Quelles maladies cardiovasculaires sont et seront concernées par les ARN interférents ?

Pr Jean-Sébastien Hulot
Département Médico-Universitaire Cardiovasculaire & Transplantation
Hôpital Européen Georges Pompidou
Paris, France
Plus d’une quarantaine de programmes de développement d’ARN interférents sont actuellement en cours. Certains sont très avancés et des premiers ARN interférents ont récemment démontré leur efficacité thérapeutique en phase 3 et ont été autorisés.
Le développement des ARN interférents concerne en premier lieu des maladies rares et qui sont liées à l’expression de protéines pathologiques par le foie. L’exemple qui concerne le plus les cardiologues est celui des amyloses à transthyrétine. Il existe une reconnaissance progressive de l’existence des amyloses cardiaques, notamment liées à l’agrégation de fibrilles amyloïdes provenant d’une dissociation anormale de transthyrétine en monomères. Les origines peuvent être génétiques (dites héréditaires) ou liées au vieillissement, mais la synthèse de la transthyrétine provient du foie. On voit donc que les ARN interférents représentent une solution attractive car ils peuvent être transportés de manière ciblée et efficace au niveau du foie pour cibler et éteindre spécifiquement la synthèse de la transthyrétine pathologique. On cherche avant tout une réduction stable et durable de l’expression de cette protéine, ce qui correspond aussi très bien au profil pharmacologique des ARN interférents. Des premiers traitements ont été développés dans l’amylose héréditaire à transthyrétine avec polyneuropathie et des essais sont en cours avec une forme d’administration tous les 3 mois chez les patients avec amylose cardiaque.
Un second exemple qui concerne les cardiologues concerne le traitement des hypercholestérolémies. Ici aussi, le foie et les hépatocytes jouent un rôle majeur dans la captation et le métabolisme du cholestérol. L’une des cibles est PCSK9, une enzyme qui se fixe aux récepteurs au LDL-cholestérol et intervient dans leur dégradation. L’inhibition de PCSK9 est donc un moyen de lutter efficacement contre les hypercholestérolémies et de diminuer les niveaux circulants de LDL-cholestérol. Le ciblage et la diminution d’expression de PCSK9 correspond bien au profil d’action des ARN interférents actuellement développés. Des ARN interférents ciblant PCSK9 permettent une réduction profonde et stable du taux de PCSK9, et des taux de LDL-cholestérol. Le traitement peut s’administrer en une injection sous-cutanée tous les 6 mois.
On voit donc que les possibilités de traitement des maladies cardiologiques avec des ARN interférents sont nombreuses, et s’étendent progressivement des maladies rares aux maladies communes. Le point commun est que l’on sait aujourd’hui cibler le foie et la sécrétion de protéines hépatiques impliqués dans des maladies cardiovasculaires. On peut donc imaginer d’autres cibles. Par exemple, l’angiotensinogène est une molécule clé impliquée dans le système rénine-angiotensine-aldostérone et que les cardiologues cherchent à inhiber, que ce soit pour traiter l’hypertension artérielle ou l’insuffisance cardiaque.
Les exemples de ce type vont probablement fleurir dans les années à venir, d’autant plus que d’autres améliorations permettront de cibler de nouveaux organes. Et pourquoi pas le cœur ou les artères un jour ?
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