Pourquoi intégrer la supplémentation martiale dans un parcours de soins optimisé, et comment l’articuler dans la pratique du quotidien

Mis à jour le mercredi 8 juin 2022
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David Stevant

Dr David Stevant
Chef de clinique de cardiologie
Nantes

Nous avons explicité dans l’article précédent les détails pratiques concernant l’administration de la supplémentation martiale chez le patient insuffisant cardiaque.

Nous allons maintenant voir pourquoi il est important (pour le patient et pour le cardiologue) d’intégrer cette intervention dans un parcours de soins optimisé, et comment il peut s’articuler dans la pratique du quotidien.

Rappelons tout d’abord que nous considérons dans cet article la supplémentation martiale utilisant le fer carboxymaltose par voie intra-veineuse, seule supplémentation martiale recommandée à ce jour dans le contexte de l’insuffisance cardiaque à FEVG altérée1.

2 situations pratiques seront à distinguer :

  • le patient ambulatoire insuffisant cardiaque chronique (à FEVG altérée)n chez qui on diagnostique une carence martiale qu’il convient de corriger.
  • le patient « aigu » admis en hospitalisation non planifiée, chez qui on pourra volontiers profiter de l'hospitalisation pour administrer la première perfusion, mais qui peut parfois nécessiter comme nous l’avons vu précédemment une deuxième perfusion complémentaire séparée d’un intervalle minimal de 7 jours.

Le circuit Hôpital de Jour - insuffisance cardiaque

La délivrance hospitalière du traitement et l’administration intra-veineuse sous surveillance semblent à première vue constituer un obstacle à l’utilisation de ce traitement en termes d’acceptabilité pour le patient et des coûts induits. Néanmoins, ces contraintes n’impliquent pas nécessairement une hospitalisation conventionnelle.

A ce titre, l’hospitalisation de jour peut permettre de simplifier le parcours du patient.

Une admission pour supplémentation martiale intra-veineuse en HDJ requiert au maximum 2 heures sur place, réalisant une contrainte acceptable pour le patient. Cette courte durée sur place peut aussi s’avérer intéressante en termes de programmation car permettant de combler des vides, et faciliter ainsi la gestion des lits.

La prise en charge globale du patient insuffisant cardiaque

Les dernières recommandations ESC 2021 sur l’insuffisance cardiaque ont, en plus d’introduire la classe des inhibiteurs du SGLT2, mis l’accent sur la nécessité d’une titration agressive de la désormais quadrithérapie médicamenteuse cardioprotectrice. Elles ont aussi recommandé une réévaluation clinique précoce après la sortie d’une hospitalisation pour insuffisance cardiaque aiguë (en fixant un objectif de 15 jours), ce qui peut être bien entendu très difficile à mettre en pratique.

Elles mettent également à juste titre la prise en charge nécessaire des comorbidités du patient Insuffisant cardiaque (fibrillation atriale, HTA, diabète, obésité, SAOS, anémie et carence martiale) et la prise en charge globale et multidisciplinaire (éducation thérapeutique pour les mesures hygiéno-diététiques, réadaptation cardio-vasculaire, mise à jour du calendrier vaccinal…). On comprend aisément que ces divers éléments peuvent être difficiles à gérer par le praticien libéral ou dans un service de médecine non spécialisé dans le domaine de l’IC.

Une HDJ orientée sur l’insuffisance cardiaque peut être une piste pour permettre de faire coup double en alliant la supplémentation martiale (initiale d’un patient ambulatoire ou complémentaire d’un patient récemment hospitalisé) tout en permettant si besoin une réévaluation spécialisée cardiologique précoce permettant de parfaire la prise en charge thérapeutique globale.

Le circuit ville-hôpital

Pour que l’ensemble des patients insuffisants cardiaques à FEVG réduite, qui ont une indication théorique de supplémentation martiale puisse en bénéficier, il semble pertinent que se mettent en place des circuits de communication ville-hôpital, afin de faciliter l’adressage des patients. A nouveau, l’HDJ à dans ce cas toute sa place pour sa flexibilité et sa bonne acceptabilité.

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Quel suivi après la supplémentation ?

Il est suggéré après une supplémentation martiale de réitérer le bilan martial (ferritine et CST) à 6 mois puis de poursuivre un suivi biologique annuel. Le même schéma de correction est à envisager en cas de diminution ultérieure du stock martial.

Il est important de noter que toute carence martiale absolue associée à une anémie, justifie de se questionner sur la présence d’un saignement occulte sous-jacent, et peut conduire à adresser le cas échéant vers une consultation spécialisée d’hépato-gastro-entérologie.

Conclusion

La prise en charge de l’insuffisance cardiaque se complexifie progressivement, tant sur le plan thérapeutique que sur la nécessaire prise en charge des différentes comorbidités.

Quelques pistes vous ont été présentées pour mettre en pratique la supplémentation martiale du patient insuffisant cardiaque et pour l’intégrer dans un parcours de soins optimisé.

Références

  1. Haute Autorité de Santé. FERINJECT (carboxymaltose ferrique). Avis de la commission de transparence. HAS; 2019.
  2. McDonagh TA, et al. ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure. Eur Heart J. 2021 Sep 21;42(36):3599-3726. doi: 10.1093/eurheartj/ehab368. Erratum in: Eur Heart J. 2021 Oct 14;: PMID: 34447992.

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Correction de la carence en fer de l’insuffisant cardiaque"