SGLT2-i et insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite

Pr Michel Galinier
Service de cardiologie
Pôle cardiovasculaire et métabolique
CHU de Toulouse - Hôpital Rangueil
Toulouse
Jusqu'à présent, le traitement de l’ICFEr obéissait à une hiérarchie, issue de l'histoire des essais thérapeutiques, les nouveaux traitements complétant les thérapeutiques antérieures.
Les essais positifs avec les SGLT2-i ont conduit à une véritable révolution, le traitement de première intention de l’ICFEr reposant maintenant sur les quatre classes thérapeutiques réduisant la mortalité, avec une recommandation de classe I et de niveau A : IEC et/ou ARNi, bêtabloquants, ARM et SGLT2-i. Ces 4 classes médicamenteuses doivent être prescrites le plus rapidement possible après le diagnostic et leurs posologies augmentées progressivement, tous les 15 jours, jusqu'à la dose cible ou maxima tolérée. Les SGLT2i rentrent ainsi dans le quatuor des traitements de base de l’ICFEr en devenant le quatrième pilier.
Les preuves
Après avoir démontré un bénéfice sur la prévention des hospitalisations pour insuffisance cardiaque chez les patients diabétiques de type 2, qu’ils aient ou non des antécédents d’insuffisance cardiaque, au cours d’essais thérapeutiques s’intéressant à trois molécules différentes, démontrant qu’il s’agit d’un effet de classe, les gliflozynes ont fait l’objet de deux études versus placebo au cours de l’ICFEr (FE ≤ 40 %).
Dans l’étude DAPA-HF ayant inclus 4 474 patients, d’un âge moyen de 66 ans, en stade II ou plus de la NYHA, parfaitement traités, dont 45 % étaient diabétiques, suivis en moyenne 18 mois, la dapagliflozine à la posologie de 10 mg/j a réduit de 26 % le critère primaire composite, associant les épisodes d’aggravation de l’insuffisance cardiaque, définis par les hospitalisations non programmées ou équivalents comme des visites aux urgences pour insuffisance cardiaque nécessitant le recours aux diurétiques intraveineux, et les décès cardiovasculaires, effet portant aussi bien sur les épisodes d’aggravation de l’insuffisance cardiaque, réduits de 20 %, que les décès cardiovasculaires diminués, de 18 %, bénéfice intéressant aussi bien pour les patients diabétiques que non diabétiques, et de 17 % la mortalité toute cause.
De plus, la dapagliflozine a amélioré les symptômes ainsi que la qualité de vie des patients et a réduit de 32 % le risque d’apparition d’un diabète chez les patients non diabétiques à l’inclusion. Sa tolérance s’est révélée excellente, notamment au plan rénal, sans majoration du risque d’amputation, de fractures, ou d’acidocitose.
Dans l’étude EMPEROR-Reduced, ayant inclus 3 730 patients, d’un âge moyen de 67 ans, en stade II ou plus de la NYHA, parfaitement traités, dont 50 % étaient diabétiques, suivis en moyenne 16 mois, l’empagliflozine à la posologie de 10 mg/j a réduit de 25 % le critère primaire composite, associant les hospitalisations pour aggravation de l’insuffisance cardiaque (1ère ou récidive) et les décès cardiovasculaires, bénéfice intéressant aussi bien pour les patients diabétiques que non diabétiques.
Parmi les critères secondaires, l’empagliflozine a diminué de 31 % le nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque (1ère ou récidive) et a été associée à une moindre diminution du débit de filtration glomérulaire (-0,55 vs -2,28 mL/min/1,73 m² par an) ainsi qu’à une réduction des évènements rénaux, dialyse, transplantation rénale ou détérioration importante du débit de filtration de glomérulaire (1.6 vs 3.1 %). La sécurité et la tolérance du traitement sont satisfaisantes, sans alerte en termes d’hypoglycémie, de fracture ou d’amputation des membres, seules les infections génitales non compliquées étant les plus fréquentes (1.3 vs 0.4 %).
La méta-analyse de ces deux essais retrouve, sous l’effet des gliflozines, une diminution de 13 % de la mortalité totale et de 14 % des décès cardiovasculaires associée à une réduction de 31 % de la première hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de 48 % des évènements rénaux, bénéfices indépendants du statut glycémique des patients.
Les mécanismes d’action
Les mécanismes d’action bénéfiques des SGLT2-i au cours de l’ICFEr sont multiples mais dominés par l’effet natriurétique, lié à l’inhibition du co-transporteur du sodium-glucose au niveau du tubule proximal du néphron, à l’origine également de leur action hypoglycémiante par augmentation de la glycosurie à l’origine d’une diurèse osmotique, entraînant un blocage de la balance tubulo-glomérulaire. Ce mécanisme d’action natriurétique spécifique, qui n’entraîne pas d’hypokaliémie ou de majoration de l’uricémie, associé à un effet sélectif de déplétion des fluides interstitiels, les distingue des diurétiques de l’anse.
De plus, les gliflozines possèdent des propriétés cardiaques favorables, action directe au niveau des cardiomyocytes sur l’échangeur Na/H+ et sur l’expression des marqueurs profibrotiques, augmentation de la production d’ATP grâce à l’utilisation préférentielle des corps cétoniques, qui favoriseraient une amélioration de la fonction myocardique.
L’ensemble de ces actions pléiotropes favorables aboutit à un effet anti-remodelage avec amélioration de la fraction d’éjection. Les peptides natriurétiques agissant également au niveau du tubule proximal, une attention particulière a été portée sur une éventuelle interaction entre un traitement par sacubitril-valsartan et les effets des SGLT2-i.
Au cours de l’essai DAPA-HF, le bénéfice de la dapagliflozine a été identique chez les 10 % de patients recevant l’association sacubitril-valsartan, alors que dans l’essai EMPEROR-Reduced l’effet favorable de l’empagliflozine été plus marqué chez les 19 % de patients sous sacubitril-valsartan.
La dapagliflozine et l’empagliflozine, à la posologie unique de 10 mg, possèdent ainsi une recommandation de classe I et de niveau A dans le traitement de l’ICFEr et peuvent être prescrits jusqu’à un DFG de 20 ml/min. Leur utilisation est particulièrement simple et leurs effets secondaires exceptionnels. Chez les patients hémodynamiquement stables, la posologie des diurétiques de l’anse pourra être réduite lors de leur introduction.
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Retour de l’AHA et IC : recommandations 2021 comparées AHA et ESC sur les SLGT2-i dans l’IC"
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