Topo cardiologique : place de la maladie de Fabry parmi les CMH non sarcomériques

Auteur :
Pr Albert Hagège
Chef du Département de Cardiologie
HEGP-Paris
M Beneyto, M Galinier, D Carrié, O Lairez et al. Tip of the iceberg: a tertiary care centre retrospective study of left ventricular hypertrophy aetiologies. Open Heart 2021;8(1):e001462.
Les recommandations actuelles sur la prise en charge des cardiomyopathies hypertrophiques de l’adulte (CMH) (ESC 2014, ACC/AHA 2020) sont basées sur un seuil diagnostic d’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) de 15 mm pour les formes sporadiques et 13 mm dans les enquêtes familiales. En pratique clinique cependant, des CMH sur mutation morbide sur un gène du sarcomère cardiaque peuvent se présenter avec des HVG moins importantes, et c’est le cas aussi pour beaucoup d’étiologies non sarcomériques (amyloses, maladie de Fabry…).
Cette étude Toulousaine rétrospective observationnelle (menée dans un centre de référence tertiaire a inclus 591 patients consécutifs adressés pour un bilan étiologique d'HVG > 12 mm de LVWT ont été inclus dans cette étude tertiaire, 41 % avec une HVG de 12-15 mm. Les étiologies étaient dominées par l'amylose cardiaque (ATTR, 34,3 %), suivie par la CMH sarcomérique (SARC, 32,1 %), l’HTA (21,7 %), des étiologies non déterminées (7,6 %) ou autres (4,2 %) dont la maladie de Fabry (MF, 1,7%). Plus de 50 % des patients avec ATTR ou SARC avaient une HVG légère (12-14 mm) et 4 patients atteints de MF (40 %) avaient une HVG <15 mm.
Aetiology, N (%) | 12–14 mm | 15–16 mm | ≥17 mm |
Amyloidosis | 67 (27.9) | 60 (35.7) | 76 (41.5) |
Sarcomeric HCM | 63 (26.2) | 51 (30.4) | 76 (41.5) |
Hypertensive CMP | 71 (29.6) | 40 (23.8) | 17 (9.3) |
Undetermined | 23 (9.6) | 11 (6.5) | 11 (6.0) |
Other | 16 (6.7) | 6 (3.6) | 3 (1.6) |
Nos données suggèrent que la proportion de S-HCM peut être surreprésentée dans les directives de la Société européenne de cardiologie. Une piste pour expliquer cette différence est que les études sur lesquelles elles sont basées se sont concentrées sur un point de vue génétique, qui peut ignorer des étiologies non génétiques, voire des étiologies génétiques non sarcomériques.
Dans notre population, le rendement génétique chez les patients atteints de S-HCM est de 36 %. Il est légèrement inférieur à la plage trouvée par les études précédentes qui s'étend de 38 % à 53 %,4-7 bien que moins de gènes aient été analysés chez la plupart de nos patients. Sinon, nous avons trouvé à peu près une distribution similaire des différents gènes sarcomériques mutés.5-8
Un corpus de preuves récemment croissant suggère que la prévalence de l'AC (en particulier l'ATTR de type sauvage) a été largement sous-estimée dans le passé avec insuffisance cardiaque avec FE préservée. Notre étude est en accord avec ces découvertes récentes ; il est tentant d'extrapoler que l'AC est au moins aussi répandue que la S-HCM, c'est-à-dire 1 individu sur 500. La sous-estimation de la fréquence ATTR mentionnée plus haut explique également le ratio élevé d'amylose TTR/AL que nous avons observé, contrairement à ce qui a été publié auparavant.
La proportion exacte d'ATTR héréditaire chez les patients présentant une ATTR cardiaque est actuellement inconnue. Deux études ont estimé cette proportion à 12% et 36% de patients avec ATTR cardiaque. Ainsi, chez les patients ayant subi un test génétique, nous rapportons 21,8% de mutations du gène TTR, soulignant la nécessité d'un dépistage génétique systématique chez les patients avec ATTR cardiaque, indépendamment de l'âge.
Des études basées sur des tests génétiques et enzymatiques ont estimé la prévalence de la maladie d'Anderson-Fabry de 0,5 % à 3 % dans les populations de HCM8, ce qui correspond aux conclusions de cette étude (1,5 %).
Selon la définition et la population étudiée, la prévalence de la LVNC varie de 0,01 % à 3 %. À notre connaissance, il n'existe aucune donnée de prévalence sur le sous-type hypertrophique spécifique de la LVNC.
Bien qu'il existe une corrélation linéaire entre les degrés d'hypertension et l'HVG, le diagnostic de HTN-CMP reste difficile. La prévalence marquée de l'hypertension dans notre population incite à la prudence. Pourtant évidemment nécessaire, l'histoire de l'hypertension artérielle ne peut pas être considérée comme suffisante pour conclure à HTN-CMP, d'autant plus que certaines étiologies de HCM (principalement l'amylose et la maladie d'Anderson-Fabry) génèrent une insuffisance rénale qui peut à son tour induire une hypertension.
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Maladie de Fabry : au-delà de l'atteinte cardiaque"
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