La prise en charge de l’obstruction intra-ventriculaire gauche

Pr Patricia Réant
Service de Cardiologie-valvulopathie
CHU de Bordeaux
Par convention, l’obstruction de la chambre de chasse du VG est définie par un gradient maximal en Doppler continu ≥ 30 mmHg au repos, ou provocable ≥ 50 mmHg. La majorité des patients avec un gradient < 50 mmHg sont pris en charge médicalement (s’ils sont symptomatiques).
Des mesures générales sont, quoiqu’il en soit, à indiquer aux patients obstructifs : éviter la déshydratation et la consommation d’alcool, envisager une perte de poids, éviter les repas très copieux, avoir une activité physique régulière, d’intensité minime à modérée.
Les médicaments vasodilatateurs et diurétiques sont à éviter (niveau IIA), notamment lorsqu’il existe conjointement une hypertension artérielle. En cas de fibrillation atriale, la digoxine est à éviter à cause de ses effets inotropes positifs.
Concernant la prise en charge médicamenteuse de l’obstruction intra-VG, très peu d’études randomisées existent dans le cadre de la prise en charge des cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) sarcomériques confirmées génétiquement ou supposées sarcomériques. Seule une étude a montré le bénéfice du metoprolol versus placebo chez 29 patients1.
Néanmoins, les recommandations européennes et américaines actuelles (ESC 2014 et AHA 2021)2-3 positionnent l’usage des bétabloquants non vasodilatateurs en première ligne (en l’absence de contre-indication) en cas de CMH obstructive symptomatique, titrés à la dose maximale tolérée (recommandation de niveau IB).
Si les bétabloquants seuls sont inefficaces, le disopyramide peut être utilisé conjointement, en étant titré jusqu’à la dose maximale tolérée (habituellement entre 400 mg et 600 mg/j). Le QT corrigé doit être monitoré pour ne pas excéder 480 ms.
En alternative aux bétabloquants, les inhibiteurs calciques, type verapamil, peuvent être utilisés, mais sont parfois mal tolérés chez certains patients. Le verapamil est à débuter à la dose de 40 mg x3 / jour et être titré jusqu’à la dose maximale tolérée (480 mg/jour). L’utilisation du verapamil doit être prudente chez les patients avec un gradient ≥ 100 mmHg ou une HTAP, du fait du risque potentiel d’œdème pulmonaire. Le dysopyramide peut également être associé au verapamil. Une amélioration des symptômes peut également être obtenue avec le diltiazem (de 60 mg x3 / jour à 360 mg/jour).
Lorsque le traitement médicamenteux classique optimisé ne suffit pas, un traitement invasif de l’obstruction peut être considéré en cas de gradient sous-aortique > 50 mmHg chez un patient en stade III ou IV de la NYHA ou présentant des symptômes à l’effort, comme une syncope sur l’obstruction (niveau IB). La discussion des modalités de la prise en charge est à réaliser collégialement par une Heart team CMH, lors d’une réunion dédiée.
La procédure de réduction septale la plus utilisée est l’intervention chirurgicale de Morrow, qui permet de faire disparaitre l’obstruction dans plus de 90 % des cas. Un bénéfice sur le long terme est obtenu chez 70 % à 80 % des patients. Une intervention au niveau de la valve mitrale ou de l’appareil sous-valvulaire mitral peut y être associée. En cas d’obstruction médio-ventriculaire, une myomectomie plus large peut être réalisée. Dans tous les cas, il est recommandé que la procédure soit réalisée dans un centre expert et par un chirurgien expérimenté. Lorsque l’anatomie valvulaire et sous-valvulaire mitrale est très pathologique, une myomectomie est généralement proposée en première intention d’emblée et associée à un geste sur la valve mitrale et l’appareil sous-valvulaire (plicature, repositionnement de piliers, etc). Le risque de décès de la myectomie est d’en moyenne 1 %, et actuellement comparable à celui observé par l’alcoolisation septale.
Une réduction septale par alcoolisation coronaire septale thérapeutique peut également être proposée en alternative, mais il est important qu’elle soit réalisée par un opérateur entraîné à ce type de procédure et dans un centre expert.
L’alcoolisation coronaire septale est souvent réalisée après réalisation d’une évaluation de l’anatomie coronaire par coroscanner ou coronarographie et une échocardiographie de contraste, afin de juger du territoire qui sera concerné lors de l’injection et d’éviter une procédure inutile en cas d’anatomie peu propice. Il s’agit d’une intervention non dénuée de risque (12 % d’implantation de pace maker pour trouble conductif de haut grade) et dont le bénéfice n’est pas systématique chez tous les patients. Néanmoins, un certain nombre de patients vont en tirer bénéfice, avec amélioration significative du stade NYHA et une réduction de l’obstruction sous-aortique. Cela nécessite une hospitalisation de quelques jours.
Dans certaines situations, surtout quand une indication d’implantation de DAI est retenue et/ou qu’il existe des troubles conductifs, une stimulation double chambre (DDD) au niveau de l’apex du ventricule droit a également montré un bénéfice chez un certain nombre de patients (reco de niveau IIB).
Récemment, de nouvelles alternatives thérapeutiques aux réductions septales et aux médicaments classiques de la prise en charge de l’obstruction ont été évaluées, avec notamment les inhibiteurs allostériques sélectifs de la myosine adénosine triphosphatase cardiaque (mavacamten, aficamtem,…), qui ont déjà démontré des résultats très encourageants en termes d’amélioration fonctionnelle, de réduction de l’obstruction et de remodelage morphologique (études PIONEER-HCM, EXPLORER-HCM, VALOR-HCM pour le mavacamten, REDWOOD-HCM pour l’aficamten)4-7. Sous ces traitement, la FEVG peut s’altérer, et un monitoring rapproché est nécessaire pendant la période de titration. L’AMM devrait avoir lieu prochainement.
Références :
- Dybro AM. et al. Metoprolol Improves Left Ventricular Longitudinal Strain at Rest and during Exercise in Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy. J Am Soc Echocardiogr. 2022:S0894-7317(22)00464-3.
- Elliott PM et al. 2014 ESC Guidelines on diagnosis and management of hypertrophic cardiomyopathy. The Task Force for the Diagnosis and Management of Hypertrophic Cardiomyopathy of the European Society of Cardiology (ESC) Eur Heart J. 2014
- Ommen SR. et al. 2020 AHA/ACC Guideline for the Diagnosis and Treatment of Patients With Hypertrophic Cardiomyopathy: Executive Summary: A Report of the American College of Cardiology/American Heart Association Joint Committee on Clinical Practice Guidelines. J Am Coll Cardiol. 2020;76:3022-3055.
- Olivotto I et al Mavacamten for treatment of symptomatic obstructive hypertrophic cardiomyopathy (EXPLORER-HCM): a randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 3 trial. Lancet 2020;396:759-769.
- Saberi S et al Mavacamten Favorably Impacts Cardiac Structure in Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy: EXPLORER-HCM Cardiac Magnetic Resonance Substudy Analysis. Circulation 2021;143:606-608.
- Cremer PC. et al. Myosin Inhibition and Left Ventricular Diastolic Function in Patients With Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy Referred for Septal Reduction Therapy: Insights From the VALOR-HCM Study. Circ Cardiovascular Imaging 2022;15: e014986.
- Maron MS. et al. Phase 2 Study of Aficamten in Patients With Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy. J Am Coll Cardiol. 2023;81:34-45.
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