ESC 2020 : essais consacrés à la prise en charge du contrôle du rythme ou de la fréquence dans la fibrillation atriale
Auteur :
Christophe Leclercq
Service de Cardiologie et Maladies Vasculaires, CHU Pontchaillou, Rennes
De nombreux essais cliniques ont été consacrés au traitement de la fibrillation atriale au cours du congrès de la société Européenne de cardiologie (ESC Congress 2020). Ces essais ont été présentés au cours de sessions live.
Étude EAST (Early Treatment of Atrial Fibrillation for Stroke Prevention Trial)
L'objectif était d'évaluer l'impact d’un contrôle du rythme précoce chez les patients en FA récemment découverte. Les patients avaient un score de CHA2DS2-VASc > 2 et une FA récente (< 1 an où première documentation par ECG).
Les patients ont été randomisés en deux bras :
- Bras intervention, contrôle du rythme précoce, soit par ablation, soit par anti arythmique ;
- Bras contrôle, avec contrôle de la fréquence incrémenté par un contrôle du rythme seulement chez les patients symptomatiques malgré un traitement contrôle optimal.
Le premier critère primaire d’évaluation est un critère composite comprenant décès cardiovasculaire, AVC, aggravation de l'insuffisance cardiaque ou syndrome coronarien aigu. Le second objectif primaire était le nombre de nuits passées à l'hôpital.
Ce sont 2790 patients qui ont été randomisés dans 11 pays, avec un âge moyen de 70 ans, un score CHADS2VASC2 moyen de 3,4. Dans un tiers des cas, il s'agissait de FA paroxystique, dans 38% des cas d’un premier épisode de FA et dans 26% des cas de FA persistante. Dans le groupe « contrôle de rythme précoce », seuls 8% des patients ont bénéficié d'une ablation à l'inclusion et 20% à deux ans.
Après un suivi moyen de 5 ans, on note une réduction significative du critère composite primaire de 21%, avec une réduction de la mortalité cardiovasculaire de 28%, des AVC de 35%, des hospitalisations pour insuffisance cardiaque de 19%, et des hospitalisations pour syndrome coronarien aigu de 17%.
En ce qui concerne le second critère primaire - le nombre de nuits passées à l'hôpital - il n'y avait pas de différence significative entre les 2 groupes.
En ce qui concerne la sécurité, le taux d'AVC était de 3% dans le groupe invasif contre 4,4% dans le groupe contrôle.
La mortalité était de 9,9% dans le groupe invasif et de 11,8% dans le groupe contrôle.
Pour conclure, le contrôle du rythme précoce réduit les événements cardiovasculaires chez les patients avec FA récente, sans augmentation du temps passé à l'hôpital. Il y a un peu plus d'effets secondaires dans le groupe invasif, notamment en raison de l'utilisation des drogues antiarythmiques.
Figure 1 : comparaison de l’attitude invasive avec la prise en charge conventionnelle sur le critère primaire d’évaluation
Étude RATE-AF
Le but de l'étude RATE-AF était de comparer la digoxine au traitement bêtabloqueur chez les patients en FA permanente. Les critères d'inclusion associaient âge > 60 ans et FA permanente en classe NYHA > 2. L'objectif primaire était la qualité de vie rapportée par les patients à 6 mois.
Il s'agit d'un essai randomisé incluant 160 patients (âge moyen 76 ans, 46% de femmes) répartis en deux groupes, 80 sous digoxine et 80 sous bêtabloquant, avec une durée de suivi de 12 mois.
Les résultats n'ont pas montré de différence pour le critère primaire, mais la digoxine permettait d’obtenir une amélioration de certains paramètres de qualité de vie à un an avec réduction plus importante de la classe NYHA et du taux de NT-pro BNP. Il y avait également un peu moins d'effets secondaires avec la digoxine par rapport aux bêtabloquants.
En conclusion, cette étude relance la digoxine comme traitement de choix pour le contrôle de la fréquence cardiaque chez les patients en FA permanente.
