Comment interpréter les résultats d’une scintigraphie osseuse réalisée devant une suspicion d’amylose cardiaque ?

Mis à jour le mardi 21 juin 2022
dans
Hyafil

Pr Fabien HYAFIL
Chef de Service de Médecine Nucléaire
Paris

La présence d’une fixation des radiotraceurs osseux dans le myocarde chez les patients avec une amylose cardiaque a été décrite depuis plus de 20 ans. Le mécanisme de fixation des radiotraceurs osseux dans le cœur amyloïde reste en revanche encore non élucidé.

En 2005, une équipe italienne a évalué plus précisément l’intensité de la fixation des radiotraceurs osseux dans le myocarde en fonction du type d’amylose. Dans ce travail, l'équipe Perugini E, et al.a aussi développé un score semi-quantitatif visant à garder simplement l’intensité de la fixation du traceur osseux dans le myocarde. Ce score a pris le nom de la première auteure de l’étude, Enrica Perugini, et est depuis largement utilisé pour l’analyse des scintigraphies osseuses à la recherche d’une amylose cardiaque.

Le score de Perugini comporte quatre grades (Figure 1) :

  1. le grade 0 correspond à l’absence de fixation cardiaque du traceur ;
  2. le grade 1, à une fixation cardiaque faible inférieure au signal des côtes ;
  3. le grade 2, à une fixation cardiaque équivalente au signal des côtes ;
  4. le grade 3, à une fixation cardiaque supérieure au signal des côtes associée à une diminution de la fixation globale osseuse du traceur2 

Figure 1. Classification de l’intensité de la fixation des traceurs osseux en scintigraphie suivant le score de Perugini sur des images planaires 2D (rangée supérieure) et en reconstruction SPECT 3D (rangée inférieure). 

 

La scintigraphie osseuse à la recherche d’une amylose cardiaque est un examen simple à réaliser : elle ne nécessite pas de préparation spécifique des patients avant l’examen et présente peu de contre-indications (grossesse, femme allaitante).

L’imagerie scintigraphique est en général réalisée 2 à 3 heures après l’injection intraveineuse du radiotraceur osseux (des bisphosphonates radio-marqués au 99 m-Technetium) et comporte une acquisition planaire (projection 2D) du corps entier, complétée si besoin par une acquisition SPECT-CT (imagerie 3D) centrée sur le cœur.

Certains centres proposent de réaliser des acquisitions plus précoces, 15-20 minutes après l’injection du traceur pour raccourcir la durée de l’examen, mais il est dans ce cas nécessaire de réaliser systématiquement une acquisition SPECT-CT pour différencier une fixation myocardique du traceur du signal sanguin résiduel dans les cavités cardiaques.

Le compte-rendu d’une scintigraphie osseuse réalisée pour une suspicion d’amylose cardiaque doit impérativement inclure la quantification du signal suivant le score de Perugini, car ce score est ensuite utilisé pour évaluer la probabilité d’amylose cardiaque ATTR.

Dans les grades 2 et 3 de Perugini, une amylose cardiaque ATTR est très probable, mais ce signal peut aussi être détecté dans de rares cas dans les amyloses AL. Il est donc d’important d’exclure en parallèle une amylose AL car le traitement de ces deux formes d’amyloses est très différent.

Dans une analyse multicentrique avec 374 patients3, les performances diagnostiques de la scintigraphie cardiaque avec traceurs osseux ont été comparées aux résultats de la biopsie myocardique pour le diagnostic d’amylose cardiaque ATTR. Après exclusion d’une amylose AL par recherche de chaînes légères d’immunoglobulines, la spécificité de la scintigraphie osseuse pour le diagnostic d’amylose cardiaque ATTR est de 100 % lorsque l’intensité de fixation des traceurs osseux dans le cœur est de grades 2 ou 3 de la classification de Perugini. Le diagnostic est donc certain.

En revanche, dans les grades 1 de la classification de Perugini, le diagnostic d’amylose est très probable, mais la scintigraphie ne permet pas de différencier une amylose ATTR d’une amylose AL. Le diagnostic est considéré comme douteux et nécessite des explorations complémentaires.

En l’absence de fixation du traceur osseux (grade 0 de la classification de Perugini), la probabilité d’une amylose cardiaque ATTR est faible mais ne peut pas être formellement exclue. En effet, la sensibilité de la scintigraphie cardiaque osseuse est plus faible dans les formes précoces et modérées d’amylose cardiaque ATTR héréditaire, ainsi qu’en présence de certaines mutations du gène ATTR (par exemple, Phe64Leu or Ser97Tyr). Il est conseillé de poursuivre les explorations s’il existe des arguments cliniques et d’imagerie échographique ou IRM très évocateurs d’amylose cardiaque, même si la scintigraphie osseuse cardiaque est négative.

En résumé, une fixation cardiaque de radiotraceurs osseux de grades 2 ou 3 de Perugini en scintigraphie associée à l’absence de sécrétion de chaines légères d’immunoglobulines permet d’établir de manière non invasive certaine le diagnostic d’amylose cardiaque ATTR.

En présence d’un faisceau d’arguments cliniques et d’imagerie (échographie ou IRM) évocateurs d’amylose cardiaque, la prescription d’une scintigraphie osseuse doit donc être envisagée largement afin d’identifier de manière simple, précoce et efficace les patients présentant une amylose cardiaque ATTR pouvant bénéficier de l’introduction d’un traitement spécifique de leur maladie.

Références 

  1. Perugini E, et al.1 J Am Coll Cardiol. 2005 Sep 20;46(6):1076-84. doi: 10.1016/j.jacc.2005.05.073
  2. Hyafil F, Lairez O. Médecine Nucléaire. 2021. 45; 2 : 93-7. Doi : 10.1016/j.mednuc.2020.11.001
  3. Gillmore JD, et al. Circulation. 2016. 14;133:2404-12. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.116.021612

 

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Amylose cardiaque : approche diagnostique initiale"

 

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