Stratégies hypolipidémiantes : une puissance croissante et remarquable sur le LDL !
Auteur :

Pr Jean Ferrières
CHU Rangueil, Toulouse
Les hypolipidémiants disponibles
Il y a 4 grands groupes disponibles.
1/ Premier groupe à action digestive prépondérante : résines, ézétimibe et lomitapide.
- Dans l'intestin grêle, la protéine NPC1L1 (Niemann-Pick C1-like-protein 1) transporte les stérols issus de la nutrition ainsi que le cholestérol dans les entérocytes et cette protéine est bloquée par l’ézétimibe (inhibiteur de la protéine NPC1L1).
- Les acides gras d'origine alimentaire sont estérifiés en triglycérides au niveau intracellulaire par une enzyme qui s'appelle la DGAT (diacylglycerol O-acyltransferase). Cette enzyme est inhibée le pradigastat.
- Les lipides et l’apolipoprotéine B 48 sont assemblés dans les précurseurs des chylomicrons par une enzyme appelée MTP (microsomal TG transfer protein) qui est inhibée par le lomitapide.
- Les acides biliaires qui sont dans la lumière intestinale sont captés par les résines qui bloquent leur cycle entéro-hépatique à la partie terminale de l'iléon.
2/ Deuxième groupe à action hépatique prépondérante : fibrates, statines, acide bempedoïque, mipomersen, sebelipase, et anti-PCSK9.
- Dans le foie, une enzyme appelée ACL (ATP citrate lyase) utilise l'acétyl-coA pour la synthèse des acides gras et du cholestérol et l'acide bempedoïque bloque l'activité de l'enzyme ACL.
- Les statines inhibent l'enzyme HMGCR (3-hydroxy-3-methylglutaryl coenzyme reductase).
- La synthèse hépatique d'apolipoprotéine B-100 est inhibée par le mipomersen.
- Les fibrates sont des agonistes des récepteurs au PPA (peroxisome proliferator-activated receptor agonists), perturbant l'oxydation , diminuent le contenu en triglycérides, diminuent l’apolipoprotéine C3 et augmentent l'activité de la lipoprotéine lipase.
- Le recyclage des LDL récepteurs est augmenté par l'inhibition de la protéine PCSK9 (proprotein convertase subtilisin kexin type 9).
- L'enzyme LIPA (lysosomal acid lipase) hydrolyse les esters de cholestérol et les triglycérides dans les lysosomes ; son activité est rétablie par la sebelipase.
3/ Troisième groupe à activité au niveau plasmatique.
- Dans le plasma, les triglycérides des chylomicrons et des VLDL sont hydrolysés par la lipoprotéine lipase. La lipoprotéine lipase est augmentée par l’apolipoprotéine C2 et par l’apolipoprotéine A5 ; la lipoprotéine lipase est inhibée par l’apolipoprotéine C3 et par l’ANGPTL3 (angiopoietin-like 3 protein).
- Le glybera (alipogene tiparvovec) rétablit l'activité de la lipoprotéine lipase chez les sujets qui sont déficients. Il s'agit de la première thérapie génique disponible en médecine et en cardiologie qui remplace la lipoprotéine lipase déficiente.Le deuxième médicament est un inhibiteur de l’apolipoprotein C3 qui s'appelle le volanesorsen. Le volanesorsen interfère avec la translation de l’apolipoprotéine C3.
- L’evinacumab est un anticorps monoclonal qui bloque l’ANGPTL3, avec des effets pléiotropes comme l’apolipoprotéine C3.
4 / Quatrième groupe des médicaments de la voie de retour du cholestérol.
- Dans les cellules périphériques, l’apolipoprotéine A1 dans les lipoprotéines HDL de petite taille mobilise le cholestérol intracellulaire par l'intermédiaire de l’ABCA1 (ATP-binding cassette protein A1) et l’ABCG1 (ATP-binding cassette protein G1) et le cholestérol est estérifié par la LCAT (lecithin cholesterol acyl transferase)
- Le CSL 112 est une infusion de peptides d'Apo A1 et nous disposons aussi d’un nouveau médicament qui rétablit l’activité de la LCAT. Il s'agit des médicaments qui favorisent la création de lipoparticules HDL petites et naissantes.
Les hypolipidémiants remboursés en France
Pour traiter l’hypertriglycéridémie, 2 grandes classes de médicaments sont disponibles en France, les fibrates et les acides gras oméga 3. Seuls les fibrates sont remboursés en France à ce jour bien que les acides gras oméga 3 soient très utiles et hypotriglycéridémiants.
Les médicaments qui améliorent le risque et le pronostic cardiovasculaires à long terme sont représentés par 4 grandes classes : les résines, les statines, l’ézétimibe, et les anti-PCSK9.
- Les résines ont beaucoup été utilisées en France dans l'hypercholestérolémie familiale. À fortes doses, la cholestyramine diminue le cholestérol LDL d'environ 30 % et ce médicament est donc très utile dans ce type d'indication. Cependant, la cholestyramine est source de toute une série de complications digestives allant des crampes digestives à la constipation et à la diarrhée. Ce médicament a aujourd'hui une place très limitée en raison de ces problèmes de tolérance.
- L’ézétimibe est un médicament qui a un impact digestif et qui assure une baisse d'environ 20 % du LDL cholestérol. Il s'agit donc d'un médicament d'appoint qui est généralement utilisé en association car la baisse est trop faible de manière isolée.
- Les statines constituent la plus large classe thérapeutique et leur efficacité est très variable selon la statine et la dose de chaque statine avec une baisse du LDL cholestérol allant de moins de 30 % jusqu'à une baisse de plus de 50 % du LDL cholestérol.
