Embolie pulmonaire et cancer : les recommandations changent

Mis à jour le jeudi 17 février 2022
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Alessandra Bura-Rivière

Pr Alessandra Bura-Rivière
Service de médecine vasculaire - CHU de Toulouse
Toulouse

 

(D’après la communication du Pr. I. Mahé (Paris) aux JESFC 2022)

Le nombre de patients atteints de cancer est en constante augmentation. Les traitements actuels, notamment la prise en charge chirurgicale et l’hormonothérapie, sont des facteurs pro-thrombotiques importants, qui viennent s’additionner au risque de maladie thromboembolique veineuse, véhiculé per se par le cancer.

La prise en charge de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) associée au cancer (cancer associated thrombosis, CAT) est actuellement envisagée en trois temps : la prévention, la thérapie des 6 premiers mois et le traitement au-delà de cette période.

Chez les patients oncologiques, le défi est double : il s’agit de patients à haut risque thrombotique, mais aussi à haut risque hémorragique, chez lesquels le choix du traitement anticoagulant et de sa durée constitue un moment crucial de la prise en charge.

Le traitement des premiers six mois de la CAT a été pendant longtemps basé sur les héparines de bas poids moléculaire (HBPM), car ces molécules ont montré une efficacité supérieure au traitement par HBPM-AVK dans la prévention des récidives de MTEV, fréquentes dans le contexte oncologique.

Les anticoagulants oraux directs (AOD) ont été évalués récemment dans la prise en charge initiale de la CAT. Trois études randomisées en ouvert ont comparé un AOD à la daltéparine. Il s’agit des études SELECT-D (rivaroxaban) HOKUSAI (edoxaban) et CARAVAGGIO (apixaban - Figure 1), qui présentent d’importantes différences en termes de critères d’inclusion et de méthodologie. Les trois études ont montré la non-infériorité de l’AOD par rapport à l’HBPM dans le risque de récidive de MTEV. Ces études ont aussi confirmé la présence d’un risque hémorragique important chez des patients avec une MTEV et un cancer, avec notamment un risque très élevé des patients avec un cancer digestif.

Figure 1: Etude CARAVAGGIO (Apixaban for the Treatment of Venous Thromboembolism Associated with Cancer. Agnelli G et al. N Engl J Med. 2020 Apr 23;382(17):1599-1607).
Pourcentage cumulé de patients avec une récidive de maladie thromboembolique veineuse (A) ou une hémorragie majeure (B).

La problématique de l’évaluation du risque hémorragique en cours de traitement anticoagulant n’est pas encore résolue, car nous ne savons pas bien identifier les patients les plus à risque. Les scores habituels de risque hémorragique ne sont pas très performants dans le cadre de CAT. Des scores spécifiques existent, mais ne sont pas validés. Une évaluation individuelle du risque de chaque patient reste donc nécessaire : elle est basée sur le type de tumeur (les cancers gastro-intestinaux et génito-urinaires sont les plus à risque), sur la persistance du cancer (une lésion non reséquée a plus de risque de saigner) et sur le type de traitement. Les premières études avec les AOD ont montré un risque hémorragique plus important qu’avec les HBPM chez les patients avec un cancer digestif. Cet effet n’a pas été montré avec l’apixaban dans l’étude CARAVAGGIO.

Dans le choix du traitement anticoagulant, on privilégiera une HBPM en cas de vomissement ou de problèmes d’absorption digestive. Les interactions médicamenteuses sont aussi habituellement prises en compte (les AOD sont métabolisés par le CYP450 et sont substrat de la PgP), même si on manque de données quant à leur relevance clinique.

Dans les nouvelles recommandations françaises, il est recommandé de traiter les patients atteints de cancer actif et d’une thrombose veineuse profonde proximale ou une embolie pulmonaire par une HBPM ou par apixaban (grade 1+) ou, en alternative, par rivaroxaban (grade 2+) en l’absence de cancer digestif ou urogénital. Ce traitement doit être poursuivi pendant les premiers 6 mois suivant le diagnostic.

Au-delà des 6 premiers mois, un traitement anticoagulant est recommandé, tant que le cancer est actif ou traité : une HBPM ou un AOD peuvent être choisis, en fonction de la tolérance du traitement pendant la phase initiale et les préférences du patient. L’étude APICAT actuellement en cours de recrutement (investigatrice principale : Pr MAHE) compare l’efficacité d’une dose réduite d’apixaban à une dose pleine dans la prévention des récidives de la thrombose associée au cancer.

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Actualités de la MTEV aux JE SFC 2022"

 

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Attention, cette publication a pour objectif de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi les données présentées seront susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne devront donc pas être mises en pratique. L’Alliance BMS/Pfizer n’est pas intervenue dans le choix et la rédaction des articles