Comment supplémenter en fer un patient insuffisant cardiaque avec fonction systolique altérée ou modérément altérée ?

Auteur:
Dr Anne-Céline Martin
Unité Médico-Chirurgicale d’Insuffisance Cardiaque Sévère (UMICS)
Hôpital Européen Georges Pompidou
Paris

Auteur :
Dr Marie-Cécile Bories
Innovations thérapeutiques en Hémostase INSERM UMRS_1140 – Paris
Unité INSERM U970 - Paris
D’après les dernières recommandations de l’ESC 2021, tout patient insuffisant cardiaque (IC) doit bénéficier d’un dépistage systématique et périodique d’une carence martiale, définie par une ferritinémie < à 100 mg/L ou une ferritinémie entre 100 et 299 mg/L et un coefficient de saturation de la transferrine < 20%. Après avoir en avoir éliminé une cause spécifique (inflammatoire, néoplasique, hémorragique), les recommandations indiquent de corriger la carence martiale chez tout patient IC symptomatique avec une FEVG <45% pour diminuer les symptômes et améliorer la capacité d’effort et la qualité de vie (IIa, A), et chez ceux avec une FEVG <50% pour réduire le risque d’hospitalisation pour IC (IIa, B) après une récente hospitalisation (1).
L’ESC recommande l’administration parentérale de fer injectable. La HAS qui préconisait jusqu’en 2019 une supplémentation orale privilégie aujourd’hui également la voie intraveineuse suite aux résultats de l’étude IRONOUT HF démontrant l’inefficacité de la voie orale chez l’IC, harmonisant ainsi les pratiques françaises et européennes (2,3).
Seul le fer injectable a été évalué spécifiquement dans cette indication. C’est un nano-médicament non biologique complexe complexe élaboré selon un procédé de fabrication spécifique et conçu pour délivrer le fer de manière contrôlée aux protéines d’intérêt, la transferrine pour son transport et la ferritine pour son stockage. Il est composé d’un noyau en fer (oxydant et toxique à l’état libre) entouré d’une enveloppe de protection formée d’hydrates de carbone.
Il s'agit d'un médicament de la réserve hospitalière. Il doit être prescrit par un spécialiste hospitalier et administré dans un milieu sécurisé équipé d’un chariot d’urgence en raison du risque de réaction anaphylactique, attribué à l’enveloppe d’hydrates de carbone. Il peut donc être administré en ambulatoire. Un état des lieux récent rapporte qu’il est délivré principalement en hospitalisation (79%) mais aussi en hôpital de jour (17%) et plus rarement en soins de suite réadaptation (3%) et en HAD (1%) (4).
La dose recommandée est adaptée au poids et à l’hémoglobine (Table 1). La dose maximale est de 1000 mg de fer par injection et par semaine (Table 2). Une seule injection ou deux injections à une semaine d’intervalle suffisent le plus souvent à restaurer les réserves en fer chez la plupart des patients. La perfusion doit être lente sur au moins 15 minutes (préférer 30 minutes) et une surveillance de 30 minutes est recommandée à la fin de la perfusion pour dépister les réactions anaphylactiques. Les plus à risque sont les sujets ayant des allergies connues, un terrain atopique ou souffrant de maladies immunitaires (lupus, polyarthrite rhumatoïde), et ces éléments sont à rechercher à l’interrogatoire.
Table 1
Table 2
Les autres effets indésirables fréquents à surveiller sont les rougeurs au point d’injection et l'extravasation au site d'administration qui peut provoquer une irritation de la peau et une coloration brune indélébile causant au patient un préjudice esthétique. Le médecin a l’obligation de déclarer à la pharmacovigilance tout événement indésirable.
Les élément cliniques et techniques à surveiller, les informations à notifier dans le dossier médical et l’information à délivrer au patient avant l’administration du traitement sont représentés Table 3.
Table 3
L’administration intraveineuse permet une augmentation rapide de la concentration en fer. Après supplémentation, l’efficacité de la supplémentation s’évalue sur la correction des paramètres biologiques par exemple à 3 mois puis tous les ans. Une nouvelle administration est recommandée selon le schéma posologique initial en cas de persistance d’une carence martiale, après en avoir recherché et éliminé une autre cause.
Références
(1) McDonagh T, Metra M, Adamo M 2021 ESC Guidelines for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure: Developed by the Task Force for the diagnosis and treatment of acute and chronic heart failure of the European Society of Cardiology (ESC) With the special contribution of the Heart Failure Association (HFA) of the ESC. European Heart Journal, ehab368, https://doi.org/10.1093/eurheartj/ehab368
(2) Lewis GD, Malhotra R, Hernandez AF. Effect of Oral Iron Repletion on Exercise Capacity in Patients With Heart Failure With Reduced Ejection Fraction and Iron Deficiency: The IRONOUT HF Randomized Clinical Trial. JAMA. 2017 May 16;317(19):1958-1966.
(3) Recommandation de la HAS 2019 https://www.has-sante.fr/jcms/c_2968708/fr/ferinject-synthese-ct16716.
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "La carence en fer de l’insuffisant cardiaque : pourquoi, pour qui et comment ?"