- Les anti-PCSK9 sont de nouveaux traitements qui baissent de manière spectaculaire le LDL-cholestérol, et jusqu’alors réservés aux patients adultes ayant une hypercholestérolémie familiale hétérozygote, insuffisamment contrôlée et nécessitant un traitement par LDL-aphérèse. Ces anticorps permettent ainsi de réduire, voire de supprimer le recours à la LDL-aphérèse. Par ailleurs, selon le Journal Officiel du 28 juillet 2020, l’alirocumab est remboursé dans le cadre d'une association à un traitement hypolipidémiant optimisé chez des patients adultes ayant une maladie cardio-vasculaire athérosclérose établie par un antécédent de syndrome coronaire aigu récent et qui ne sont pas contrôlés (LDL cholestérol supérieur ou égal à 0,7 g/l) malgré un traitement hypolipidémiant optimisé comprenant au moins une statine à la dose maximale tolérée. De même, selon le Journal Officiel du 30 juillet 2020 , l’évolocumab est remboursé en association à un traitement hypolipidémiant optimisé chez des patients adultes à très haut risque cardiovasculaire, avec une hypercholestérolémie primaire ou une dyslipidémie mixte, présentant une maladie cardio-vasculaire athérosclérose établie par un antécédent d’infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral non hémorragique et une artériopathie oblitérante des membres inférieurs symptomatique et non contrôlés (LDL cholestérol supérieur ou égal à 0,7 g/l), malgré un traitement optimisé comprenant au moins une statine à la dose maximale tolérée. Enfin, ces 2 nouveaux médicaments sont également remboursés en association à un traitement hypolipidémiant optimisé chez les patients adultes présentant une hypercholestérolémie familiale hétérozygote non contrôlée par un traitement optimisé et nécessitant une prise en charge par la LDL- aphérèse. En France, de nombreux patients coronariens chroniques ou présentant un syndrome coronaire aigu récent pourront bénéficier de ces nouveaux traitements remboursés lorsqu'ils ne sont pas contrôlées avec des thérapeutiques hypolipidémiantes classiques.
Efficacité comparative des différents hypolipidémiants
Les médicaments remboursés en France permettent une baisse du LDL cholestérol de 20 % pour l’ézétimibe et jusqu'à 85 % dans le cadre d'associations médicamenteuses performantes de type statine et anti-PCSK9. Les statines à fortes doses exposent à des problèmes de tolérance qui sont à prendre en compte.
La baisse du LDL cholestérol obtenue est généralement :
- d'environ 30 % avec des monothérapies par simvastatine à 10 mg par jour ou pravastatine jusqu'à 20 mg par jour.
- de 30 à 50 % avec des monothérapies par la pravastatine jusqu'à 40 mg, la simvastatine jusqu'à 40 mg, la rosuvastatine jusqu'à 10 mg et l’atorvastatine jusqu'à 20 mg.
- de 30 à 50 % avec des bithérapies avec des statines à doses faibles ou modérées (par exemple simvastatine 10 mg ou pravastatine 20 mg) et ézétimibe 10 mg.
- de 50 à 60 % avec des monothérapies avec des statines à forte dose (atorvastatine jusqu'à 80 mg ou rosuvastatine jusqu'à 40 mg).
- de 50 à 60 % avec des bithérapies avec des statines (simvastatine 40 mg, atorvastatine 10-20 mg, rosuvastatine 5-10 mg) et ézétimibe 10 mg par jour.
- de 60 à 80 % avec des bithérapies entre statine à forte dose (atorvastatine 40-80 mg ou rosuvastatine 20-40 mg) et ézétimibe 10 mg.
- de 60 à 80 % avec des bithérapies entre statine à dose faible ou modérée (atorvastatine 10-20 mg, rosuvastatine 5-10 mg) et anti-PCSK9.
- de plus de 80 % avec des associations entre statines (par exemple atorvastatine 40-80 mg ou rosuvastatine 20-40 mg) avec ou sans ézétimibe et anti-PCSK9.
Conclusion
Ainsi, les hypolipidémiants sont nombreux et d’efficacité variable. Si l'on se limite aux médicaments remboursés en France, leur efficacité sur le LDL cholestérol est très variable allant de 20 % jusqu'à 85 % de diminution pour les dernières associations thérapeutiques incluant un anti-PCSK9. Les bénéfices de telles thérapeutiques, permettant d’obtenir la cible de LDL voulue en fonction du profil patient, sont grands en rapport de risques limités. La prescription des statines à fortes doses est souvent limitée par la survenue de crampes musculaires ou de myalgies. D'où l'intérêt de combiner les médicaments lorsque la cible de LDL cholestérol n'est pas obtenue ou en cas d'intolérance thérapeutique. Ainsi, les anticorps anti-PCSK9 vont permettre d'améliorer très significativement l'approche thérapeutique de l'ensemble des patients à haut risque cardiovasculaire.
Références
- Masana L, Ibarretxe D, Plana N., Maximum Low-density Lipoprotein Cholesterol Lowering Capacity Achievable With Drug Combinations. When 50 Plus 20 Equals 60., Rev Esp Cardiol (Engl Ed). 2016 Mar;69(3):342-3.
- Mach F, Baigent C, Catapano AL, Koskinas KC, Casula M, Badimon L, Chapman J, De Backer GG, Delgado V, Ference BA, Graham IM, Halliday A, Landmesser U, Mihaylova B, Pedersen TR, Riccardi G, Richter DJ, Sabatine MS, Taskinen MR, Tokgozoglu L, Wiklund O., ESC Scientific Document Group. 2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk, Eur Heart J. 2020 Jan 1;41(1):111-188.
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Optimiser le LDL en post SCA : pourquoi, comment et avec quoi ?"
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