La forme classique et la forme de révélation tardive de la maladie de Fabry ont une morbi-mortalité cardiaque élevée

Mis à jour le mercredi 17 novembre 2021
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Dominique Germain

Pr Dominique Germain
CHU Raymond Poincaré, APHP – Université Paris Saclay, Garches

 

La maladie de Fabry est une maladie génétique due à des variants pathogènes du gène GLA associée à deux phénotypes : la forme classique, maladie multiviscérale avec atteinte organique multiple et la forme de révélation plus tardive parfois appelée forme ‘cardiaque’. La morbidité et la mortalité cardiaque des deux formes cliniques sont particulièrement élevées. Les cardiologues libéraux jouent un rôle essentiel dans la prévention des facteurs de risques et l’adaptation des traitements symptomatiques cardiovasculaires en lien avec le centre de référence coordonnateur.

La maladie de Fabry (MF) est une maladie de surcharge lysosomale rare, de transmission liée au chromosome X, causée par des variants pathogènes du gène GLA, situé au locus Xq22.1 responsables d’un déficit en alpha-galactosidase A. Plus de 1 000 variants pathogènes ont été décrits. L’accumulation progressive des substrats non dégradés de l’enzyme (le globotriaosylcéramide (Gb3) et son dérivé déacylé le lyso-Gb3) dans les cellules de l’organisme notamment les cardiomyocytes, l’endothélium vasculaire cardiaque, le tissu de conduction, et les fibroblastes valvulaires est à l’origine de troubles de la conduction et du rythme cardiaque. Les AVC et une insuffisance rénale chronique complètent le phénotype clinique entaché d’une nette réduction de l’espérance de vie en l’absence de traitement spécifique.

Les auteurs rapportent une étude observationnelle, longitudinale, rétrospective dont l’objectif était de comparer le pronostic de la forme classique de la MF (atteintes organiques multiples) chez les patients ≥ 16 ans (n = 149) avec celui des patients porteurs de variants pathogènes de GLA associés dans la littérature à un phénotype cardiaque prédominant (forme ‘cardiaque’ ou ‘later-onset form’). L’étude avait pour objectif de déterminer l'incidence d'un critère  principal d'évaluation composite incluant l’apparition d’une fibrillation auriculaire, d’une insuffisance cardiaque sévère (New York Heart Association classe ≥ 3), la nécessité d’un pace-maker ou la mort subite cardiaque, et à identifier les facteurs cliniques et génétiques prédictifs de ces événements. Après une durée de suivi médiane de 7 ans, ~ 15 % des patients atteignirent le critère principal d'évaluation (incidence annuelle de 2,64 / 100 personnes / années), dont ~ 10 % ayant développé une insuffisance cardiaque sévère (1,62 / 100 personnes / années), 6 % une fibrillation auriculaire (1 / 100 personnes / années), 6 % nécessitant un pace-maker (1,07 / 100 personnes / années), tandis que 3 % de décès furent enregistrés (tous des hommes âgés de plus de 40 ans) (0,52 / 100 personnes / années).

Les formes cardiaques de la MF sont de révélation habituellement plus tardive au cours de la vie. Chez des patients diagnostiqués avec une cardiomyopathie hypertrophique (CMH), ces formes ne sont pas exceptionnelles, avec une prévalence évaluée à 0,9 % dans une population adulte. Elles peuvent se présenter comme des CMH sarcomèriques typiques avec hypertrophie septale, obstruction et souvent un bloc de conduction auriculo-ventriculaire parfois de haut grade nécessitant un stimulateur cardiaque. La Société Européenne de Cardiologie (European Society of Cardiology, ESC) recommande la détermination systématique de l’activité alpha-galactosidase A chez les hommes âgés de plus de 30 ans avec CMH et le génotypage de GLA chez les femmes (2014 ESC guidelines on diagnostic and management of HCM).

Le pronostic des formes ‘cardiaques’ de MF était précédemment jugé comme proche de celui des CMH sarcomériques qui est généralement compatible avec une espérance de vie quasi-normale. Cependant, dans cette étude, les patients porteurs de variants pathogènes associés à la forme cardiaque et les patients atteints de la MF classique partageaient un pronostic similaire, du moins pour la morbidité et la mortalité cardiaque (critère composite cardiaque ~ 16 % vs ~ 10 %, respectivement) en notant cependant l’absence de données rénales ou cérébro-vasculaires dans la publication, susceptibles d’être plus fréquentes dans la forme classique. Il faut noter que les limites des corrélations génotype-phénotype pour prédire le pronostic ont aussi été soulignées pour les CMH sarcomériques, avec des variants associés indifféremment à un pronostic favorable ou péjoratif d’une famille à l’autre ou même au sein d'une même famille.

La durée d’évolution de la maladie de Fabry et son score de sévérité globale (Mainz Severity Score Index ou MSSI) semblent les principales variables prédictives des événements cardiaques graves chez les patients atteints de MF. Dans l'étude rapportée, la durée du QRS était un prédicteur indépendant du critère principal composite ; une valeur ≥ 120 ms ayant une valeur prédictive positive de 88 % pour sa survenue. La masse ventriculaire indexée était un prédicteur indépendant de fibrillation auriculaire et le seul facteur prédictif de mort cardiaque. L’insuffisance rénale chronique terminale est aussi un indicateur majeur de la progression de la maladie cardiovasculaire : les événements cardiaques graves (mort subite, arythmie et/ou nécessité d’implantation d’un pace-maker) survenant chez 100 % des patients atteints d’insuffisance rénale chronique terminale, contre seulement 26 % des autres patients (p < 0,0001).

La fréquence élevée des troubles de la conduction et des arythmies cardiaques sévères dans la MF est connue. L'élargissement des indications de holters implantables et d’appareillage par pace-makers ou défibrillateurs implantables devrait être proposée en particulier chez les patients avec un QRS élargi, une insuffisance systolique du VG et/ou une insuffisance rénale sévère.

Il a été suggéré que le bénéfice de la thérapie enzymatique substitutive était supérieur lorsque celle-ci est initiée à un stade précoce de la maladie. Dans la cohorte étudiée, 83 % des patients ayant atteint le critère d’évaluation ne recevaient une thérapie enzymatique substitutive que depuis 3,27 ± 2,34 années, et la thérapie enzymatique substitutive avait été initiée tardivement (après 40 ans). De même, une thérapie enzymatique substitutive initiée avant survenue d’une insuffisance rénale terminale a été associée à une stabilité de l’atteinte cardiaque et de l’atteinte rénale, tandis que les patients atteints d’insuffisance rénale chronique sévère ont, eux, une poursuite de leur détérioration. Ainsi, la thérapie enzymatique substitutive devrait être initiée avant survenue d’une fibrose ou d'autres dommages tissulaires, dès que des changements cardiaques structurels et fonctionnels sont documentés par les techniques modernes d'imagerie telles que l'imagerie Doppler tissulaire ou l’IRM avec séquence T1.

Références

Pour en savoir plus - Professeur Dominique P. Germain, PU-PH

Patel V, O’Mahony C, Hughes D et al. "Clinical and genetic predictors of major cardiac events in patients with Anderson-Fabry Disease". Heart 2015; 101: 961-966

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Maladie de Fabry : au-delà de l'atteinte cardiaque"

 

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