Témoignage d’un jeune cardiologue au sein du congrès interventionnel EUROPCR 2017
![]() Retour d'EuroPCR 2017 - Cardiologie interventionnelle
Par Paul-Matthieu CHIARONI
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Cette année, j'ai pu découvrir pour la première fois le congrès international de cardiologie interventionnelle, le fameux « Congrès EuroPCR », lors de son édition 2017 qui s'est déroulée à Paris du 16 au 19 Mai.
Anastasia Sokoloff, Alexandre Gautier et moi étions invités par le Collège des Cardiologues en Formation CCF (un grand merci pour l’organisation d’ailleurs !).
Jeune interne se destinant à la coronarographie (« un coronarographiste en herbe »), avec peu d'expérience, je tenais à vous présenter trois des « sessions pratiques » qui m'ont le plus marqué et dont je vais tenter de vous retranscrire les principaux messages.
Session n°1 : Principe et fonctionnement de l’OCT
Par Nicolas Amabile (Institut Mutualiste Montsouris), dans le Training Village.
Cette session, très interactive puisqu'en petit comité (environ 30 personnes), rappelle brièvement le principe et l'histoire de l'OCT, avant d'aborder les points pratiques permettant d'obtenir des images de la meilleure qualité possible, et de les analyser au mieux.
Rappelons d'abord que l'OCT est une technique d'imagerie endocoronaire se fondant sur l'émission d'infra-rouges, et nécessite l'absence de globules rouges (et donc de sang!) à l'intérieur de l'artère coronaire. Pour cela, la première génération d'OCT disposait d'un ballon d'occlusion le temps de l'acquisition, aujourd'hui disparus, grâce à un "flush" de l'artère au produit de contraste et un retrait rapide de la sonde.
Afin de réaliser une acquisition optimale, les points suivants sont donc à respecter :
- Cathéter d'intubation 6F, pour un meilleur débit de contraste, et bonne intubation dans l'artère
- Injection de dérivés nitrés intracoronaire avant l'acquisition
- Adapter la profondeur d'acquisition au diamètre de l'artère
- Ne pas réaliser d'OCT si subocclusion coronaire ou flux TIMI < 3 +++
- Adapter la longueur de retrait à la région d'intérêt
- Adapter le volume et le débit de contraste aux dimensions de l'artère, pour le meilleur "flush" possible (donnés à titre indicatif dans le tableau 1)

Une fois l'acquisition effectuée, il est maintenant temps de l'analyser ! Il est donc possible de repérer une plaque par l'augmentation de l'épaisseur entre l'intima et la média, ainsi que de la quantifier, mais l'OCT apporte également de précieux renseignements sur la nature de cette plaque. Ainsi, grâce à une diffusion différente des infrarouges selon le tissu traversé, la composition des plaques d'athéromes peuvent être plus finement détaillées : s'agit-il d'une plaque fibreuse, lipidique ou calcique? De la même façon, il est aisé de détecter une dissection ou un hématome de paroi, et de s'assurer du bon déploiement d'un stent métallique.
Astuces de base pour l’interprétation :
- Une plaque fibreuse présente un signal homogène, hyperintense, avec une faible atténuation
- Une plaque lipidique présente un signal peu intense avec des contours flous et mal limités
- Une plaque calcifiée présente un signal peu intense, avec des contours nets et bien limités.
Enfin, une autre application thérapeutique intéressante de l'OCT, au cours d'un syndrome coronarien aigu, réside dans l'analyse de la plaque sous-jacente à un thrombus. En effet, en cas de rupture de plaque (ulcération, érosion, dissection…), l'utilisation d'un stent est indispensable. A l'inverse, dans le cas, certes plus rare, où la plaque n'est pas rompue, il est alors possible de se limiter à un traitement médical seul avec double anti-agrégation plaquettaire pendant 6 à 12 mois et de surseoir à la mise en place d'un stent.
Session n°2 : Série de cas cliniques sur les perforations coronaires
Cette fois-ci, une session de 1 heure 30, avec la présentation de 6 cas cliniques sur le thème de la perforation coronaire, et des situations "périlleuses" en coronarographie. Une session que j'ai trouvée riche en iconographies sur des situations redoutées des coronarographistes, puisque, précisons le bien, il s'agit là des perforations coronaires iatrogènes, survenues après inflation d'un ballon, ou passage d'un guide dans un trait de dissection…
Il faut également saluer les auteurs de ces présentations car ils nous ont présenté leurs complications, en s'exposant ouvertement à la critique de leurs confrères sur la procédure. Il s'agit donc d'une présentation de 6 cas cliniques, que je ne vais pas résumer entièrement, mais dont je vais essayer de synthétiser les principaux points forts.
Au menu, nous avions donc :
- une sténose serrée de l'IVA (qui se révèlera être un hématome) compliqué d'une perforation massive après prédilatation au ballon
- une occlusion de circonflexe avec passage du guide dans une petite branche puis perforation après dilatation et une perforation "banale" d'une RVG par le guide compliqué d'une tamponnade.
