Avec les grands essais sur les antidiabétiques, les recommandations de traitement doivent être modifiées (expert)

Mis à jour le mercredi 7 novembre 2018

SAN DIEGO, 12 juin 2017 (APMnews) - Les grands essais cardiovasculaires sur les médicaments antidiabétiques ont montré que tous n'étaient pas équivalents, y compris au sein d'une même classe, et cela devrait conduire à modifier les recommandations de traitement du diabète de type 2, a estimé un spécialiste au congrès de l'American Diabetes Association (ADA) dimanche.

(Par François BOISSIER, au congrès de l'ADA)

Le Pr Stephen Nissen de la Cleveland Clinic (Ohio) s'est exprimé en conclusion d'une session consacrée à des données complémentaires issues de l'étude LEADER (dont les principaux résultats avaient été présentés il y a un an).Le choix du Pr Nissen comme commentateur de ces résultats n'était pas un hasard. Celui-ci est à l'origine de la vague de grands essais sur les antidiabétiques. Il y a 10 ans, son travail avait conduit au retrait de la rosiglitazone (Avandia*, GSK), en montrant une élévation de risque cardiovasculaire avec cet antidiabétique. Une démonstration -quelque peu remise en cause par la suite- qui à l'époque n'était pas basée sur un essai randomisé, mais sur une méta-analyse de petites études, note-t-on.

Mais c'est après cela -et après une autre étude montrant un effet délétère du muraglitazar, malgré un effet positif sur la glycémie- que les autorités américaines avaient demandé que tous les nouveaux antidiabétiques fassent leurs preuves non seulement en termes de contrôle de la glycémie mais aussi en vérifiant leur sécurité cardiovasculaire dans de grandes études randomisées.

"Jusqu'à 2007, on ne disposait d'aucune étude bien conduite et ayant la puissance suffisante pour évaluer le risque cardiovasculaire des antidiabétiques", a-t-il rappelé. "Il y avait un manque de connaissances", lié selon lui au fait que jusqu'alors les autorités se contentaient d'études démontrant une baisse de glycémie.

Le chercheur s'est donc félicité de cette nouvelle approche à laquelle il a contribué et de l'"explosion" du nombre d'essais de morbimortalité sur les antidiabétiques, et cela d'autant plus qu'elle a conduit à des découvertes inattendues.

Pas d'effet de classe

Passant en revue les essais cliniques, il a d'abord constaté qu'ils avaient permis de relativiser l'intérêt des inhibiteurs de la DPP-4. Avant ces études, cette classe de médicaments était parée de nombreuses actions physiologiques à différents niveaux qui laissaient supposer des bénéfices importants, et des méta-analyses de petites études suggéraient que le risque cardiovasculaire pourrait diminuer d'environ 30%.

Or, les premières études publiées, sur l'alogliptine et la saxagliptine, puis celle sur la sitagliptine, n'ont montré aucune différence de risque d'événements cardiovasculaires par rapport au placebo. Cette classe "n'a pas tenu ses promesses", a-t-il estimé.

De plus, de façon inattendue il s'est avéré que la saxagliptine augmentait le risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque.

Ce qui remet en question l'idée qu'il s'agirait d'une classe de médicaments homogène, a-t-il noté. "Toutes les molécules ne sont pas similaires".

Puis est venue l'étude EMPAREG-OUTCOME sur l'empagliflozine (Jardiance*, Boehringer Ingelheim/Lilly) qui a montré notamment une baisse de 38% de la mortalité cardiovasculaire, et LEADER avec le liraglutide qui baissait la mortalité cardiovasculaire de 22%.

"La première chose que nous voulons pour nos patients c'est les garder en vie", a souligné le Pr Nissen, se félicitant de ce que ce bénéfice de l'empagliflozine et du liraglutide n'aurait pas été connu sans ces études. "Il est rare d'avoir des thérapies qui diminuent la mortalité", a-t-il commenté.

C'est "réellement révolutionnaire" et l'ampleur du bénéfice est similaire à ce qui a été obtenu avec des médicaments cardiovasculaires.

Enfin, un autre analogue du GLP-1, le lixisénatide (Sanofi), a donné un résultat neutre dans une autre grande étude, contrairement au liraglutide. Quant à l'exénatide (Byduréon*, AstraZeneca), les résultats sont attendus en septembre mais selon les informations données par le laboratoire dans un communiqué il y a quelques semaines, les résultats seraient intermédiaires entre les 2 autres GLP-1, avec une tendance à la baisse de risque, mais n'atteignant pas la significativité statistique (cf dépêche du 23/05/2017 à 10:26). Donc là aussi, il ne semble pas y avoir d'effet de classe, a-t-il commenté.

"Nous entrons dans une nouvelle ère"

"Après 60 ans de stagnation, nous entrons dans une nouvelle ère qui nous permet de faire des choix", a commenté Steve Nissen. Mais il s'est déclaré "déçu" par les recommandations actuelles de l'ADA sur le traitement du diabète de type 2.

En effet, celles-ci ne prennent pas encore en compte les différences entre médicaments en termes d'effet cardiovasculaire, et ne distinguent pas les différents médicaments d'une même classe. "Il est temps d'appliquer les preuves que nous avons obtenues dans les recommandations".

Il s'est également étonné de l'"inertie" dans les pratiques de prescription des médecins, qui ne semblent pas avoir encore intégré les résultats de ces grandes études dans leur pratique quotidienne. Les spécialistes, tant diabétologues que cardiologues, doivent travailler à faire évoluer cette situation, a-t-il estimé.

Source : APM International

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