Les points clés sur les inhibiteurs des SGLT2
Auteur :

Docteur Pierre Sabouret
Paris
Malgré les progrès thérapeutiques réalisés lors de ces dernières décennies, les patients diabétiques présentent souvent un risque cardiovasculaire élevé ou très élevé en prévention primaire, et ont un risque de récidives d’événements plus élevé que les patients non diabétiques en prévention secondaire. Après les effets cardiovasculaires délétères constatés avec certaines glitlazones, les études d’évaluation des nouvelles classes thérapeutiques ont porté sur leur sécurité d’emploi. Les inhibiteurs des DPP4 ont démontré leur sécurité d’emploi sans apporter de bénéfices cardiovasculaires autres que la baisse de l’hémoglobine glyquée (HbA1c). Les apparitions des agonistes des récepteurs aux GLP1 (AR-GLP1), des inhibiteurs des SGLT2 (iSGLT2) ont profondément modifié l’approche thérapeutique dans le diabète de type 2, et plus récemment dans l’insuffisance cardiaque et la néphroprotection.
La classe des AR-GLP1 semble hétérogène concernant l’efficacité clinique sur les événements cardiovasculaires : seuls le dulaglutide (étude REWIND), le liraglutide (étude LEADER) et le sémaglutide (étude SUSTAIN-6) ont démontré des bénéfices cardiovasculaires (réduction des AVC et/ou des infarctus du myocarde) et une néphroprotection par rapport au « traitement médical optimal » du groupe contrôle, sans bénéfice sur la survenue d’une insuffisance cardiaque (1-3). La classe des iSGLT2 est plus homogène avec des bénéfices cardiovasculaires précoces principalement sur la réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque associée à une néphroprotection (études EMPAREG, CANVAS, DECLARE) qui semble plus prononcée que celle procurée par les AR-GLP1, avec les limites méthodologiques des comparaisons indirectes (4-6).
La classe des iSGLT2 a vu récemment son potentiel thérapeutique s’étendre au-delà du diabète, sur la base de deux études randomisées majeures et d’une méta analyse : DAPA-HF (7-10) et EMPEROR-Reduced.
Les résultats de l’étude EMPEROR-Reduced, évaluant l’empagliflozine chez des patients insuffisants cardiaques avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche réduite, ont conforté les résultats constatés lors de l’étude DAPA-HF, avec une réduction des événements cardiovasculaires majeurs, principalement les hospitalisations et réhospitalisations pour insuffisance cardiaque, que les patients soient diabétiques ou non, avec également une néphrotection cruciale pour ces patients qui cumulent les comorbidités, et pour lesquels une dégradation de la fonction rénale est un marqueur de risque de mortalité bien documenté.
L’empagliflozine a également des effets favorables sur le remodelage ventriculaire gauche, la fraction d’éjection ventriculaire, améliore le pic de consommation maximal d’oxygène, le test de marche de 6 minutes et la qualité de vie (11).
Dans toutes les études randomisées évaluant les iSGLT2, la tolérance clinique est excellente, avec notamment l’absence d’hypoglycémie sévère, y compris chez les patients non diabétiques. Le risque d’infections urinaires est modérément augmenté en raison d’un des modes d’action des iSGLT2 qui sont glucoexcréteurs et natriurétiques (12,13).
Les données récentes sur les iSGLT2 sont fondamentales pour la prise en charge de nos patients, qu’ils soient diabétiques et/ou insuffisants cardiaques à fonction systolique altérée compte tenu de l’ampleur des bénéfices cliniques observés. En effet, alors que les patients insuffisants cardiaques bénéficiaient d’un traitement optimal dans les deux groupes de randomisation (bétabloquants, inhibiteurs du système rénine angiotensine, inhibiteurs des récepteurs aux minéralocorticoÏdes, sacubitril-valsartan, resynchronisation, mitraclip..), l’empagliflozine a permis une réduction hautement significative de 25%, du critère primaire composite associant hospitalisations pour insuffisance cardiaque et mortalité associée à une réduction du risque absolu de plus de 5%. Il suffit en pratique de ne traiter que 19 patients par empagliflozine pendant 1,3 ans pour éviter un événement majeur. Le bénéfice clinique est essentiellement en rapport avec une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, ce qui est fondamental compte tenu du taux élevé de réhospitalisations et du fait qu’il s’agit d’un marqueur pronostique puissant associé à la mortalité. L’analyse détaillée de l’étude EMPEROR-Reduced montre que la mortalité n’est pas significativement réduite en critère isolé, très probablement en raison du suivi court (16 mois) chez des patients particulièrement bien traités.
On peut donc conclure que les iSGLT2 sont efficaces sur la réduction des événements cardiovasculaires majeurs des patients insuffisants cardiaques, avec en complément une néphroprotection fondamentale chez ces patients qui ont souvent de nombreuses comorbidités et une fragilité globale élevée. Les effets bénéfiques des iSGLT2 semblent multiples (système cardiovasculaire, reins, métaboliques) avec des études en cours pour mieux les déterminer (14-16).
La sécurité d’emploi est excellente que ce soit chez les patients diabétiques ou non diabétiques. Leur initiation est simple et la tolérance clinique est satisfaisante.
Les prochaines recommandations de l’ESC pour les patients insuffisants cardiaques seront publiées en 2021 avec un algorithme décisionnel très attendu.
Références
Télécharger la liste des références
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Diabète et insuffisance cardiaque"
Ce contenu vous est proposé avec le soutien institutionnel de Boehringer Ingelheim et Lilly