Evolution des indications pour l’implantation des bioprothèses par voie aortique (TAVI) : une mise au point par le PCR

Publié le vendredi 24 mai 2019
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Thomas Levesque
Collège des Cardiologues en Formation

Thomas Levesque

Interne à Rouen
Membre du Collège des Cardiologues en Formation

 

Cardio-online et le CFF à EuroPCR

Les dernières études récemment publiées révèlent que, quel que soit le risque opératoire, le TAVI fait mieux que la chirurgie en termes de :

  • Mortalité
  • AVC
  • Réhospitalisation

Le TAVI permet une meilleure et plus rapide restauration de la qualité de vie.
Ces résultats renforcent la place du TAVI et redéfinissent les critères de choix dans le traitement du rétrécissement aortique serré.

Contexte

Depuis la 1ère implantation de bioprothèse aortique par voie percutanée par le professeur Alain Cribier et son équipe en 2002 jusqu’à aujourd’hui1, la technique du TAVI n’a cessé de se développer et a vu ses indications s’élargir, révolutionnant la prise en charge du rétrécissement aortique serré symptomatique.

Initialement réservées pour les sujets inopérables puis à très haut risque chirurgical, les indications du TAVI s’étaient déjà étendues aux sujets à risque opératoire intermédiaire en 2017 (ESC guidelines 2017)2.

Aujourd’hui, le choix du traitement du rétrécissement aortique se décide en « Heart Team » et les sujets à risque faible bénéficient d’un remplacement aortique par voie chirurgicale.

Récemment publiées en 2019, deux études randomisées (PARTNER III3 et EVOLUT Low Risk4), comparant le TAVI et le remplacement valvulaire aortique chirurgical, amènent à repenser de nouveau la place du TAVI dans le traitement du rétrécissement aortique serré symptomatique.

Résultats des études

Une méta analyse publiée dans l’European Heart Journal en Avril 20195 a comparé TAVI et chirurgie chez des patients porteurs d’un rétrécissement aortique de tout risque opératoire. Cette étude regroupe 7 essais cliniques randomisés et totalise 8020 patients.

Le critère de jugement principal était la mortalité toute cause à 2 ans. On retrouve une réduction du risque relatif sur le critère de jugement principale de mortalité de 12% et une réduction du risque relatif de 19% sur les AVC en faveur du TAVI.

Concernant les sujets à bas risque, les études randomisées PARTNER III et EVOLUT Low Risk, vont dans le même sens.

Dans l’étude PARTNER III, la survenue du critère de jugement principal composite (mortalité, AVC et réhospitalisation) à 1 an était environ deux fois moins importante dans le groupe TAVI que dans le groupe chirurgie (hazard ratio, 0.54; 95% CI, 0.37 to 0.79; P=0.001).

Dans l’étude EVOLUT Low Risk, la survenue du critère composite (mortalité, AVC), était de 5,3% dans le groupe TAVI et 6,7% dans le groupe chirurgie. La figure 1 montre le pourcentage de réhospitalisation entre TAVI et chirurgie dans les 2 études.

Le TAVI permet également une économie de soins qui bénéficie au patient pour ce qui est de la récupération de qualité de vie.

Dans l’étude PARTNER II6, la durée d’hospitalisation était réduite de manière significative de 33% et le nombre de jours en unité de soins intensifs de 50%. 

L’étude SURTAVI7 retrouvait des résultats similaires avec une réduction de la durée d’hospitalisation de 40% et d’hospitalisation en soins intensifs de 33%.

En plus d’être moins invasif, le TAVI permet donc aux patients de retrouver une vie normale et une amélioration de la qualité de vie de manière plus rapide. (cf figure 2)

 

réhospitalisation entre TAVI et chirurgie
TAVI

Changement de point de vue

Au vu de l’ensemble des études, la prise en compte du risque opératoire ne devrait plus intervenir dans le choix entre TAVI et chirurgie.

Les Heart Team devraient plutôt évaluer les caractéristiques anatomiques et cliniques de façon individuelles pour choisir le meilleur traitement.

