Prise en charge lipidique post-SCA - « Strike Early and Strike Strong » : le bénéfice d’une stratégie raisonnée mais d’emblée agressive

Mis à jour le mardi 16 mai 2023
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SergeKownator

Dr Serge Kownator
Cardiologie et maladies vasculaires
Centre cardiovasculaire Cœur de Lorraine - Thionville

La conduite du traitement après la sortie d’hospitalisation dépend à l’évidence de la stratégie initiale à l’hôpital. Si on se réfère aux recommandations ESC/EAS de 2019 sur la prise en charge des dyslipidémies, et sur celles de l’ESC en 2020, portant sur la prise en charge des syndromes coronariens aigus ST-11, le traitement initial repose sur les statines de forte intensité, à dose maximale, prescrites d’emblée, indépendamment du LDL cholestérol initial. En ligne de mire : un taux de LDL cholestérol < 55 mg/dL et une réduction de 50 % de ce LDL. On recommande un contrôle à 4 à 6 semaines. Si l’objectif n’est pas atteint, on associe alors l’ézétimibe et si 4 à 6 semaines plus tard encore, la cible n’est toujours pas atteinte, alors on propose d’associer un inhibiteur de PCSK 9. Autrement dit, c’est au mieux 2 à 3 mois après l’évènement initial que, dans un nombre important de cas, cet algorithme va permettre de coller aux recommandations. Or, des données observationnelles montrent un taux d’évènements de 10 % dans les 3 mois suivant un SCA2. 

Qui plus est, le taux de réévaluation précoce est extrêmement variable. Ainsi, dans une enquête européenne3, parmi 1 835 patients ayant fait l’objet d’un suivi après SCA, 77,6 % avaient un LDL > 70mg/dL. Le traitement n’a été adapté que pour 51,9 % d’entre eux. Là encore, des données viennent montrer qu’après la sortie d’hospitalisation, les ajustements du traitement hypolipémiant sont peu fréquents, et même que les réductions des doses de statines sont plus fréquentes que ne le sont les titrations4.

Ces différentes constatations doivent nous interroger sur la pertinence de cette stratégie par étapes, d’autant que l’amplitude des effets attendus avec les différents traitements hypolipémiants est bien connue. Ainsi, avec une statine de forte intensité, à dose maximale, c’est une réduction de 50 % du LDL cholestérol qu’il faut attendre. Autrement dit, quand LDL est à plus de 110 mg/dL, il n’y a que peu de chances d’atteindre les objectifs.

Ces différentes constatations sont autant d’arguments pour adhérer aux recommandations issues d’un document de consensus récent plaidant en faveur de l’instauration, dès la phase hospitalière, d’une association fixe d’une statine de forte intensité à dose maximale, et d’ézétimibe. Ainsi, une baisse de 65 % du LDL cholestérol pourra être anticipée. Bien évidemment, l’effet du traitement se doit d’être contrôlé. Le patient doit sortir de l’hôpital avec la prescription d’un bilan lipidique à effectuer 4 à 6 semaines plus tard, ainsi qu’avec un rendez-vous de contrôle cardiologique dans les mêmes délais ou, si impossible, d’un rendez-vous avec le médecin traitant. Ceci va permettre de s’assurer des résultats du traitement, de son suivi, et va permettre également de renforcer les mesures thérapeutiques si nécessaire.

Dans le cas où les objectifs du traitement ne seraient pas atteints et notamment, en France, si le LDL cholestérol reste > 70 mg/dL, c’est alors une indication à l’adjonction d’un inhibiteur de PCSK9. À 6 semaines, alors, on peut obtenir un résultat optimal du traitement en tablant sur une réduction supplémentaire de LDL-C de 60 %.

En corolaire de ces baisses drastiques, les études ODYSSEY-OUTCOMES et FOURIER6 ont montré un bénéfice important sur les récidives d’évènements. Dans ODYSSEY-OUTCOMES, après un SCA récent (1 à 12 mois), on observe, sous inhibiteur de PCSK9, une réduction significative de 1,6 % du risque absolu et de 15 % du risque relatif de survenue d’un critère primaire associant décès coronaire, infarctus, AVC et hospitalisation pour angor instable. On observe également une baisse de la mortalité totale, ne pouvant être prise en compte en raison de limites méthodologiques.

