Embolie pulmonaire – Quand proposer un traitement ambulatoire ?

Mis à jour le jeudi 17 février 2022
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Victor Aboyans

Pr Victor Aboyans
Chef du service de cardiologie au CHU de Limoges
Limoges

 

(D'après la présentation du Pr Pierre-Marie ROY (Angers) lors des JE SFC 2022)

La prise en charge ambulatoire (PECA) des patients ayant fait une embolie pulmonaire (EP) a été d’abord proposée dans les années 2000 par les Canadiens. Depuis, une trentaine d’études, majoritairement rétrospectives, incluant un total de plus 3 500 patients, rapportent des résultats probants, avec un taux de complications faible (récidives thrombo-emboliques 3,5 %, hémorragies majeures 1,15 % et décès 2,3 %). Cette « faisabilité » a poussé les recommandations internationales à proposer une PECA avec deux approches différentes :

  1. L’ESC a recherché à s’appuyer sur le faible risque de mortalité, avec notamment le score PESI ou PESI simplifié (sPESI – Tableau 1).
  2. De manière plus pragmatique, les recommandations américaines se sont basées sur les situations nécessitant une hospitalisation, résumées dans le score HESTIA (Tableau 2).
Paramètres Points
Age > 80 ans 1
Cancer 1
Insuffisance cardiaque ou maladie respiratoire chronique 1
Saturation en oxygène < 90% 1
Saturation en oxygène < 90% 1
Pression artérielle systolique < 100 mmHg  1
Tachycardie >110 bpm 1

Tableau 1 – Les critères de gravité sPESI (PESI simplifié).

1 Hémodynamique instable ?
2 Thrombolyse ou embolectomie nécessaire?
3 Saignement actif ou haut risque hémorragique?
4 Oxygénothérapie ?
5 EP diagnostiquée durant un traitement anticoagulant ?
6 Raison sociale ou médicale justifiant un traitement en milieu hospitalier ?
7 Nécessité d’un traitement antalgique intraveineux ?
8 Clairance de créatinine < 30mL/min ?
9 Insuffisance hépatique sévère ?
10 Femme enceinte ?
11 Thrombocytopénie ?
Si tous les critères sont absents : un traitement ambulatoire est envisageable.

Tableau 2 – Les critères HESTIA

L’étude HOME-PE s’est attachée à comparer ces deux approches sur près de 2 000 patients ayant une EP sans critères de gravité, recrutés dans 4 pays européens (26 centres). De manière randomisée, les médecins devaient utiliser, soit le sPESI, soit les critères HESTIA, pour décider d’une PECA des patients. À noter que si le médecin prenant en charge le patient n’était pas d’accord avec une PECA malgré un score à 0, il pouvait outrepasser le protocole et garder le patient.

L’objectif principal de l’étude était de démontrer la non-infériorité du score HESTIA par rapport au sPESI en termes de sécurité, cet objectif ayant été atteint.

Par contre, les investigateurs faisaient l’hypothèse que le score HESTIA aurait permis plus souvent une PECA par rapport à sPESI, mais cette hypothèse a été invalidée (PECA après HESTIA : 38 %, vs. 37 % après sPESI). Les investigateurs expliquent ceci par un excès de prudence dans certains centres non-habitués à la PECA de l’EP, avec pour preuve le fait que si 48 % des patients avaient un sPESI = 0, dans près d’un tiers des cas, le médecin a quand même préféré garder le patient en hospitalisation. Le pronostic dans les 2 bras était équivalent. La conclusion de cette étude était que le recours au score HESTIA ou sPESI, associé au jugement du médecin, permet avec sécurité de traiter 1/3 des patients avec EP en ambulatoire.

Cependant, les dernières recommandations de l’ESC ajoutent un élément complémentaire au sPESI ou HESTIA, avec la nécessité d’absence d’une dilatation du VD. Une méta-analyse récente sur 5 000 patients avec EP à faible risque, selon PESI, montre un sur-risque de mortalité à un mois (OR de 5,86) en cas d’une dilatation du VD (essentiellement par ETT). Il en va de même pour l’élévation du BNP ou de la troponine.

La question reste de savoir si, malgré tout, ces patients ne pourraient pas être traités en ambulatoire. Dans l’essai VESTA, les patients ont été randomisés pour décider le traitement ambulatoire selon les critères HESTIA vs. HESTIA + NTproBNP.

Dans le 2e bras, seuls 23 % des patients HESTIA-négatifs avaient un NTproBNP élevé, mais qu’ils soient traités en ambulatoire ou hospitalisés, il n’y avait aucune complication rapportée chez ces patients. Ainsi, chez des patients à faible risque, le dosage de Nt-proBNP ne semblait pas avoir d’impact sur la décision du mode de PEC du patient.

L’étude observationnelle HOPE va même plus loin, suggérant un excès de risque de mortalité chez les patients hospitalisés, après utilisation d’un score de propension pour rendre ces patients comparables à ceux ayant eu une PECA. Cette observation contre-intuitive nécessite néanmoins des études prospectives supplémentaires.

L’autre question est de connaître l’intérêt d’une équipe mobile spécialisée pour décider une PECA des patients avec EP. Récemment, Jimenez et al. ont proposé une étude comparant la prise en charge classique à celle impliquant une équipe spécifique, allant voir tout patient ayant un diagnostic d’EP dans les différentes structures où celui-ci était hospitalisé. Cette équipe proposait une PECA en cas de sPESI = 0, ou une hospitalisation de 24 heures et réévaluation pour ceux à risque intermédiaire-faible. Les patients à risque intermédiaire-fort étaient hospitalisés au moins 48 h avant réévaluation. Le résultat a été une réduction d’hospitalisation et des coûts dans le groupe géré par l’équipe mobile, sans aggravation du pronostic.

En conclusion, la prise en charge en ambulatoire d'une EP est possible, après avoir utilisé le score sPESI ou HESTIA, associé au jugement implicite du praticien. Les patients classés à risque intermédiaire faible avec dilatation du VD ou élévation des marqueurs peuvent être pris en charge en ambulatoire après 24 heures d’hospitalisation de précaution. Toutes les études ainsi que les recommandations proposant une PECA recommandent un suivi structuré dans les jours après la sortie, en revoyant les patients dans les 72 heures suivant leur départ (Figure 3).

Figure 3 – Prise en charge structurée de l’embolie pulmonaire, d’après les recommandations françaises de bonne pratique (Sanchez O. et al, Rev Mal Respir 2019).

CS : consultation spécialisée, ETP : Education thérapeutique, MT : médecin traitant.

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Actualités de la MTEV aux JE SFC 2022"

 

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Attention, cette publication a pour objectif de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi les données présentées seront susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne devront donc pas être mises en pratique. L’Alliance BMS/Pfizer n’est pas intervenue dans le choix et la rédaction des articles