Hypertension artérielle et chimiothérapie

Mis à jour le lundi 3 avril 2023
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Pierre-Yves Courand

Pr Pierre-Yves Courand
Fédération de cardiologie Croix-Rousse Lyon Sud, IMMUCARE,
Hospices Civils de Lyon, CREATIS, Université Claude Bernard Lyon 1
Lyon

L’hypertension artérielle est plus fréquente chez les patients traités pour un cancer que dans la population générale pour de multiples raisons :

  1. les molécules anticancéreuses peuvent avoir, par leurs mécanismes d’action, des effets « off-target » au niveau vasculaire et rénal
  2. de nombreux traitements de support peuvent avoir également des effets pressionnels délétères sur la pression artérielle (AINS, corticoïdes…)
  3. les conséquences du cancer sur la diminution d’activité, la mise au second plan des problématiques non oncologiques et la présence de douleurs chroniques peuvent être également des éléments favorisant une élévation de la pression artérielle.

Ainsi, plus d’un tiers des patients traités pour un cancer présenterait une hypertension artérielle.

Quelles sont les principales molécules anticancéreuses pouvant favoriser une hypertension artérielle ?

  • Les inhibiteurs de VEGF sont associés à une incidence d’hypertension artérielle allant de 20 à 90 % ; ils sont particulièrement utilisés pour les cancers du rein et les carcinomes hépato-cellulaires (bevacizumab, sorafenib, sunitib, axitinib, pazobanib, lenvatinib…)
  • Les inhibiteurs de BTK (Bruton’s tyrosine kinase), très efficaces dans le cadre du traitement de la leucémie lymphoïde chronique et de certains lymphomes, favoriseraient une hypertension artérielle dans 70 % des cas (ibrutinib, acalabrutinib)
  • Les sels de platines (cisplatine, carboplatine et oxaliplatine), prescrits pour les cancers bronchiques, gynécoloqiques, colo-rectaux et urologiques, sont associés à une incidence de l’ordre de 50 % d’hypertension artérielle
  • Les inhibiteurs du protéasome (carfilzomib, bortezomib), traitement du myélome multiple, sont pourvoyeurs d’hypertension artérielle dans 10 à 32 %
  • D’autres traitements anticancéreux ont été associés à l’hypertension artérielle, avec des incidences plus faibles : agents alkylants, inhibiteurs de BRAF/MEK, inhibiteurs de RET, hormonothérapie, inhibiteurs de mTOR et anti-calcineurines.

Faut-il traiter une hypertension artérielle sous traitement anti-cancéreux ?

Bien que la majeure partie du soin soit centrée sur la partie oncologique du patient, la prise en charge de l’hypertension artérielle doit être conjointe pour éviter d’éventuelles complications cardio-vasculaires. Une hypertension artérielle non contrôlée dans le cadre d’un traitement par anthracyclines, ibrutinib et anti-VEGF, augmente significativement le risque d’insuffisance cardiaque.

Il ne faut pas hésiter à proposer des mesures ambulatoires (MAPA ou automesures) pour écarter une hypertension artérielle blouse blanche dans un contexte d’évaluation hospitalière. Les dernières recommandations proposent de traiter tous les patients qui présentent une hypertension de grade 2 (PAS > 160 mm Hg et/ou PAD > 100 mm Hg), même en cas de pronostic oncologique réservé. Dans le cadre d’une hypertension artérielle de grade 1, le traitement de l’HTA doit être modulé en fonction du pronostic :

  • il est proposé si la survie est estimée à plus de 3 ans,
  • il peut être envisagé si la survie est estimée entre 1-3 ans
  • et il ne paraît pas raisonnable si la survie prévisible est inférieure à 1 an.

Quels traitements antihypertenseurs privilégier ?

Le choix va se porter davantage vers les IEC / ARA II et les inhibiteurs calciques de type dihydropyridines. Les premiers sont cardioprotecteurs. Les seconds ont peu d’interaction médicamenteuses. Il faut en revanche éviter en première intention les diurétiques thiazidiques favorisant une hypokaliémie et un allongement de l’intervalle du QT (notamment en cas d’association avec les inhibiteurs de tyrosine kinase). Les inhibiteurs calciques bradycardisants sont également à éviter en raison des interactions médicamenteuses fréquentes, avec risque de toxicité accrue ou d’inefficacité du traitement anticancéreux.

En cas d’HTA de grade 1, on peut proposer une monothérapie par IEC/ARA II, notamment quand les chiffres de PAS sont < 150 mm Hg. Si les valeurs de PA atteignent le seuil de grade 2, la bithérapie d’emblée est le prérequis à l’obtention d’une baisse tensionnelle suffisante.

Faut-il arrêter un traitement anticancéreux en cas d’hypertension artérielle ?

En cas d’HTA de grade 3, une suspension transitoire des traitements anticancéreux est recommandée. Dès que l’hypertension artérielle est contrôlée, un rechallenge est souvent autorisé, ce d’autant que la thérapeutique anti-cancéreuse était efficace.

Figure

Prise en charge de l'HTA sous thérapie ciblée 

Références

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Actualités 2023 en cardio-oncologie"