Grands principes et rationnel de l’intelligence artificielle appliquée à l’échocardiographie

Mis à jour le mercredi 6 avril 2022
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Dr Théo Pezel

Dr Théo Pezel
Service de cardiologie
CHU Lariboisière, AP-HP,
Unité INSERM-UMR 942
Paris

 

L’intelligence artificielle (IA) peut se prévaloir de grandes performances, particulièrement en analyse d’images à visée diagnostique. Ainsi, nous discuterons ensemble des grands principes de l’IA appliquée à l’imagerie cardiovasculaire multimodale, et tout particulièrement à l’échocardiographie. 

Comprendre le principe du Machine Learning / Deep Learning appliqué aux données d’imagerie cardiovasculaire

Le principe du machine learning est relativement simple (Figure 1) : fournir à un logiciel informatique des milliers et des milliers de « données étiquetées » afin qu’il apprenne seul à diagnostiquer à l’identique.

Ainsi, la notion de « donnée étiquetée » correspond à une donnée d’imagerie brute (ensemble des boucles d’échographie cardiaque d’un patient par exemple) pour laquelle un médecin expert a réalisé toutes les mesures nécessaires, et pour poser un diagnostic final précis. L’algorithme apprend alors en profondeur (deep learning) à identifier tous les détails de l’image qui auront permis à l’expert d’arriver à ce diagnostic1. (Figure 2).

Figure 1 : Diagramme de Venn présentant la terminologie hiérarchique de l’intelligence artificielle1.

 

Ainsi, combien de véritables dysplasies arythmogènes du ventricule droit (DAVD) sont-elles diagnostiquées pendant toute une carrière, par un expert échocardiographie ? Une centaine ? Peut-être le double, pour les meilleurs d’entre nous ?

Eh bien, imaginez un logiciel d’IA capable d’ingurgiter les données de plusieurs milliers d’échocardiographies de patients avec DAVD confirmée, identifiés par des dizaines d’experts à travers le monde… L’expérience du réseau de neurones devient alors virale… On comprend alors pourquoi de nombreuses études ont déjà montré que ce type d’algorithme permet de réduire significativement le taux d’erreur d’interprétation.

Ainsi, alors même que l’une des principales critiques faites à l’échocardiographie est son caractère opérateur-dépendant, l’utilisation de ces algorithmes issus du machine learning permettent d’améliorer significativement la reproductibilité des mesures réalisées.

Figure 2 : Comprendre les différentes étapes de construction d’un algorithme de Deep learning1.   

Gain de temps pour le cardiologue dans l’interprétation

En IRM et Scanner cardiaque

L’utilisation de l’IA a d’abord été largement appliquée à l’imagerie de coupes afin de faciliter le workflow de l’examen et de faire ainsi gagner du temps aux médecins.

En effet, dans une étude récente, l’équipe de Charlotte Manisty présente les résultats d’un nouvel algorithme d’IA capable de lire les scanners et IRM cardiaques, 186 fois plus rapidement que les chercheurs humains2. Ainsi, les résultats de cette étude montrent que le principe du Machine Learning permettrait d’augmenter la vitesse de lecture des praticiens, tout en diminuant significativement le taux d’erreur d’interprétation.

De plus, selon cette étude, il faut environ 13 minutes à un médecin pour analyser les fonctions cardiaques sur une IRM cardiaque. Or, l’IA est capable d’aider le médecin à analyser ces images en seulement 4 secondes.

C’est pourquoi, dans notre système de santé en pleine mutation, l’IA pourrait faire économiser un temps précieux aux établissements de santé tout en réduisant le taux d’erreurs commises lors de la lecture. En effet, Si l’on compare le temps gagné sur chaque lecture d’IRM avec le nombre de lectures effectuées chaque année, les cardiologues pourraient gagner un total de 54 jours par an2.

En échocardiographie

Si l’utilisation de l’intelligence artificielle s’est d’abord développée en imagerie de coupes, elle est aujourd’hui en pleine expansion dans le domaine de l’échocardiographie !

En effet, les algorithmes construits à partir du machine learning en échocardiographie sont capables de détecter ce que le praticien souhaite mesurer en fonction de la coupe sur laquelle on se trouve, de l’outil que l’on utilise (doppler continu, doppler pulsé…) afin de faciliter la réalisation de cette mesure en sélectionnant d’emblée le flux à l’image, pour faire gagner du temps au praticien (Figure 3).

