Diabète, état pré-diabétique et maladies cardiovasculaires : présentation détaillée des recommandations ESC par le Pr. Ariel Cohen (Paris, France)
Auteur :
Pr Ariel Cohen
Chef de Service de Cardiologie
Hôpitaux Universitaires Paris-Est
En direct de l'ESC Congress 2019
Les recommandations sur la prise en charge de la prévention des complications cardiovasculaires du diabète étaient attendues tant la présentation que le texte, très complet qui a été proposé et publié.
Il s’agissait donc d’une mise à jour des recommandations précédentes publiées en 2013, et la présentation est particulièrement facile à lire, puisqu’une comparaison des recommandations et du niveau de preuve à l’aide d’un code couleur a été proposée, soulignant à nouveau l’importance du contrôle de l’hyperglycémie, des paramètres lipidiques et des facteurs de risque cardiovasculaire associés.
Sans entrer dans le détail des évolutions des recommandations, il faut retenir quelques points qui portent par exemple sur la prescription de la metformine chez les patients diabétiques qui ne doit être envisagée que chez les patients en surpoids ayant un diabète de type 2, à risque cardiovasculaire modéré ou nul. La revascularisation myocardique doit répondre aux standards de la prise en charge d’un patient non diabétique, alors que dans les recommandations 2013, les stents actifs étaient recommandés de façon préférentielle chez les patients diabétiques. De même, les indications d’angioplastie coronaire ont été élargies et concernent dorénavant non seulement les patients mono ou bitronculaires, avec ou sans atteinte de l’interventriculaire antérieure mais également les patients porteurs de lésions tritronculaires ou intéressant le tronc commun de la coronaire gauche. Seuls les patients ayant des lésions coronaires tritronculaires, mais dont la complexité lésionnelle est intermédiaire ou élevée seraient considérés pour une revascularisation chirurgicale. En cas de FA paroxystique ou persistante, la préférence pour les AOD en première intention est confirmée alors qu’il était considéré que l’indication entre ces deux classes d’anticoagulants oraux est d’indication équivalente. Il se confirme ainsi qu’il est considéré que les AOD doivent être considérés comme la première ligne du traitement anticoagulant de prévention du risque thromboembolique artérielle dans la FA.
Outre, cette mise à jour des recommandations et du niveau de preuve pour les différents items cités, des recommandations nouvelles ont été proposées et concernent l’évaluation du risque cardiovasculaire, la prévention vasculaire, les modalités de contrôle de l’hyperglycémie et des co-facteurs de risque ainsi que la place des « nouveaux » antidiabétiques oraux.
L’évaluation du risque cardiovasculaire repose sur l’ECG de repos, recommandé chez les patients diabétiques ayant une HTA ou une suspicion de maladie cardiovasculaire (recommandations niveau I) ; l’exploration ultrasonore carotide ou fémorale devrait être envisagée pour la détection des plaques chez les patients diabétiques ‘recommandations IIA) ; en revanche, l’indication d’un scanner coronaire ou d’une imagerie coronaire fonctionnelle, la détermination du score calcique ou encore l’index cheville-bras ne sont proposés dans la stratification du risque cardiovasculaire qu’avec un niveau de recommandation IIB.
La confirmation de l’intérêt d’une double anti-agrégation plaquettaire (DAPT) a été confirmée avec une indication à prescrire cette association au-delà de 12 mois dans les 3 ans suivant leur introduction chez les patients diabétiques à très haut risque cardiovasculaire qui ont toléré la DAPT sans complication hémorragique majeure. Le point important de cette nouvelle mouture des recommandations 2019 porte sur la place des antidiabétiques oraux d’introduction récente. Ainsi, les inhibiteurs SGLT2, empagliflozine, canagliflozine ou dapagliflozine, lorsqu’ils sont disponibles, sont recommandées chez les patients ayant un diabète de type 2 et une maladie cardiovasculaire ou à très haut risque cardiovasculaire afin de réduire les évènements cardiovasculaires comme cela a été montré dans les essais cliniques portant sur ces différentes molécules. L’empagliflozine est recommandée chez les diabétiques de type 2 ayant une maladie cardiovasculaire afin de réduire la mortalité. Les agonistes GLP-1, le liraglutide, semaglutide et le dulaglutide, lorsque ces molécules sont disponibles, sont recommandés chez les diabétiques de type 2 et une maladie cardiovasculaire avérée ou à très haut risque cardiovasculaire car réduisant les évènements cardiovasculaires. Le liraglutide est recommandé chez les diabétiques de type 2 ayant une maladie cardiovasculaire avérée ou à très haut risque vasculaire car réduisant la mortalité. Enfin, un chapitre important concerne le traitement de l’insuffisance cardiaque ou la prévention de ce risque chez les patients diabétiques, indépendamment de la présentation récente de l’étude DAPA-HF qui a fait l’objet d’une présentation en hotline. Le traitement de l’insuffisance cardiaque avérée lié à une réduction de la fraction d’éjection ventriculaire gauche bénéficie d’un traitement par défibrillateur et/ou CRT, lorsque l’indication est retenue conformément aux recommandations dans l’insuffisance cardiaque. L’association sacubitril/valsartan est préférée aux IEC chez de tels patients qui restent symptomatiques malgré un traitement par IEC, bêtabloquant et antagoniste des récepteurs aux minéralo-corticoïdes. Enfin, le pontage aortocoronaire est recommandé dans l’insuffisance cardiaque à FEVG altérée et chez les diabétiques porteurs de lésions coronaires bi ou tritronculaires et il s’agit dans les 3 cas de recommandations de niveau I. La prévention du risque cardiovasculaire chez les diabétiques repose principalement sur la prescription des inhibiteurs SGLT2 lorsqu’ils sont disponibles, empagliflozine, canagliflozine ou dapagliflozine, car il a été montré une réduction du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Enfin, quelques recommandations et informations concernaient également les patients porteurs d’une insuffisance rénale chronique et là encore il a été recommandé (niveau I) que les inhibiteurs SGLT2 lorsqu’ils sont disponibles pour réduire l’évolution de l’altération de la fonction rénale chez les patients insuffisants rénaux chroniques.
Cette mise à jour des recommandations de la prévention du risque cardiovasculaire chez les diabétiques permet donc d’adapter les modalités de prise en charge en fonction de la sévérité de la maladie diabétique sous-jacente et du risque cardiovasculaire et il est enfin possible de réduire le risque cardiovasculaire en utilisant de façon raisonnable et argumentée les antidiabétiques oraux en sachant que le metformine n’est plus considérée comme une molécule hypoglycémiante à privilégier dans le contexte du risque cardiovasculaire ou a fortiori de la maladie cardiovasculaire avérée.
Pour en savoir plus, consultez la présentation détaillée proposée par le Collège des Cardiologues en Formation (CCF).