Diagnostic et traitement de la carence en fer dans l'insuffisance cardiaque : Étude OFICSel du groupe de travail français sur l'insuffisance cardiaque

Pr Thibaud Damy
Spécialiste de l'insuffisance cardiaque, amyloïdologue
Créteil
D'après 'Diagnosis and Treatment of Iron Deficiency in Heart Failure: OFICSel study' by the French Heart Failure Working Group. Pezel T, Audureau E, Mansourati J and al - ESC Heart Fail. 2021 Apr;8(2):1509-1521.PMID: 33619905
Cette étude visait à évaluer la prévalence, les caractéristiques cliniques et l’application des recommandations de l'ESC pour le diagnostic de la carence martiale chez les patients atteints d'IC dans en pratique clinique en France.
Méthodes et résultats :
L’observatoire OFICSel a interrogé plus de 300 cardiologues français et l'étude a été réalisée en 2017.
Les critères d’inclusion étaient larges : tous patients hospitalisés pour IC au moins une fois au cours des 5 dernières années éligibles, ce qui permettrait de recueillir les informations sur un large panel de phénotype de patients : hospitalisés ou ambulatoire, ceux atteints d'IC aiguë et chronique et quelle que soit leur FEVG.
Les données ont été recueillies auprès de cardiologues et de patients à l'aide de deux questionnaires spécifiques à l'étude. Les données comprenaient des données démographiques et cliniques, ainsi que des données de prise en charge de l'IC et de la carence martiale.
Au total, 2 822 patients ont été inclus. Ils étaient majoritairement de sexe masculin (69,3 %) avec un âge médian de 69 ans (intervalle interquartile 58–78). La FEVG médiane était de 36 % (IQR, 29-50).
Sur les 2 680 patients disposant de données, 53,8 % avaient une FEVG altérée, 21,0 % une insuffisance cardiaque avec une fraction d'éjection moyennement réduite, et 25,2 % une insuffisance cardiaque avec une fraction d'éjection préservée.
427 (16,4 %) patients avaient été diagnostiqués d'IC au cours des 3 mois précédents. L’IC était aiguë chez 783 (27,7 %) patients et chronique stable chez 2 039 (72,3 %).
Un total de 1 075 patients (38,1 %) ont été testés pour la carence martiale, soit seulement 38,1 %.
Comparativement aux patients sans test de diagnostic de carence patients, les patients testés étaient plus jeunes, avaient plus fréquemment une cardiopathie ischémique (p = 0,027).
Il n'y avait aucune différence entre les groupes concernant la FEVG médiane (p = 0,723), le temps depuis la dernière décompensation (p = 0,507) et le diagnostic d'IC posé au cours des 3 mois précédents (p = 0,283).
Concernant la sévérité de la maladie, il n'y avait pas de différence entre les groupes pour le taux de classe NYHA III ou IV (p = 0,231), la concentration plasmatique médiane de NT-proBNP (p = 0,332) ou le taux d'utilisation de diurétiques (p = 0,117).
Les patients avec test de diagnostic de la carence martiale recevaient plus fréquemment des bêta-bloquants (p < 0,0001) et un traitement par antagoniste des récepteurs aux minéralocorticoïdes (p = 0,003) que les patients sans test diagnostic de la carence martiale.
Sur ces patients testés, 364 avaient une carence martiale avérée 33,9 %. Parmi ceux-ci, seuls 168 (46,2 %) ont reçu une supplémentation par ferrique, dont 128 (76,2 %) par voie intraveineuse et 40 par voie orale (23,8 %).
Parmi les 201 patients avec en IC à FEVG altérée ayant une carence martiale, 99 (49,3 %) ont reçu une supplémentation ferrique, dont 79 (79,8 %) par voie intraveineuse, et 20 (20,2 %) par voie orale.
Conclusions :
Dans la pratique clinique, seul un tiers des patients atteints d'IC ont eu un test diagnostique de carence martiale.
Les patients les moins testés semblent recevoir moins de traitement également de l’insuffisance cardiaque.
Chez les patients avec FEVG altérée et carence martiale, seuls 39,3 % ont reçu une supplémentation par voie intraveineuse, comme recommandé par l’ESC.
Le diagnostic et le traitement de la carence martiale semblent donc être insuffisants en vie réelle sur la période étudiée en France.
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