L’infarctus au féminin

Pr Pascal Motreff
Cardiologie médicale et médecine vasculaire
CHU de Clermont-Ferrand
Le pronostic de l’infarctus du myocarde a été considérablement transformé ces 30 dernières années. Les femmes, et notamment les femmes jeunes, qui sont de moins en moins épargnées, semblent moins profiter de ces progrès.
La mortalité post-infarctus est 40 % plus élevée après ajustement à l’âge, et le double de celle de l’homme avant 50 ans.
Cette inégalité est en grande partie imputable aux stéréotypes, retrouvés à tous les stades de la maladie. Les femmes, considérées comme moins concernées, ont moins accès à la prévention ou au dépistage.
En phase aiguë, leur prise en charge est retardée et suboptimale, avec moins de reperfusion. Le traitement post-infarctus et le recours à une réadaptation sont eux aussi moins souvent conformes aux recommandations chez la femme.
Les idées reçues sont également parfois partagées par les acteurs de santé.
Il est important de retenir que 25 % des infarctus sont féminins, qu’ils se manifestent, comme chez l’homme, par une douleur thoracique typique dans plus de 90 % des cas. Les symptômes atypiques sont surtout l’apanage des âges avancés, population où la femme est sur-représentée.
Une autre explication du surrisque féminin est anatomique et physiopathologique. Les coronaires sont plus fines et tortueuses, plus difficiles à recanaliser, avec davantage de complications hémorragiques.
Enfin, on retrouve plus souvent chez la femme des infarctus sans occlusion coronaire (MINOCA)1,2, dont le diagnostic et la prise en charge peuvent être délicats. Par exemple, la dissection coronaire spontanée doit être évoquée face à un infarctus chez une femme de moins de 60 ans, sans facteur de risque athéromateux. Les signes angiographiques, de mieux en mieux connus, ou une imagerie coronaire, vont conduire à un traitement inhabituel impactant un pronostic potentiellement dramatique3. Une stratégie conservatrice sans stenting ni traitement antithrombotique puissant est l’option à privilégier pour éviter le décès d’une population de femmes jeunes, que l’on estime entre 500 et 1000 cas / an en France.
L’amélioration du pronostic de l’infarctus chez la femme passera par une meilleure prévention d’un risque croissant, une large sensibilisation du grand public, une formation pointue des soignants avertis à la fois du réel danger et de l’existence de formes physiopathologiques singulières imposant un traitement adapté. Il est essentiel de poursuivre des registres qui permettent d’identifier les principales sources d’inégalité de pronostic, qui sont autant de levier d’amélioration.
Figure. Comment réduire les inégalités ?
Références :
1 Safdar B, Spatz ES, Dreyer RP, Beltrame JF, Lichtman JH, Spertus JA, et al. Presentation, Clinical Profile, and Prognosis of Young Patients With Myocardial Infarction With Nonobstructive Coronary Arteries (MINOCA): Results From the VIRGO Study. J Am Heart Assoc. 2018;7(13).
2 Pasupathy S, Air T, Dreyer RP, Tavella R, Beltrame JF. Systematic review of patients presenting with suspected myocardial infarction and nonobstructive coronary arteries. Circulation. 2015;131:861-70
3 Motreff P, Malcles G, Combaret N, Barber-Chamoux N, Bouajila S, Pereira B, et al. How and when to suspect spontaneous coronary artery dissection: novel insights from a single-centre series on prevalence and angiographic appearance. EuroIntervention. 2017;12(18):e2236-e43.
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