Diagnostic de la cardiomyopathie hypertrophique : pas toujours si facile !

Pr Gilbert Habib
Spécialiste des maladies des valves cardiaques
Hôpital de la Timone, Marseille
1. Quand faut-il penser au diagnostic de CMH ?
Le diagnostic de CMH peut être évoqué dans diverses circonstances : symptômes cardiaques (palpitations, dyspnée, précordialgies), découverte d’un souffle auscultatoire, bilan chez un sportif, devant une complication (embolie, trouble du rythme, mort subite) mais aussi lors d’un dépistage chez un apparenté asymptomatique. Des anomalies électrocardiographiques peuvent également faire suspecter une CMH (ondes Q de pseudo-nécrose, troubles de la repolarisation).
2. Quand parler de cardiomyopathie hypertrophique ?
La CMH est caractérisée par un épaississement anormal du myocarde, prédominant le plus souvent au niveau du septum interventriculaire, sans cause clinique décelable (pas d’HTA sévère, de sténose aortique serrée, …). On parle de CMH quand l’échocardiographie (ou l’IRM) montre l’épaississement d’une paroi myocardique (≥ 15 mm si cas sporadique ; ≥ 13 mm si contexte familial). Si la localisation septale asymétrique est la plus fréquente et la plus évocatrice d’une origine sarcomérique, les recommandations de l’ESC 2014 ont étendu le champ des CMH à toutes les cardiomyopathies hypertrophiques potentielles. En effet, l’hypertrophie peut présenter différentes localisations, septale, mais également apicale, ou concentrique. La figure 1 montre les localisations principales de l’hypertrophie (Figure 1).
Figure 1 : différentes formes et topographies des cardiomyopathies hypertrophiques
En haut, aspect échocardiographique, en bas : aspect IRM
VG : ventricule gauche, VD : ventricule droit, OG : oreillette gauche
3. L’obstruction au cœur du débat
La présence d’une obstruction intra-ventriculaire gauche est inconstante dans les CMH et permet d’opposer les formes obstructives (CMHO) et non obstructives. L’obstruction peut être présente à l’état basal, ou n’apparaître que lors de la manœuvre de Valsalva, ou pendant ou après l’effort. Une obstruction est définie comme un gradient maximal instantané sous-aortique > 30 mmHg au repos, ou après manoeuvre provocatrice, et hémodynamiquement significative au-delà de 50 mmHg. Cette obstruction sous-aortique est fortement corrélée aux symptômes et doit être recherchée de façon rigoureuse, car elle est la cible des principales thérapeutiques de la CMHO (bétabloquants, alcoolisation septale, chirurgie de réduction septale, et bientôt de nouvelles molécules comme les inhibiteurs sélectifs de la myosine (Figure 2).
Figure 2 : régression de l’obstruction intra-ventriculaire gauche mesurée au doppler continu après alcoolisation septale
4. Les situations diagnostiques difficiles
- Certains pièges diagnostiques sont facilement évités, faux tendons surestimant la mesure de l’épaisseur septale, membrane sous-aortique, par exemple. L’ETO et l’IRM peuvent aider en cas de doute.
- Certaines localisations de l’hypertrophie, antéro-basale, ou apicale, ne sont parfois pas clairement visualisées par l’échocardiographie conventionnelle. L’échocardiographie de contraste peut être utile dans ce dernier cas.
- La différenciation d’une CMH avec un cœur d’athlète est également parfois difficile. Différents paramètres échocardiographiques ou IRM permettent en général de trancher. L’étude des déformations myocardiques (strain) en ETT apporte des arguments supplémentaires.
- Dans tous les cas, la combinaison des données de l’échocardiographie et de l’IRM est fondamentale, surtout dans le cas douteux.
Conclusion
L’échocardiographie reste l’outil majeur, mais une IRM doit être pratiquée également devant toute CMH au moins lors de son bilan initial. L’existence d’une obstruction intraventriculaire gauche doit être recherchée de façon soigneuse, à la fois à titre diagnostique et pronostique, et pour l’évaluation de la réponse au traitement.
Référence :
- Elliott PM, Anastasakis A, Borger MA, Borggrefe M, Cecchi F, Charron P, Hagege AA, Lafont A, Limongelli G, Mahrholdt H, McKenna WJ, Mogensen J, Nihoyannopoulos P, Nistri S, Pieper PG, Pieske B, Rapezzi C, Rutten FH, Tillmanns C, Watkins H. 2014 ESC Guidelines on diagnosis and management of hypertrophic cardiomyopathy: the Task Force for the Diagnosis and Management of Hypertrophic Cardiomyopathy of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J. 2014;35:2733-79.
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