoire naturelle à Paris (Inserm-CNRS).
Concernant les applications chez l'homme, on en est encore aux balbutiements. Cet été, les premiers cas de traitement par édition du génome de patients souffrant d'amylose à transthyrétine ont été publiés, montrant une baisse massive de la production de la transthyrétine. Auparavant, au congrès de l'American Society of Hematology (ASH) avaient été présentés les premiers résultats dans des hémoglobinopathies (thalassémie et drépanocytose, avec pour objectif de faire réexprimer l'hémoglobine foetale pour améliorer l'état des patients).
De son côté, Kiran Musunuru de l'université de Pennsylvanie à Philadelphie et cofondateur de la start-up Verve Therapeutics, s'est intéressé à un problème beaucoup plus fréquent, les dyslipidémies - facteurs de risque de maladies cardiovasculaires.
Il a rappelé qu'existaient des mutations dans des gènes, PCSK9 et ANGPTL3, dont les porteurs ont des taux très bas de LDL-cholestérol (et aussi de triglycérides) et en conséquence ont un risque très faible de maladie cardiovasculaire. Et ce, sans avoir de conséquence négative pour les porteurs.
Cela a conduit au développement de médicaments ciblant ces protéines : des anticorps et un ARN interférent contre PCSK9 et un anticorps contre ANGPTL3, qui diminuent la cholestérolémie. Mais ces traitements, même s'ils sont pris moins fréquemment que les traitements hypolipémiants plus anciens, doivent tout de même être pris à vie. D'où l'intérêt qu'il y aurait à développer un traitement qui corrigerait définitivement le problème.
L'équipe de Kiran Musunuru a montré, dans des modèles animaux, notamment chez des singes, modèle proche de l'humain, qu'il était possible avec la technologie basée sur CRISPR-Cas9 de modifier dans le foie les gènes de PCSK9 ou d'ANGPTL3 et d'obtenir une baisse massive et durable (du moins, avec un recul de 8 mois, selon les données qu'il a présentées) de la production de ces protéines. Et pour la modification de PCSK9, il a montré que cela entraînait une baisse durable de 50 % de la cholestérolémie.
Le chercheur américain imagine que l'on pourrait traiter ainsi en priorité les patients souffrant d'hypercholestérolémie familiale, voire aussi traiter des patients sans maladie génétique mais ayant eu un infarctus du myocarde. Et il a même évoqué l'idée d'aller un jour vers une prévention primaire. Dans un principe similaire selon lui à une vaccination, il a imaginé que l'on pourrait traiter préventivement les gens pour leur éviter des maladies cardiovasculaires.
Mais avant d'en arriver à cette vision de "Crispr pour tous", il faut déjà démontrer que cela peut marcher dans la population la plus à risque, celle souffrant d'hypercholestérolémie familiale.
Un essai clinique est en préparation et va être lancé par Verve Therapeutics en 2022, pour évaluer l'édition du gène PCSK9 chez ce type de patients, a rapporté le chercheur. Le laboratoire est en cours de préparation de la demande d'autorisation du premier essai clinique sur ce produit nommé VERVE-101.
Prudence car la technique est encore très récente
Lors de cette session, Marina Cavazzana de l'hôpital Necker-enfants malades (AP-HP) et de l'Institut Imagine à Paris, spécialiste de la thérapie génique, s'est montrée quant à elle très prudente sur la nouvelle voie potentielle de traitement par édition du génome, dont on n'a pas encore totalement évalué l'innocuité.
Elle a souligné le fait que la technique d'édition du génome était très récente, surtout en clinique. Dans les hémoglobinopathies, s'il y a eu une efficacité en matière d'augmentation de l'hémoglobine foetale, ce sont pour l'instant "très peu de patients traités" et la durée de suivi est "trop courte".
Bien que, théoriquement, la technique permette de cibler très précisément la modification du génome qu'on souhaite faire et d'éviter de générer d'autres altérations ailleurs, cette spécialiste estime qu'il est prématuré de considérer cette technique comme totalement sûre. Des travaux montrent qu'il peut exister un risque de modification off-target et avant d'aller trop vite, il faut "développer des modèles prédictifs de risque".
Au vu du manque de recul et d'un risque potentiel, "n'est-on pas allés trop vite en clinique"? a-t-elle interrogé.
Source: APMnews
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