Figure 3 : Exemple de l’outil « AI Auto Measure – Spectrum Recognition » développé par GE Healthcare, qui permet de détecter que le praticien souhaite mesurer la Vmax du flux d’éjection aortique et facilite l’acquisition de la mesure. (“The Role of Artificial Intelligence in Streamlining Echocardiography Quantification, White Paper”, GE Healthcare)

De façon analogue, GE Healthcare a développé des outils simples d’IA permettant de réaliser automatiquement toutes les mesures sur une coupe parasternale grand axe (Figure 4).

Figure 4 : Exemple de l’outil « AI Auto Measure 2D » développé par GE Healthcare, qui permet de réaliser automatiquement en un seul clic, toutes les mesures accessibles sur une coupe parasternale grand axe.

Et « Radiomics » ça veut dire quoi ?

La radiomics est un concept en pleine expansion qui consiste à extraire de nos examens d’imagerie des variables prédictives pertinentes dans la stratification du risque des patients, mais pas forcément visibles à l’image ! Nous sommes encore aux prémices de ces techniques, mais les résultats sont plus qu’encourageants.

L’IA remplacera-t-elle un jour les médecins en imagerie ?

Les cardiologues ont recours à l'imagerie cardiaque, mais l'analyse manuelle des images obtenues reste chronophage et sujette aux erreurs, notamment de possibles erreurs d’inattention liées à un flux de patients quotidien parfois très important.

Différentes startups et compagnies de l’imagerie proposent depuis plusieurs années différents logiciels ayant recours à l’IA. Ainsi, l’objectif est de pouvoir automatiser le processus de certaines mesures peu intéressantes à réaliser techniquement et assez fastidieuses. L’exemple incontournable en échocardiographie est celui de la mesure de la FEVG avec le développement de la FEVG 3D automatique. En effet, alors que nous devions segmenter l’endocarde du VG manuellement en coupes apicales 2 et 4 cavités pour réaliser notre Simpson biplan, il y a encore quelques années, aujourd’hui un logiciel réalise cette segmentation pour nous en quelques secondes…

Est-ce que cela nous pousse à être remplacés par la machine ? Non, bien au contraire, la machine est à notre service pour nous faire gagner du temps sur les tâches les plus rébarbatives, afin d’augmenter notre temps de réflexion médicale !

L’apport de l’imageur n’est pas de savoir tracer correctement les limites de l’endocarde sur une coupe du VG, ni même de savoir mesurer la zone compactée et la zone non compactée d’une non-compaction du VG, mais plutôt d’être capable d’intégrer toutes ces informations, en lien avec le contexte clinique, afin que l’imagerie fasse sens dans l’histoire du patient. En réalité, « l’IA aide le praticien à faire la synthèse ! »

De plus, l'automatisation du processus par l'IA a conduit à une augmentation importante du flux de patients, permettant aux médecins de traiter plus de patients dans le même laps de temps.

Conclusion

Le potentiel de l’IA appliquée à notre pratique quotidienne de l’imagerie cardiovasculaire est immense, avec des effets actuels et futurs majeurs sur l'industrie de la santé.

Ainsi, nous vivons probablement une période de développement sans précédent dans le monde de l’imagerie cardiaque, véritable bras armé d’une cardiologie toujours plus précoce pour nos patients, tant sur le plan préventif que curatif3.

Cependant, notre rôle de clinicien est probablement d’accompagner ce processus d’évolution de notre médecine, afin de rester les garants d’une exigence et d’une précision permanentes, notamment dans nos échanges avec les équipes d’ingénieurs et mathématiciens dédiés à ce domaine.

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

  1. Soffer S, Ben-Cohen A, Shimon O, Amitai MM, Greenspan H, Klang E. Convolutional Neural Networks for Radiologic Images: A Radiologist’s Guide. Radiology. 2019.
  2. Bhuva A, Bai W, Lau C, Davies R, Ye Y, Bulluck H, McAlindon E, Culotta V, Swoboda P, Captur G, Treibel T, Augusto J, Knott K, Seraphim A, Cole G, Petersen S, Edwards N, Greenwood J, Bucciarelli-Ducci C, Hughes A, Rueckert D, Moon J, Manisty C. A Multicenter, Scan-Rescan, Human and Machine Learning CMR Study to Test Generalizability and Precision in Imaging Biomarker Analysis. Circ Cardiovasc Imaging. 2019.
  3. Ederhy S, Mansencal N, Réant P, Piriou N, Barone-Rochette G. Role of multimodality imaging in the diagnosis and management of cardiomyopathies. Arch Cardiovasc Dis. 2019.

 

 

 

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Intelligence artificielle et échocardiographie"

 

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