Le mauvais contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire

Pr Gilles Lemesle
Service USIC et Centre Hémodynamique
Institut Coeur-Poumon, CHRU,
Lille
Cela peut paraître évident et banal mais il est toujours bon de rappeler qu’un mauvais contrôle des facteurs de risque cardiovasculaire est fortement associé à un risque résiduel « athérothrombotique » plus élevé, y compris en prévention secondaire.
Ainsi en France, le registre CORONOR1, incluant des patients coronariens chroniques, a mis en évidence que la poursuite d’un tabagisme actif était indépendamment associée à un surrisque d’infarctus du myocarde au cours du temps (avec un doublement de ce risque). De même, un mauvais contrôle du LDLc et un mauvais contrôle de l’HbA1c (chez les patients diabétiques) augmentaient aussi de manière significative et indépendante le risque d’infarctus du myocarde. Ce risque était augmenté de 6 % pour chaque augmentation de 0,1 g/L de LDLc et de 60 % dès que l’HbA1c était à 7 %.
Ces données ont largement été reproduites dans des études et registres internationaux. Dans le registre CLARIFY2, 3, ayant aussi inclut des patients coronariens chroniques, un mauvais contrôle des chiffres tensionnels a été associé à un surrisque de voir survenir un évènement du critère composite « décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral ». Dans ce même registre, la présence d’un diabète non insulino-requérant augmentait le risque de « décès cardiovasculaire ou infarctus du myocarde » de 30 %. Ce risque était augmenté de 90 % en cas de diabète insulino-requérant. Concernant le tabagisme, le risque de « décès cardiovasculaire ou infarctus du myocarde » était augmenté de 30 % en cas de tabagisme sevré et de 70 % en cas de tabagisme non sevré.
Historiquement, le registre REACH4, ayant inclut des patients à haut risque en prévention primaire ou des patients en prévention secondaire, a également pu montrer des données concordantes. Dans ce registre, la présence d’un diabète augmentait le risque de « décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral » de 40 %. Dans ce registre, les données sur le LDLc n’étaient pas disponibles mais la prescription de statines (bon reflet de ce LDLc résiduel) diminuait significativement le risque du critère composite de 23 %.
Pour terminer, récemment en 2016, Bohula et al.5 ont validé un score de prédiction du risque de « décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou accident vasculaire cérébral » chez les patients coronariens : le score « TIMI Risk Score for Secondary Prevention (TRS2P). Dans ce score, parmi les 7 variables associées au risque résiduel, on notait, encore et toujours, la présence d’une hypertension artérielle, d’un diabète et d’un tabagisme actif.
Concernant le LDLc, au-delà du taux observé sur un dosage unique à un moment donné (clairement associé au risque résiduel de façon linéaire), il est clair aujourd’hui que la durée d’exposition à un niveau de LDLc élevé est également un élément primordial à prendre en compte pour évaluer le risque résiduel, un peu à l’instar du nombre de paquets-années pour le tabagisme. Ainsi, les dernières recommandations précisent que le niveau de LDLc et la chronicité d’exposition à ce niveau doivent être désormais pris en compte dans ce contexte. Ce concept est d’ailleurs surement extrapolable à l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire.
En synthèse, il ne fait aujourd’hui aucun doute que le niveau de risque résiduel d’un patient coronarien est très lié au nombre de facteurs de risque présents et encore plus à leur contrôle lorsqu’ils existent. Il en va de l’investissement de chacun pour faire en sorte que ces facteurs de risque soient contrôlés au mieux pour chaque patient. L’objectif d’HbA1C est <7 % et l’objectif de LDLc est <0,55 g/L. Les règles hygiéno-diététiques et les moyens thérapeutiques à notre disposition doivent être mis en œuvre pour atteindre ces objectifs. L’obtention d’un sevrage du tabagisme est également cruciale.
Références
- Lemesle G, Tricot O, Meurice T, Lallemant R, Delomez M, Equine O, Lamblin N, Bauters C: Incident Myocardial Infarction and Very Late Stent Thrombosis in Outpatients With Stable Coronary Artery Disease. J Am Coll Cardiol 2017, 69(17):2149-2156.
- Vidal-Petiot E, Ford I, Greenlaw N, Ferrari R, Fox KM, Tardif JC, Tendera M, Tavazzi L, Bhatt DL, Steg PG et al: Cardiovascular event rates and mortality according to achieved systolic and diastolic blood pressure in patients with stable coronary artery disease: an international cohort study. Lancet 2016, 388(10056):2142-2152.
- Ford I, Robertson M, Greenlaw N, Bauters C, Lemesle G, Sorbets E, Ferrari R, Tardif JC, Tendera M, Fox K et al: Simple risk models to predict cardiovascular death in patients with stable coronary artery disease. Eur Heart J Qual Care Clin Outcomes 2021, 7(3):287-294.
- Abtan J, Bhatt DL, Elbez Y, Sorbets E, Eagle K, Ikeda Y, Wu D, Hanson ME, Hannachi H, Singhal PK et al: Residual Ischemic Risk and Its Determinants in Patients With Previous Myocardial Infarction and Without Prior Stroke or TIA: Insights From the REACH Registry. Clin Cardiol 2016, 39(11):670-677.
- Bohula EA, Bonaca MP, Braunwald E, Aylward PE, Corbalan R, De Ferrari GM, He P, Lewis BS, Merlini PA, Murphy SA et al: Atherothrombotic Risk Stratification and the Efficacy and Safety of Vorapaxar in Patients With Stable Ischemic Heart Disease and Previous Myocardial Infarction. Circulation 2016, 134(4):304-313.
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Coronarien et LDLc : de l’actualité de l’ESC 2022 à la mise en pratique en France"
Ce contenu vous est proposé avec le soutien institutionnel de Sanofi