Le premier message fort concerne l'anticoagulation par HNF. Dans la majorité des cas présenté, le premier réflexe des opérateurs, lors de la perforation massive d'une coronaire, et le tableau de tamponnade par hémopéricarde qui s'en est suivi, a été d'antagoniser l'héparine par de la protamine dans une tentative de minimiser le saignement. Cela s'est révélé au mieux inefficace, et au pire dramatique, notamment avec la thrombose massive des coronaires perforées, qu'il a fallu secondairement ré-ouvrir avant de faire l'hémostase. Le message des membres du jury et des personnes ayant pris la parole a systématiquement été de ne pas antagoniser l'héparine : « il ne s'agit pas d'un problème d'hémostase, mais de plomberie ! Si l'artère est trouée, la seule façon d'arrêter le saignement est de la colmater ! »
Concernant la gestion de la brèche artérielle, le premier temps consiste à systématiquement tenter une hémostase mécanique avec un ballon et une inflation prolongée. Le plus souvent, ça ne suffit pas, mais parfois, ça marche, et surtout, cela permet d'arrêter temporairement l'hémorragie le temps de réfléchir à sa stratégie et préparer son matériel.
Parmi les moyens de choix, le coronarographiste dispose tout d'abord du stent couvert, qui permet d'exclure la paroi artérielle lésée de façon simple, si la topographie s'y prête, à savoir une artère d'un calibre suffisant et avec un lit d'aval permettant d'avoir assez de support. Deuxième méthode privilégiée, les coils, bien connus des radiologues interventionnels dans les procédures d'embolisation. Ces derniers permettent une embolisation plus distale, ou bien du moignon d'une branche qui aurait été lésée sans que l'on ne puisse retrouver la vraie lumière avec le guide.
Le deuxième message fort de la session était donc que toute salle de cathétérisme cardiaque doit avoir à sa disposition du matériel adapté en cours de problème. Malheureusement, ce n'est pas toujours le cas, par défaut d'approvisionnement ou de moyens. Nous avons donc eu des cas cliniques "système D", ce qui apporte une expérience supplémentaire. Il est ainsi possible de réaliser un coil artisanal avec un bout de guide 0,014' découpé au bistouri ! De même, il est possible d'emboliser avec de la mousse découpée en petits bouts, mélangée à de l'eau puis injectée à l'aide d'une seringue. Enfin, une technique d'embolisation graisseuse a également été présentée, avec prélèvement de graisse au niveau pelvien, découpe au bistouri, mélange avec de l'eau, puis là aussi, injection à la seringue.
Ah, et le dernier conseil, dans tous les cas et quoiqu'il arrive, ne pas hésiter à appeler un collègue, et surtout, ne pas paniquer!
Session n°3 : Technique, Sécurité et Complications de l'abord fémoral
Cette session dédiée à l'abord fémoral, était comme la première, très participative, dans la "Learning Room" du congrès prévue à cet effet.
Rappelons brièvement que dans les procédures interventionnelles, l'abord radial est relativement récent, et est encore peu utilisé dans de nombreuses régions (notamment aux USA où l'abord fémoral est très majoritaire). De ce fait, les coronarographistes chevronnés ont beaucoup pratiqué la ponction fémorale et en connaissent parfaitement la technique et les complications. A l'inverse, pour un jeune coronarographiste comme moi, les occasions de s'exercer sont plutôt rares, et comme dans tout geste en médecine, il n'est jamais bon d'effectuer un geste sans le maitriser parfaitement !
Nous avons donc eu les rappels techniques et anatomiques (l'objectif étant que l'entrée du cathéter dans l'artère fémorale se situe en regard du 1/3 inférieur de la tête fémorale). Les différentes complications ont également été passées en revue (hématome rétropéritonéal, faux anévrysme, hématome superficiel, rupture de l'artère iliaque, échec d'un dispositif de fermeture…).
Je vais partager avec vous une technique de ponction qui nous a été présentée en vidéo pour sécuriser au maximum l'abord fémorale lors d'un TAVI, où les introducteurs sont de 12F ou plus :
- Tout d'abord, le premier temps consiste à réaliser une ponction fémorale controlatérale avec un introducteur 4F (qu'il sera par la suite facile de fermer, à moindre risque).
- Ensuite, avec l'aide d'un microcathéter, l'objectif est de faire un cross over jusqu'à l'artère iliaque controlatérale, puis amener un guide 0,014' jusqu'en distalité de l'artère fémorale à ponctionner.
- La prochaine étape est d'amener une sonde pigtail jusqu'au niveau de la tête fémorale au niveau du site que l'on souhaite ponctionner. Celle-ci, en forme de cercle, représentera la cible à ponctionner sous scopie. Ainsi, en ponctionnant en son centre, on peut être certains que le site de ponction est optimal!
- Une fois la procédure effectuée, il est possible, depuis l'abord controlatéral, de gonfler un ballon dans l'artère iliaque avant de retirer l'introducteur principal, afin de minimiser le débit et donc le saignement (en utilisant bien sur quand même des dispositifs de fermeture). Enfin, le fait d'avoir un guide dans l'artère fémorale place les opérateurs dans une situation très sécurisée en cas de complication artérielle au moment du retrait.
Conclusion
C'est ici que s'achève cet article ! J'espère vous avoir bien résumé cette édition du congrès EuroPCR 2017 et que cela vous a donné envie de vous joindre à nous l’année prochaine !
Retour d'EuroPCR 2017, lire et écouter aussi :
Focus sur les registres de durabilité des TAVI en 2017, A. Sokoloff (CCF)
Actualités de la cardiologie interventionnelle à l'EuroPCR 2017, M. Gilard, M. Akodad (vidéo)
Les Enseignements de l'étude TOPIC, T. Cuisset, G. Cayla (vidéo)