Syndrome de Tako-Tsubo et cancer

Mis à jour le vendredi 31 mars 2023
dans
Stephane Ederhy

Dr Stéphane Ederhy
Hôpital Saint Antoine
Paris

Définition

Le syndrome de tako-tsubo (STT) est défini par la survenue d’une dysfonction systolique du ventricule gauche, aiguë, transitoire et réversible le plus souvent spontanément. Dans 60 à 70 % des cas de STT documentés, un facteur déclenchant tel qu’un stress psychologique ou physique est identifié. Dans 90 % des cas, le STT touche la femme, mais cette prédominance féminine n’est cependant pas retrouvée dans le contexte des STT survenant chez un patient atteint de cancer. La physiopathologie du STT dans la population atteinte ou indemne de cancer n’est pas clairement établie. Plusieurs hypothèses, telles que le spasme coronaire, la toxicité myocardique des catécholamines, la stimulation sympathique et ses conséquences (rupture de plaque, spasme coronaire), une dysfonction de la microcirculation et la toxicité directe des catécholamines pour expliquer la physiopathologie du STT.

L’évolution d’un STT peut être compliquée de fibrillation auriculaire (7-26 %), de troubles du rythme ventriculaire (4-9 %), d’allongement de l’intervalle QT (54-82 %), de troubles de la conduction auriculo-ventriculaire (2,8-4,5 %). La mortalité est estimée à la phase aiguë de la prise en charge entre 4 et 5 %, comparable à celle de l’infarctus du myocarde. Les principales causes de décès à la phase aiguë de la prise en charge sont le choc cardiogénique, les troubles du rythme ventriculaire, la rupture ventriculaire et les accidents thrombo-emboliques. À distance d’un épisode de STT, 10 % des patients présenteront une récidive.

Présentation clinique

La présentation clinique d’un STT n’a rien de spécifique. Il doit être suspecté devant des douleurs thoraciques, une dyspnée aiguë, un état de choc cardiogénique ou un accident thrombo-embolique. Il est souvent difficile, sur la base de l’examen clinique, de l’ECG, et des biomarqueurs cardiaques, de pouvoir distinguer cette entité des principaux diagnostics différentiels que sont les SCA ou la myocardite immuno-médiée.

STT et cancer

Les données épidémiologiques sont concordantes pour montrer que cette entité est probablement sous-estimée dans la population atteinte de cancer. L’incidence du STT est plus élevée dans la population atteinte de cancer (53 pour 100 000 patients traités par chimiothérapie) que dans la population générale (20.4 pour 100 000 patients).

Parallèlement, de nombreuses études et registres ont montré que la prévalence des cancers est augmentée dans la population admise pour STT variant de 4 à 29 % comparativement à une population du même âge et du même sexe indemne de STT.

Les facteurs déclenchants d’un STT dans la population atteinte de cancer sont multiples, intégrant le type de cancer, les traitements du cancer (chimiothérapies, radiothérapie), les stratégies diagnostiques, le stress physique et psychologique inhérent au diagnostic de cancer et les situations de stress aiguës (douleur, infection respiratoire).

Plusieurs études concordantes ont montré que les patients atteints de tumeurs solides étaient plus susceptibles de développer des STT que les patients atteints de tumeurs hématologiques.

Le registre interTAK a montré que la pathologie maligne la plus fréquemment associée à un STT était le cancer du sein, puis les tumeurs digestives et respiratoires.

Au sein d’un registre ayant analysé 4,7 millions de patients hospitalisés pour la prise en charge d’un cancer actif, la prévalence du STT était de 12 %. Le cancer du sein et du poumon étaient significativement associés à une survenue accrue de STT, notamment chez les patients à un stade avancé ou en récidive.

STT et traitements anti-cancéreux

De nombreuses séries et registres ont montré que certains traitements étaient plus fréquemment associés à la survenue d’un STT (5-fluorouracil capécitabine, anthracyclines, trastuzumab et les IMT). La médiane de survenue d’un STT est de 2 jours après l’initiation du traitement. La présentation clinique associe le plus souvent une douleur thoracique, une détresse respiratoire aigüe durant ou à l’issue de l’administration, mais chez environ 25 à 30 % des patients, le choc cardiogénique peut être la première manifestation.

La coexistence d’un cancer et d’un STT est associée à une majoration de la durée de séjour, d’une surmortalité à court et moyen termes, et peut impacter la poursuite du traitement.

Dans le cas spécifique des STT survenant sous IMT, la principale difficulté repose dans la possibilité de différencier cette entité d’une myocardite. Seront en faveur d’une myocardite sous IMT, l’existence au plan clinique d’arguments en faveur d’effets indésirables immuno-médiés (myosite, hépatite), au plan biologique, d’une élévation des CPK ou d’une cytolyse hépatique, l’absence d’occlusion coronaire à la coronarographie ou la présence d’un réhaussement tardif à l’IRM cardiaque, la présence d’un d’infiltrat lymphocytaire, macrophagique, voire de nécrose myocytaire à la biopsie endomyocardique (BEM).

Figure

Recommandations de prise en charge d'un STT sous immunothérapie selon les recommandations ESC 2022

 

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