SGLT2-i et insuffisance cardiaque aiguë

Mis à jour le lundi 31 janvier 2022
dans
François Diévart

Dr François Dievart
Elsan Clinique Villette,
Dunkerque

 

 

Michel Galinier

Pr Michel Galinier
Pôle cardiovasculaire et métabolique
CHU de Toulouse - Hôpital Rangueil
Toulouse

Une période vulnérable de trois mois suit les hospitalisations pour décompensation cardiaque, avec un risque de réadmission de 30 % à 90 jours et une mortalité de 10 % à 30 jours. Une optimisation du traitement pendant la phase hospitalière est donc indispensable.

Les SLGT2-i, réduisant dès la première semaine de traitement la pression artérielle pulmonaire diastolique, et leurs effets apparaissant très précocement durant des essais réalisés au cours de l’insuffisance cardiaque chronique, pourraient être intéressants chez ces patients. L’étude SOLOIST-WHT, où la sotagliflozine était administrée, soit avant, soit précocément après la sortie d’une hospitalisation pour décompensation, avait déjà démontré une diminution de 33 % des décès cardiovasculaires et des réhospitalisations ou visites aux urgences pour insuffisance cardiaque après neuf mois de suivi, indépendamment de la valeur de la fraction d’éjection < ou ≥ à 50 %, mais connaissait des limites, puisque réalisée uniquement chez des patients diabétiques et ayant été interrompue prématurément en raison d’un défaut de financement du sponsor. Il fallait donc obtenir confirmation par une étude dédiée, c’est chose faite grâce à l’essai EMPULSE présenté à l’AHA, où l’empagliflozine prescrite dès la stabilisation clinique, chez des patients hospitalisés pour une insuffisance cardiaque aiguë, quelle que soit la fraction d’éjection ventriculaire gauche, améliore le pronostic à 90 jours.

L’étude EMPULSE (Efficacy and Safety of Empagliflozin in Hospitalized Heart Failure Patients) : les faits

Il s’agit d’un essai thérapeutique contrôlé, randomisé, conduit en double aveugle contre placebo, dans lequel 530 patients ont été randomisés pour recevoir, soit de l’empagliflozine à 10 mg/j, soit du placebo. Ces patients devaient être hospitalisés pour une insuffisance cardiaque aiguë et ont été inclus indépendamment de la valeur de leur fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), dès lors que leur état clinique était jugé stable.

Le critère primaire évalué à 90 jours était composé des décès toutes causes, des événements en rapport avec l’insuffisance cardiaque (hospitalisation ou visite urgente ou non programmée pour insuffisance cardiaque), du temps jusqu’à la survenue du premier événement en rapport avec l’insuffisance cardiaque et de l’amélioration d’au moins 5 points du questionnaire de qualité de vie Kansas City Cardiomyopathy Questionnaire total symptom score (KCCQ-TSS). Du fait de l’hétérogénéité des critères évalués, le protocole prévoyait une analyse comparant les critères d’amélioration des éléments évalués.

A leur inclusion et en moyenne, les patients étaient âgés de 71 ans, 66 % étaient des hommes, 45 % étaient diabétiques et 30 % avaient une FEVG supérieure à 40 %. Il s’agissait de la première décompensation cardiaque chez un tiers des patients.

Au terme du suivi programmé de 90 jours, les patients du groupe sous empagliflozine ont eu une amélioration significative de 36 % des événements du critère primaire (ratio gagnant stratifié : 1,36 ; IC 95 % : 1,09-1,68 ; p = 0,0054). Ce bénéfice s’est exprimé sur les événements cliniques majeurs : mortalité totale de 4,2 % dans le groupe sous empagliflozine et de 8,3 % dans le groupe placebo, aggravation de l’insuffisance cardiaque de 10,6 % dans le groupe sous empagliflozine et de 14,7 % dans le groupe placebo. De même qu’il y a eu une amélioration du score de qualité de vie sous empagliflozine.

Exprimés en termes plus usuels, il y a eu une diminution significative du critère « temps jusqu’au décès toutes causes ou premier événement en rapport avec l’insuffisance cardiaque » (HR : 0,65 ; IC 95 % : 0,43-0,99 ; p=0,0423).

L’effet sur le critère primaire a été homogène chez les patients ayant ou non un diabète à l’inclusion, selon le type d’insuffisance cardiaque (à FEVG altérée ou préservée) et que la décompensation cardiaque soit la première ou une récidive.

 

Analyse

L’empagliflozine améliore le pronostic de l’insuffisance cardiaque à FEVG altérée (étude EMPEROR Reduced) et conservée (étude EMPEROR Preserved), que les patients soient diabétiques ou non. Dans ces études, le bénéfice de l’empagliflozine en matière d’événements majeurs en rapport avec l’insuffisance cardiaque a été significatif dès les 4 premières semaines de traitement.

Bien qu’elle soit limitée en matière de puissance statistique du fait d’un relatif faible nombre de patients inclus, l’étude EMPULSE montre que l’empagliflozine peut être rapidement prescrite au décours d’une insuffisance cardiaque aiguë, c’est-à-dire dès lors que l’état clinique est stabilisé chez des patients encore hospitalisés.

L’étude EMPULSE renforce les recommandations pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque proposées par la Société européenne de cardiologie en août 2021 : les gliflozines sont des traitements de première ligne de l’insuffisance cardiaque devant être prescrites aussi précocement que possible.

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Retour de l’AHA et IC : recommandations 2021 comparées AHA et ESC sur les SLGT2-i dans l’IC"

 

Ce contenu vous est proposé avec le soutien institutionnel de Boehringer Ingelheim / Lilly