Le choix du type valve (mécanique ou bioprothèse), devrait être déterminé par l’espérance de vie et la durabilité des bioprothèses. Cela doit être réévalué par la possibilité de réaliser des TAVI valve in valve pour les patients porteurs de bioprothèses. Il est proposé ici (cf figure 3) l’implantation de valve mécanique par voie chirurgicale chez les sujets de moins de 50 ans et des bioprothèses pour les plus de 65 ans.

Age à l'implantation

Discussion

Malgré ces avancées, il reste encore des questions en suspens :

  • Qu’en est-il du TAVI chez les patients jeunes (< 70 ans) ?
  • Peut-on estimer la durabilité des valves avec des critères cliniques et échocardiographiques ?
  • Quelle est la meilleure stratégie chez les patients ayant un rétrécissement aortique et une coronaropathie sévère ?
  • Quelle est la place du TAVI chez les patients porteurs d’un rétrécissement aortique sur valve bicuspide ?
  • Quelle est la stratégie anti-thrombotique optimale à adopter ?
  • Quand et comment traiter les patients asymptomatiques porteur d’un rétrécissement aortique serré ?

Conclusion

L’ensemble des études récemment publiées comparant TAVI et remplacement aortique par voie chirurgicale, vient redéfinir la réflexion sur le choix du traitement du rétrécissement aortique serré symptomatique.

En effet, quel que soit le risque opératoire, le TAVI fait mieux que la chirurgie en termes de mortalité, d’AVC et de réhospitalisation.

On a jusqu’alors réservé le TAVI pour les patients qui ne pouvaient bénéficier d’une chirurgie ou qui présentaient un risque chirurgical trop important. Ne faut-il pas maintenant inverser le paradigme et proposer en fonction de l’âge et des caractéristiques anatomiques, le TAVI en 1ère intention ?

Néanmoins, le manque de données à long terme, notamment sur la durabilité des bioprothèses implantées par voie percutanée, amène à rester prudent. L’âge du patient et son espérance de vie restent prépondérants dans le choix entre chirurgie et TAVI, mais aussi dans le choix du type de valve.

Références

  1. Cribier A, Eltchaninoff H, Bash A, Borenstein N, Tron C, Bauer F, et al. Percutaneous transcatheter implantation of an aortic valve prosthesis for calcific aortic stenosis: first human case description. Circulation. 2002 Dec 10;106(24):3006–8.
  2. Baumgartner H, Falk V, Bax JJ, De Bonis M, Hamm C, Holm PJ, et al. 2017 ESC/EACTS Guidelines for the management of valvular heart disease. Eur Heart J. 2017 Aug 26;38(36):2739–91.
  3. Mack MJ, Leon MB, Thourani VH, Makkar R, Kodali SK, Russo M, et al. Transcatheter Aortic-Valve Replacement with a Balloon-Expandable Valve in Low-Risk Patients. N Engl J Med. 2019 Mar 16;380(18):1695–705.
  4. Popma JJ, Deeb GM, Yakubov SJ, Mumtaz M, Gada H, O’Hair D, et al. Transcatheter Aortic-Valve Replacement with a Self-Expanding Valve in Low-Risk Patients. N Engl J Med. 2019 Mar 16;380(18):1706–15.
  5. Siontis GCM, Overtchouk P, Cahill TJ, Modine T, Prendergast B, Praz F, et al. Transcatheter aortic valve implantation vs. surgical aortic valve replacement for treatment of symptomatic severe aortic stenosis: an updated meta-analysis. Eur Heart J [Internet]. 2019 Apr 23 [cited 2019 May 22]; Available from: https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehz275
  6. Leon MB, Smith CR, Mack MJ, Makkar RR, Svensson LG, Kodali SK, et al. Transcatheter or Surgical Aortic-Valve Replacement in Intermediate-Risk Patients. N Engl J Med. 2016 Apr 2;374(17):1609–20.
  7. Reardon MJ, Van Mieghem NM, Popma JJ, Kleiman NS, Søndergaard L, Mumtaz M, et al. Surgical or Transcatheter Aortic-Valve Replacement in Intermediate-Risk Patients. N Engl J Med. 2017 Mar 17;376(14):1321–31.