Symptômes musculaires versus myopathie

Mis à jour le lundi 22 février 2021
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Auteur :

Jean-François Perregaux
Service d'endocrinologie-métabolisme, Hôpital Pitié-Salpêtrière (APHP) et Institut Hospitalo-Universitaire cardiométabolique, Paris

Alors que les statines ont un bénéfice incontestable dans la prévention cardiovasculaire, les symptômes musculaires sous statine sont un obstacle majeur à la bonne observance thérapeutique.

En effet, les statines sont rarement à l’origine d’une myopathie, définie par une fatigue ou une douleur musculaire associée à une élévation du taux de créatine kinase (CK) à plus de 10 fois la normale (environ 1/10000 personnes-années). Bien que les statines aient une tolérance similaire au placebo dans de larges études randomisées, dans la vraie vie, la crainte de cet effet secondaire et les symptômes musculaires sans élévation des CK entraînent l’arrêt du traitement. Ces données suggèrent qu’il existe une part d’effet nocebo.

Afin de déterminer la probabilité de l’imputabilité d’une statine devant des symptômes musculaires, Rosenson et al ont développé un questionnaire, The Statin-Associated Muscle Symptom Clinical Index (SAMS CI), qui évalue la temporalité et les types de symptômes (1). En effet, l’imputabilité est plus importante si l’apparition des symptômes a lieu dans les 4 semaines après l’introduction du traitement et que l’amendement de ces symptômes ait lieu dans les 2 semaines après l’arrêt de la Statine. Typiquement les douleurs sont symétriques et localisées au niveau proximal des membres inférieurs (2).

Une large étude multicentrique observationnelle récente a identifié des facteurs de risque indépendants de myopathie avec élévation des CK (VS SAMS sans élévation des CK) (3) :

  • La dose de simvastatine (80 mg VS 20 mg)
  • L’âge plus élevé (de 10 ans)
  • L’origine chinoise (vs. caucasien)
  • L’IMC plus faible
  • Le sexe féminin
  • Un traitement hypoglycémiant (vs. patient diabétique sans traitement)
  • Un traitement associé par verapamil, diltiazem, béta-bloquants ou diurétiques

De façon intéressante, la présence de symptômes musculaires n’était pas en lien avec ces facteurs de risque, ce qui suggère bien que l’association douleur diffuse avec élévation des CPK est une entité différente des douleurs isolées (le plus souvent nocebo ou d’autres origines).

Il a été également montré que le variant génétique rs4149056 du gène SLCO1B1 était associé à un risque plus important de myopathie sous statine. En effet, ce variant est à l’origine d’une diminution du transport des statines de la circulation sanguine vers le foie, entraînant ainsi la baisse de la clairance de la statine, soit une concentration circulante plus importante de statine. Les facteurs de risque indépendants retrouvés sont également associés à une concentration circulante plus élevée de statine. De même, un débit de filtration glomérulaire bas qui augmente théoriquement les taux sanguins de statine, est un facteur de risque de myopathie.

À partir des recommandations européennes, américaines, canadiennes, anglaises, japonaises et taiwanaises, nous proposons devant une plainte fonctionnelle musculaire sous statine, la prise en charge suivante :

  • Rechercher d’autres causes de myopathie possible (hypothyroïdie, carence en vitamine D, exercice physique intensif, interactions médicamenteuses).
  • Dosage des CK :
    • Si CK > 10 N : arrêt de la statine et avis spécialisé.
    • Si CK < 10 N : arrêt de la statine pendant 2 à 4 semaines. Si disparition des symptômes, une statine différente à un dosage plus faible peut être essayée. Il est conseillé d’essayer au moins 3 statines différentes.

Un dosage plus faible de statine non quotidien peut être considéré (par exemple un jour sur deux). L’association à un autre traitement hypolipémiant peut être essayée.

  • Un traitement hypolipémiant seul, autre que statine, devrait être considéré uniquement en cas de persistance des symptômes sous statine.
  • Si persistance des symptômes malgré l’arrêt, il est souhaitable de référer le patient à un spécialiste à la recherche d’une cause inflammatoire ou métabolique à la myopathie.

D’autres traitements peuvent être associés pour améliorer la tolérance musculaire sous statine, par exemple l’ubiquinol (Coenzyme 10), la vitamine D ou encore les curcuminoïdes. Il n’est pas inutile de rappeler que la levure de riz rouge, qui est largement utilisé par les patients présentant des symptômes musculaires sous statine, est en fait une statine : la lovastatine.

Bibliographie

  1. Rosenson RS, Miller K, Bayliss M, Sanchez RJ, Baccara-Dinet MT, Chibedi-De-Roche D, et al. The Statin-Associated Muscle Symptom Clinical Index (SAMS-CI): Revision for Clinical Use, Content Validation, and Inter-rater Reliability. Cardiovasc Drugs Ther. 2017 Apr;31(2):179–86.
  2. Taylor BA, Sanchez RJ, Jacobson TA, Chibedi-De-Roche D, Manvelian G, Baccara-Dinet MT, et al. Application of the Statin-Associated Muscle Symptoms-Clinical Index to a Randomized Trial on Statin Myopathy. J Am Coll Cardiol. 2017 Sep 26;70(13):1680–1.
  3. Hopewell JC, Offer A, Haynes R, Bowman L, Li J, Chen F, et al. Independent risk factors for simvastatin-related myopathy and relevance to different types of muscle symptom. Eur Heart J. 2020 Jul 23;

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