L’étude IMPACT-AFib
Cette étude menée dans la vraie vie aux USA avait pour but d'évaluer l’intérêt de l'envoi d'un e-mail expliquant les avantages et les risques des anticoagulants pour augmenter l'adhérence au traitement anticoagulant chez des patients en FA avec facteur(s) de risque thromboembolique.
L'objectif primaire était la différence de proportions de patients sous anticoagulant à un an.
Ce sont 23 000 patients, vierges de toute prescription d'anticoagulant, qui ont été inclus dans chaque bras avec un suivi 2+1 ans ; les patients avaient un risque thromboembolique élevé avec un score moyen de CHA2DS2-vasc à 4,5.
Il n'y a pas de différence à un an ce qui concerne la prise de traitement anticoagulant, avec une petite tendance à une augmentation de prise d’anticoagulant quelques jours après la réception du mail dans le groupe éducation. Cet effet s'estompant avec le temps.
Il n'y avait aucune différence entre les deux bras en ce qui concerne les complications hémorragiques ou thromboemboliques.
Cette étude va à l'encontre des résultats de l'étude IMPACT publiée il y a trois ans mais qui utilisait un matériel d'éducation plus sophistiqué (éducation des patients et de la famille, des médecins et des infirmières, plus un monitoring et un retour des patients non-adhérents). Cette étude avait montré que ce processus éducatif permettait de multiplier par 4 le nombre de patients suivant correctement le traitement anticoagulant.
Ainsi, l'étude IMPACT-AFib montre que l'éducation thérapeutique du patient doit cibler non seulement le patient mais aussi les médecins et la famille, et, de plus, être un processus répétitif dans le temps.
Étude STOP-AF
L’étude STOP-AF avait pour objectif de montrer que la cryoablation, qui permet une isolation des veines pulmonaires chez les patients avec FA paroxystique, permet de prévenir les récidives par rapport au traitement médical.
Les patients, avec FA paroxystique récidivante et naïfs de traitement antiarythmique, ont été randomisés dans le bras cryoablation ou le bras anti arythmique.
Le critère primaire de jugement à 12 mois associait échec de la procédure, récidive de tachycardie supraventriculaire ou nouvelle procédure d'ablation.
Le critère secondaire de sécurité associait survenue précoce d'un AVC, d'une hémorragie grave, d'un infarctus du myocarde < 30 jours, d'une péricardite < 1 an, d'une sténose symptomatique des veines pulmonaires, d'une fistule atrio-œsophagienne ou d'une lésion du nerf phrénique irréversible.
Ce sont 102 patients qui ont été inclus dans le programme cryoablation et 91 dans le bras antiarythmique.
On note une réduction significative des récidives de FA dans le bras cryoablation (25% vs. 45% dans le bras antiarythmique) à 12 mois. La majorité des patients (66%) traités par antiarythmiques recevait de la Flécaine.
Les complications sont rares notées chez 2% des patients dans le bras prévention (un infarctus du myocarde et une péricardite) et chez 1 patient du groupe antiarythmique (AVC).
La cryoablation en première ligne du traitement de la FA permet donc de réduire significativement les récidives à un an chez les patients avec FA paroxystique qui n'ont pas reçu d'antiarythmique. Le taux de complication est relativement faible. Cet essai de taille moyenne demande à être confirmé sur des échantillons plus large.
Le registre NAXOS
Le Pr. Danchin a présenté les données du registre français NAXOS centré sur les complications hémorragiques au sein d’une cohorte de 300 000 patients en FA et sous anticoagulants.
S’agissant d’un registre, les données démographiques ne sont pas strictement comparables dans tous les groupes (par exemple patients plus âgés dans le groupe AVK, score CHA2DS2-VASc plus élevé). Cependant ce registre de vraie vie montre des données très intéressantes sur les complications hémorragiques avec notamment un surrisque dans le groupe AVK par rapport aux anticoagulants directs.