Impact de l’anticoagulation après TAVI : résultats des registres nationaux français


Antonin Trimaille
Interne à Strasbourg
Membre du Collège des Cardiologues en Formation

D'après la présentation de la Hot line "Impact of anticoagulant after TAVI : French national registries" par Martine Gilard lors du PCR e-Course 2020.
Contexte
Après remplacement valvulaire aortique chirurgical, la dégénérescence de bioprothèse est une complication relativement fréquente et apparaît être en relation étroite avec la thrombose de bioprothèse. Afin de la prévenir, les recommandations européennes préconisent une anticoagulation curative durant les trois premiers mois suivant l’intervention (1).
Après remplacement valvulaire aortique percutané (TAVI), Makkar et al ont montré en 2015 l’existence de thromboses de bioprothèse subcliniques détectées au scanner et appelées subclinical leaflet thrombosis (SLT). Leur incidence est plus faible chez les patients traités par anticoagulation pour une autre indication et elles disparaissent après introduction d’une anticoagulation. Afin de prévenir la survenue de SLT possiblement à l’origine d’une dégénérescence précoce de bioprothèse et d’événements thrombo-emboliques, il a été proposé de prescrire une anticoagulation curative après TAVI. L’étude GALILEO a analysé l’effet du rivaroxaban dans cette indication et a montré une augmentation du risque de mortalité toute cause, d’événements thromboemboliques et de saignements en comparaison avec le traitement antiagrégant standard.
Cette étude française avait ainsi pour objectif d’évaluer les résultats de l’anticoagulation curative après TAVI en vie réelle chez des patients inclus dans les registres français FRANCE-2 et FRANCE-TAVI.
Méthodes
Les patients ayant bénéficié d’un TAVI dans 48 centres français de 2010 à 2017 ont été prospectivement inclus dans les registres FRANCE-2 et FRANCE-TAVI. Leurs caractéristiques de base et les détails de la procédure ont été collectés pour chaque patient via ces deux registres. Les traitements et les complications pendant et après l’hospitalisation ont été récupérés via le système national des données de santé (SNDS). Un algorithme spécifique permettant de matcher les données des registres avec celles du SNDS a été développé afin de permettre un suivi complet pour 98% des patients. Une comparaison entre les patients avec anticoagulation et les patients sans anticoagulation a été effectuée. Les critères de jugement étaient la mortalité, la survenue d’un AVC, d’un syndrome coronaire aigu ou d’une hémorragie majeure.
Résultats principaux
Résultats de l’anticoagulation
Les registres FRANCE-2 et FRANCE-TAVI ont inclus 24 695 patients avec une durée de suivi moyenne de 2 ans. Parmi eux, 8982 (36.5%) patients étaient sous anticoagulation curative. Ces patients étaient plus âgés, plus souvent des hommes, avec un Euroscore 2 plus élevé et avaient plus souvent un antécédent d’insuffisance rénale chronique, d’AVC et d’intervention coronaire percutanée en comparaison avec les patients sans anticoagulation (p<0.001 pour toutes ces comparaisons). Les patients sous anticoagulant ont eu une mortalité augmentée (hazard ratio (HR) 1.51, intervalle de confiance (CI) 95% (1.44-1.58), p<0.005), un taux d’hémorragie majeure augmentée (p<0.005) et un taux d’AVC augmenté (p<0.005).
Résultats de l’anticoagulation associée à un antiagrégant plaquettaire
Parmi les patients sous anticoagulation, 5036 (63.0%) avaient également un antiagrégant plaquettaire. Ces patients étaient moins âgés, plus souvent des hommes et avec un antécédent d’intervention coronaire percutané en comparaison avec les patients sans anti-agrégant plaquettaire (p<0.001 pour toutes ces comparaisons). Les patients sous anticoagulant + antiagrégant plaquettaire avaient un risque de saignement majeur augmenté (HR 1.27, CI 95% (1.10-1.48), p<0.005) et un risque de syndrome coronaire aigu plus important (HR 1.76, CI 95% (1.28-2.42), p<0.005) en comparaison avec les patients sous anticoagulation seule. La mortalité et le taux d’AVC n’étaient pas différents.
Résultats selon le type d’anticoagulant oral
Parmi les patients sous anticoagulation, 6688 (75.0%) étaient sous anti-vitamine K (AVK) et 2274 (25%) étaient sous anticoagulants oraux directs (AOD). Les patients sous AVK avaient un Euroscore 2 plus élevé et plus souvent un antécédent d’insuffisance rénale chronique et d’AVC que les patients sous AOD (p<0.01 pour toutes ces comparaisons). La mortalité était augmentée chez les patients sous AVK en comparaison avec ceux sous AOD (HR 1.39, CI 95% (1.23-1.57), p<0.005), tout comme le taux de saignement majeur (p<0.005). Les taux d’AVC et de syndrome coronaire aigu n’étaient pas significativement différents.
Discussion
Ces données sur l’utilisation de l’anticoagulation après TAVI sont importantes. Premièrement, les patients sous anticoagulation ont un état général plus sévère que les autres patients avec plus de comorbidités. Deuxièmement, il existe une augmentation significative de la mortalité, des hémorragies majeures et des AVC chez les patients sous anticoagulation. Enfin, les patients sous AOD ont une diminution significative de la mortalité et des taux d’hémorragies majeures en comparaison avec les patients sous AVK.
Ces données préliminaires nécessitent d’être complétées par des analyses multivariées prenant en compte les caractéristiques spécifiques des patients afin d’affiner les résultats de l’anticoagulation sur les événements survenant après TAVI.
Références
- Baumgartner H, Falk V, Bax JJ, De Bonis M et al. 2017 ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease. Eur Heart J. 2017;38:2739–91.
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