Les siRNA et le coeur : bénéfice échographique du Patisiran

Mis à jour le jeudi 27 octobre 2022
dans
Silvia Oghina

Dr Silvia Oghina
Cardiologue au sein du centre de référence des amyloses cardiaques
Créteil

D’après l'étude “Association of Patisiran, an RNA Interference Therapeutic, With Regional Left Ventricular Myocardial Strain in Hereditary Transthyretin Amyloidosis: The APOLLO Study” de Minamisawa M, Claggett B, Adams D, Kristen AV, Merlini G, Slama MS, et al.. JAMA Cardiol. 2019 May 1;4(5):466–72, commentée par le Dr Silvia Oghina.

Les siARN sont des molécules d'ARN double brin de 20 à 25 nucléotides de long qui peuvent se lier à des molécules d'ARNm complémentaires et provoquer leur dégradation, modulant ainsi l'expression des gènes.

Trois types de siRNA sont en cours d’évaluation pour les cardiopathies amyloïdes :

  1. le Patisiran, qui a l’AMM pour le traitement de l’amylose héréditaire à transthyrétine (amylose hATTR), chez les adultes atteints de polyneuropathie de stade 1 ou de stade 2 depuis 2019. Les résultats des études préliminaires ainsi que l’étude APOLLO B visant à évaluer l’efficacité et la sécurité du Patisiran dans les cardiopathies amyloïdes TTR sont décrites dans ce dossier.
  2. le Vutrisiran, qui a obtenu en 2022 une autorisation d’accès compassionnel pour les neuropathies amyloïdes familiales à transthyrétine, chez les patients adultes atteints de polyneuropathie aux stade 1 et 2, en cas d’impossibilité d’utilisation (notamment patisiran, inotersen) ou d’échec des traitements disponibles (notamment tafamidis), après avis d’un centre de référence NNERF (Neuropathies amyloïdes familiales et autres neuropathies périphériques rares) et dont les études sur les cardiopathies amyloïdes TTR sont en cours (HELIOS B, NCT04153149).
  3. et le Revusiran, pour lequel l’étude ENDEAVOUR, visant à évaluer son efficacité dans le traitement des cardiopathies amyloïdes héréditaires, a été interrompue en 2017 pour excès de mortalité (principalement en lien, malheureusement, avec une aggravation de l’insuffisance cardiaque).

La première étude exploratoire visant à évaluer le bénéfice échographique du Patisiran dans une sous-population pré-spécifiée ayant une atteinte cardiaque date de 20191. M. Minamisawa et al. ont publié les données de cette sous-population composée de 126 patients (56 %) des 225 patients porteurs d’amylose à ATTR héréditaire atteints de polyneuropathie inclus dans l’étude APOLLO, un essai clinique randomisé en 2:1, international, multicentrique de phase 3, en double aveugle, contrôlé par placebo, mené entre décembre 2013 et janvier 2016, visant à évaluer l’efficacité neurologique principalement et la sécurité du Patisiran (0,3 mg/kg intraveineux toutes les 3 semaines pendant 18 mois)2. Dans la sous-étude cardiologique, les patients analysés avaient un septum interventriculaire (SIV) supérieur ou égal à 13 mm (en l’absence d’hypertension artérielle ou de pathologie valvulaire aortique). Les patients en stade NYHA III ou IV ont été exclus de cette étude.

Le critère de jugement principal était paraclinique, basé sur l’amélioration du strain global longitudinal (SGL), paramètre échographique utile au diagnostic et à la stratification pronostique de la maladie3, évalué à l’inclusion, 9 et 18 mois.

Parmi les 126 patients inclus dans la sous-population cardiaque pré-spécifiée chez ces patients avec amyloses ATTR héréditaire neurologique, 36 patients (28,6 %) ont reçu un placebo et 90 patients (71,4 %) ont reçu du Patisiran. L’âge médian des patients était de 61 (54-76) ans, avec une large prédominance d’hommes (77,8 %), porteur d’une mutation V30M (mutation neurologique touchant principalement les sujets d’origine portugaise) dans 27 % des cas.

Les patients étaient peu sévères sur le plan cardiologique, avec 38,7 % des patients en classe I de la NYHA, un NTproBNP médian à l’inclusion à 837,2 (292,4 ; 2354,1) pg/mL, une FEVG médiane à 61 (55,1 ; 68,4)% et un SGL médian à -15,1(-12,6 ;-17,5)%.

Les patients traités par Patisiran stabilisaient leur SGL comparé aux patients traités par placebo à 18 mois (-1,5 % à 18 mois dans le groupe placebo, -0,1 % dans le groupe Patisiran, différence médiane des moindres carrés 1,4 % [0,6 %] ; IC à 95 %, 0,3%-2,5% ; P = 0,02) avec une différence observée dans les régions basales mais pas moyennes et apicales.

Cette étude a donc permis de montrer que dans une population de patients avec une atteinte cardiaque peu sévère lié à une amylose à TTR héréditaire à forme mixte, le Patisiran permet de stabiliser la dégradation attendue du SGL, en particulier dans la région basale, comparé à l’histoire naturelle de la maladie.

Références :

  1. Minamisawa M, Claggett B, Adams D, Kristen AV, Merlini G, Slama MS, et al. Association of Patisiran, an RNA Interference Therapeutic, With Regional Left Ventricular Myocardial Strain in Hereditary Transthyretin Amyloidosis: The APOLLO Study. JAMA Cardiol. 2019 May 1;4(5):466–72.
  2. Adams D, Gonzalez-Duarte A, O’Riordan WD, Yang CC, Ueda M, Kristen AV, et al. Patisiran, an RNAi Therapeutic, for Hereditary Transthyretin Amyloidosis. N Engl J Med. 2018 Jul 5;379(1):11–21.
  3. Quarta CC, Solomon SD, Uraizee I, Kruger J, Longhi S, Ferlito M, et al. Left Ventricular Structure and Function in TTR-Related versus AL Cardiac Amyloidosis. Circulation. 2014 Feb 21;CIRCULATIONAHA.113.006242.

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Les ARN interférents et les amyloses à transthyrétine"

 

Ce contenu vous est proposé avec le soutien institutionnel d'Alnylam

Alnylam logo corporate