Les siRNA et le coeur : Patisiran et IRM

Dr Silvia Oghina
Cardiologue au sein du centre de référence des amyloses cardiaques
Créteil
D’après l’article “Reduction in CMR Derived Extracellular Volume With Patisiran Indicates Cardiac Amyloid Regression”. Fontana M, Martinez-Naharro A, Chacko L, Rowczenio D, Gilbertson JA, Whelan CJ, et al. JACC Cardiovasc Imaging. 2021 Jan;14(1):189–99, commenté par le Dr Silvia Oghina.
Une étude publiée par Fontana et al.1 a cherché à évaluer l’effet du Patisiran sur la charge amyloïde cardiaque quantifiée par la cartographie du volume extracellulaire (VEC) par IRM (imagerie par résonance magnétique) cardiaque et la cartographie du volume extracellulaire (ECV) dans les cas de cardiomyopathie à transthyrétine héréditaire (ATTRv-CM). Le rationnel de cette étude étant que les paramètres habituellement utilisés pour évaluer la réponse thérapeutique dans l’amylose cardiaque à ATTR sont sujets à des biais : le NTproBNP varie au gré de l’altération de la fonction rénale, de la surcharge et de l’activation neuro-hormonale, et le SGL est affecté par les conditions de charge. L’IRM permet alors une quantification plus précise de la charge amyloïde via le rehaussement tardif, l’élévation du T1 natif, et la quantification du volume extra cellulaire, paramètre corrélé également au pronostic2,3. Ainsi, l’objectif de cette étude était de montrer que le Patisiran, en réduisant l’accumulation de nouveaux dépôts amyloïdes, dans le contexte d'un taux constant de clairance amyloïde, pourrait entraîner une régression amyloïde globale.
Cette étude monocentrique (UK Amyloidosis Centre), prospective, a été réalisée auprès de 16 patients ATTRv-CM traités par Patisiran et 16 témoins (9 ATTRwt-CM et 7 ATTRv-CM) appariés rétrospectivement sur la base des résultats de résonance magnétique cardiaque, entre juillet 2017 et novembre 2018. Il est important de noter que parmi les 16 patients traités par Patisiran, 12 d’entre eux étaient également traités par Diflunisal, un stabilisateur du tétramère de transthyrétine.
Dans cette étude également, l’atteinte cardiaque était peu sévère, avec uniquement 7 sur 16 patients prenant des diurétiques, un NTproBNP médian à l’inclusion à 805 (264 ; 2206)ng/L dans le groupe traité, une FEVG médiane à 63 (59-75)% et un SGL médian à -13,5(-16; -10,5)%. Les patients des deux groupes ont réalisé un bilan standardisé à l’inclusion puis de manière annuelle avec un bilan biologique incluant les biomarqueurs cardiaques, échocardiographie, IRM cardiaque, scintigraphie au DPD et un test de marche de 6 minutes.
Cette étude a permis de montrer une bonne tolérance du Patisiran, administré à la dose de 0,3 mg / kg toutes les 3 semaines, et du Diflunisal, (500 mg) et une baisse de la TTR circulante de 86 % (82;90) dans le groupe traité. Le traitement par Patisiran était associé à une réduction du VEC (différence moyenne ajustée entre les groupes : -6,2 % [IC 95 % : -9,5 % à -3,0 %] ; p = 0,001) après 12 mois de traitement sans modification du T1 natif, laissant penser qu’il ne s’agit pas d’une diminution de l’œdème myocardique mais d’une authentique diminution de l’infiltration amyloïde. La charge amyloïde était diminuée chez 38 % (6/16), inchangée chez 48 % (7/16) et augmentée chez 19 % (3/16) des patients traités. Dans le groupe contrôle, aucun patient ne diminuait sa charge amyloïde, elle restait stable chez 44 % (1/16) et augmentait chez 56 % (9/16) des patients non traités.
Par ailleurs, il était également montré une réduction médiane de la fixation myocardique à la scintigraphie osseuse DPD de 19,6 % IQR (9,8 %; 27,1 %) après 12 mois de traitement, sans comparaison avec le groupe contrôle qui n’a pas réalisé de scintigraphie à 12 mois.
Par ailleurs, était constaté une stabilisation du NTproBNP et du test de marche de 6 minutes dans le groupe traité et une diminution relative en comparant les deux groupes (pour le NTproBNP : différence moyenne ajustée entre les groupes : -1342 ng/l IC 95 %[-2364; -322]; p= 0,012 ; pour le test de marche : différences moyennes ajustées entre les groupes : 169 m IC 95 %[57 ; 280]; p = 0,004) après 12 mois de traitement (Figure 1).
Figure 1 : Principaux résultats de l'étude menée par Fontana et al.
Ces données sont donc prometteuses alors que l’infiltration amyloïde rapidement progressive constitue l’histoire naturelle, bien connue, de cette maladie au pronostic péjoratif.
Il aurait toutefois été intéressant de pouvoir comparer les données sous Patisiran (+/- associé à un stabilisateur du TTR) aux données sous Diflunisal : en effet, seule une partie des patients traités par Patisiran étaient également traités par ce stabilisateur du tétramère.
Références :
- Fontana M, Martinez-Naharro A, Chacko L, Rowczenio D, Gilbertson JA, Whelan CJ, et al. Reduction in CMR Derived Extracellular Volume With Patisiran Indicates Cardiac Amyloid Regression. JACC Cardiovasc Imaging. 2021 Jan;14(1):189–99.
- Fontana M, Banypersad SM, Treibel TA, Maestrini V, Sado DM, White SK, et al. Native T1 mapping in transthyretin amyloidosis. JACC Cardiovasc Imaging. 2014 Feb;7(2):157–65.
- Fontana M, Pica S, Reant P, Abdel-Gadir A, Treibel TA, Banypersad SM, et al. Prognostic Value of Late Gadolinium Enhancement Cardiovascular Magnetic Resonance in Cardiac Amyloidosis. Circulation. 2015 Oct 20;132(16):1570–9.
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Les ARN interférents et les amyloses à transthyrétine"
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