De nouvelles stratégies de prise en charge pour les patients intolérants aux statines

Mis à jour le jeudi 3 novembre 2022
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François Schiele

Pr François Schiele
Hôpital Jean-Minjoz, CHU,
Besançon

Réels ou imaginés, en rapport ou non avec la prise de statines, les symptômes musculaires liés aux statines (SAMS) sont une réalité quotidienne en pratique clinique, cause la plus fréquente de désescalade, défaut d’adhérence ou arrêt des traitements1. La prise en charge d’un patient traité par statines qui rapporte une intolérance musculaire (IM) implique de longues discussions, des modifications de traitement qui ne sont pas forcément optimales, soit parce qu’elles ne modifient pas les douleurs, soit parce qu’elles conduisent à une trop faible efficacité de la prévention.

Que des douleurs musculaires soient ou non causées par les statines ne change pas le problème : les patients sous statines restent convaincus que l’IM est favorisée, sinon provoquée par le traitement. La séquence « de-challenge – re-challenge », est très utile pour le diagnostic de SAMS et est aussi à la base de la stratégie proposée par l’ESC : arrêt du traitement et dosage des CPK dès la déclaration de l’IM puis reprise. La disparition des SAMS durant l’arrêt est satisfaisante pour le patient et pour le médecin (c’est un argument important du diagnostic de l’IM), mais la phase de « re-challenge » est plus délicate. La règle est de réintroduire, avec prudence, une statine moins puissante et à une dose plus faible, sachant que pravastatine et fluvastatine sont les statines habituellement les mieux tolérées. En cas de récidive, la prise non quotidienne de statines est possible pour éviter l’arrêt définitif de cette classe. Cette décroissance du traitement permettra de déterminer le traitement « maximal toléré »2 qui bien souvent manque d’efficacité. Si les mesures diététiques restent peu efficaces, l’ézétimibe, permet de compenser les diminutions de dose des statines. D’autres stratégies orales, « non statines », sont possibles mais avec des traitements qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité clinique et qui ne sont pas forcément disponibles en France. L’acide bempédoïque en est un exemple. Cette molécule a une action proche de celle des statines, par un blocage de la synthèse du cholestérol à un étage différent de l’HmGCoa réductase et sans effet musculaire biologique. Si la baisse du LDL-c avec l’acide bempédoïque seul est limitée à 30 %, l’association avec l’ézétimibe permet une baisse de l’ordre de 40 %, sans SAMS chez des patients intolérants aux statines3.

Si les patients et médecins français peuvent regretter que l’acide bempédoique ne soit pas (encore) disponible en France, une solution alternative très efficace existe chez les patients en prévention secondaire avec les inhibiteurs du PCSK9. Depuis le 14 octobre 2022, l’Alirocumab peut être prescrit « en association avec un traitement optimisé ou en monothérapie en cas de contre-indication ou d’intolérance avérée à la fois aux statines et à l’ézétimibe, chez les patients porteurs d’une maladie cardiovasculaire avérée établie par un antécédent de syndrome coronarien aigu récent et insuffisamment contrôlés (LDL-c ≥ 0.7 g/L) ». Cette extension d’utilisation de l’alirocumab s’applique aussi en cas d’intolérance aux statines et ou ézétimibe chez les patients porteurs d’une hypercholestérolémie familiale hétérozygote. Reste à savoir comment définir « l’intolérance avérée ».

En absence de définition claire et consensuelle, l’intolérance n’est avérée qu’au terme de la stratégie de recherche du traitement maximal toléré, donc intolérance à au moins 2 statines dont une à la dose minimale utilisable. C’est donc indiscutablement une bonne nouvelle pour les patients chez qui aucune possibilité de traitement par statines n’a pu être trouvée, mais il faut garder en mémoire que statines, ézétimibe et iPSCK9 ont une action synergique et que c’est cette triple association qui permet les plus grandes baisses du LDL-c2. Même à une dose ou intensité modérée, les statines augmentent considérablement l’efficacité des iPCSK94 et il serait dommage que l’élargissement de l’autorisation aboutisse à des monothérapies mal justifiées et d’efficacité limitée.

Références

  1. Bytyci I, Penson PE, Mikhailidis DP, et al. Prevalence of statin intolerance: a meta-analysis. Eur Heart J 2022; 43(34): 3213-23.
  2. Visseren FLJ, Mach F, Smulders YM, et al. 2021 ESC Guidelines on cardiovascular disease prevention in clinical practice. Eur Heart J 2021; 42(34): 3227-337.
  3. Ballantyne CM, Banach M, Mancini GBJ, et al. Efficacy and safety of bempedoic acid added to ezetimibe in statin-intolerant patients with hypercholesterolemia: A randomized, placebo-controlled study. Atherosclerosis 2018; 277: 195-203.
  4. Blom DJ, Hala T, Bolognese M, et al. A 52-week placebo-controlled trial of evolocumab in hyperlipidemia. N Engl J Med 2014; 370(19): 1809-19.

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Coronarien et LDLc : de l’actualité de l’ESC 2022 à la mise en pratique en France"

 

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