Surveillance et dépistage de la toxicité des anti-HER 2

Dr Anissa Bouali
Hospices Civils
Lyon
Les anti-HER2 ('Human Epidermal Receptor 2') sont des thérapies ciblées utilisées principalement dans le cancer du sein surexprimant HER2 (15-20 %) en situation néoadjuvante, adjuvante ou métastatique. Ils sont également prescrits dans les adénocarcinomes gastriques métastatiques surexprimant HER2. Ils se présentent sous forme d’anticorps monoclonaux (Trastuzumab, Pertuzumab,) d’anticorps conjugués (Trastuzumab Emtansine, Trastuzumab Deruxtecan) ou d’inhibiteurs de thyrosine kinase (Neratinib, Tocatinib, Lapatinib).
La principale toxicité cardiaque des anti-HER2 est la dysfonction systolique du ventricule gauche, dont l’incidence est de 15 à 20 %. Elle peut être asymptomatique ou responsable d’une insuffisance cardiaque. Cette toxicité est habituellement réversible, non dépendante de la dose administrée.
Quelle est la définition de la toxicité cardiaque selon les recommandations ESC 2022 de cardio-oncologie ?
Les dernières recommandations ESC 2022 de cardio-oncologie ont proposé de définir la dysfonction cardiaque liée aux traitements anti-cancéreux en fonction de la présence ou non de symptômes et du degré de sévérité de la dysfonction systolique du VG.
La dysfonction cardiaque asymptomatique est considérée comme :
- Légère : si la FEVG reste > à 50 % avec une diminution relative du Strain Longitudinal Global (SLG) ≥ 15 % et/ou une élévation de la troponine > 99ème percentile
- Modérée : si la FEVG diminue de plus de 10 unité de FEVG avec une FEVG finale comprise entre 40 et 49 %
- Sévère : si la FEVG est < 40 %
La dysfonction cardiaque symptomatique est :
- Légère : s’il existe des signes d’insuffisance cardiaque minime sans indication à intensifier le traitement médical
- Modérée : s’il existe une indication à intensifier le traitement diurétique et de l’insuffisance cardiaque chez un patient ambulatoire
- Sévère : s’il y existe une indication d’hospitalisation pour traiter le patient
- Très sévère : s’il existe une indication de mise en place de traitements inotropes ou d’une ventilation mécanique voire de transplantation cardiaque.
Quelle évaluation avant l’instauration d’un traitement contenant un anti-HER2 ?
Le bilan cardiologique pré-thérapeutique permet d’évaluer le risque de toxicité des patients à l’aide d’un score de risque (selon le nombre et le type de facteurs de risque) afin d’adapter le suivi.
- Ainsi, les patients à faible risque n’ont aucun facteur de risque de toxicité ou 1 facteur de risque modéré parmi (hypertension artérielle, diabète, insuffisance rénale chronique, traitement récent par Anthracyclines, tabagisme, obésité) ou parmi les facteurs (âge compris entre 65 et 79 ans, antécédent de radiothérapie thoracique gauche ou médiastinale, arythmie, FEVG initiale entre 50-54 %, traitement ancien par Anthracyclines, troponine initiale élevée, BNP/NTproBNP initial élevé)
- Les patients sont considérés à risque modéré s’ils ont 2 à 4 points parmi les facteurs de risques modérés cités ci- dessus
- Ils sont à haut risque s’ils ont ≥ 5 points parmi les facteurs de risque modérés ou au moins 1 facteur à haut risque parmi un antécédent d’infarctus du myocarde/revascularisation notamment par pontage coronaire, angor stable, valvulopathie sévère, âge ≥ 80 ans, FEVG initiale < 50 %.
- Enfin, ils sont considérés à très haut risque s’ils ont au moins 1 facteur à très haut risque parmi des antécédents de cardiomyopathie, d’insuffisance cardiaque ou un antécédent de cardiotoxicité au Trastuzumab.
Cette évaluation cardiologique initiale doit comporter un électrocardiogramme, une échocardiographie transthoracique (ETT) avec mesure de la FEVG, du SLG pour tous les patients.
Pour les patients à haut et très haut risques, il est proposé de réaliser, en sus du bilan décrit ci-dessus, un dosage des biomarqueurs cardiaques (troponine, BNP ou NT pro-BNP) (Classe I). Chez les patients à faible risque, le dosage des biomarqueurs pourrait être considéré en cas de traitement préalable par Anthracyclines (Classe IIb).
Quelle évaluation pendant l’administration d’un traitement contenant un anti-HER2 ?
Le suivi comprend, pour toutes les patientes une ETT trimestrielle pendant la 1ère année de traitement, puis à 1 an après l’arrêt du traitement (Classe I).
En cas de poursuite du traitement au-delà de la 1ère année (cancer du sein métastatique), une ETT semestrielle est recommandée (Classe I).
Pour les patients à haut et très haut risques, s’y ajoute la surveillance trimestrielle des biomarqueurs cardiaques la première année de traitement (idéalement effectuée avant le cycle de trastuzumab correspondant) (Classe IIa) et une ETT complémentaire à 3 mois après l’arrêt du traitement (Classe I).
Stratification du risque de toxicité sous Anti HER 2 selon le score HFA ICOS
Référence
Lyon AR, 2022 ESC Guidelines on cardio-oncology developed in collaboration with the European Hematology Association (EHA), the European Society for Therapeutic Radiology and Oncology (ESTRO) and the International Cardio-Oncology Society (IC-OS). Eur Heart J. 2022 Nov 1;43(41):4229-4361. doi: 10.1093/eurheartj/ehac244. PMID: 36017568.
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