Dans FOURIER, la réduction du risque absolu est de 1,5 %, celle du risque relatif de 15 % chez des patients coronariens ou ayant une maladie vasculaire périphérique. Ces données ont été confirmées, voire renforcées par une analyse de FOURIER chez les sujets ayant un infarctus récent. On constate également que plus tôt le traitement par inhibiteur de PCSK9 est instauré, plus sa durée est prolongée et plus le bénéfice est important.

Ainsi, donc, dès l’hospitalisation, on peut anticiper l’efficacité du traitement mis en place, de sorte qu’à 6 semaines au plus tard, on soit en mesure d’adapter la stratégie thérapeutique. Dans certains cas d’hypercholestérolémie sévère, ainsi que dans les formes familiales connues ou suspectées, on pourrait d’emblée envisager un traitement par inhibiteur de PCSK9, mais cette option n’est à l’heure actuelle pas validée. Des études ont montré l’efficacité en termes de baisse du LDL cholestérol, et d’autres sont en cours.

Références :

  1. Collet JP, Thiele H, Barbato E, Barthélémy O, Bauersachs J, Bhatt DL, Dendale P, Dorobantu M, Edvardsen T, Folliguet T, Gale CP, Gilard M, Jobs A, Jüni P, Lambrinou E, Lewis BS, Mehilli J, Meliga E, Merkely B, Mueller C, Roffi M, Rutten FH, Sibbing D, Siontis GCM; ESC Scientific Document Group. 2020 ESC Guidelines for the management of acute coronary syndromes in patients presenting without persistent ST-segment elevation. Eur Heart J. 2021 Apr 7;42(14):1289-1367.
  2. Jernberg T, Hasvold P, Henriksson M, Hjelm H, Thuresson M, Janzon M. Cardiovascular risk in post-myocardial infarction patients: nationwide real world data demonstrate the importance of a long-term perspective. Eur Heart J. 2015 May 14;36(19):1163-70.
  3. Landmesser U, Pirillo A, Farnier M, Jukema JW, Laufs U, Mach F, Masana L, Pedersen TR, Schiele F, Steg G, Tubaro M, Zaman A, Zamorano P, Catapano AL. Lipid-lowering therapy and low-density lipoprotein cholesterol goal achievement in patients with acute coronary syndromes: The ACS patient pathway project. Atheroscler Suppl. 2020 Dec;42:e49-e58.
  4. Cannon CP, de Lemos JA, Rosenson RS, Ballantyne CM, Liu Y, Gao Q, Palagashvilli T, Alam S, Mues KE, Bhatt DL, Kosiborod MN; GOULD Investigators. Use of Lipid-Lowering Therapies Over 2 Years in GOULD, a Registry of Patients With Atherosclerotic Cardiovascular Disease in the US. JAMA Cardiol. 2021 Jun 16;6(9):1-9. doi: 10.1001/jamacardio.2021.
  5. Schwartz GG, Steg PG, Szarek M, Bhatt DL, Bittner VA, Diaz R, Edelberg JM, Goodman SG, Hanotin C, Harrington RA, Jukema JW, Lecorps G, Mahaffey KW, Moryusef A, Pordy R, Quintero K, Roe MT, Sasiela WJ, Tamby JF, Tricoci P, White HD, Zeiher AM; ODYSSEY-OUTCOMES Committees and Investigators. Alirocumab and Cardiovascular Outcomes after Acute Coronary Syndrome. N Engl J Med. 2018 Nov 29;379(22):2097-2107.
  6. Sabatine MS, Giugliano RP, Keech AC, Honarpour N, Wiviott SD, Murphy SA, Kuder JF, Wang H, Liu T, Wasserman SM, Sever PS, Pedersen TR; FOURIER Steering Committee and Investigators. Evolocumab and Clinical Outcomes in Patients with Cardiovascular Disease. N Engl J Med. 2017 May 4;376(18):1713-1722.

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial « Comment optimiser la prise en charge lipidique après un syndrome coronaire aigu ? »

 

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