Comment faire le diagnostic de myocardite sous immunothérapies ?

Mis à jour le mardi 27 septembre 2022
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Franck Thuny

Pr Franck THUNY
Membre du CoDIR du GCO
Marseille

Diagnostic de la myocardite sous "immune checkpoint inhibitors"

La myocardite sous ICIs est une nouvelle entité dont les caractéristiques cliniques, biologiques et d’imagerie diffèrent de celles des myocardites virales. Elle survient le plus souvent dans les 3 premiers mois suivant l’instauration de l’immunothérapie.

Son diagnostic étant complexe, les guidelines recommandent d’utiliser la définition de la Société Internationale de Cardio-Oncology (IC-OS) en pratique clinique (Tableau 1). Elle est basée, soit sur un diagnostic de certitude histologique dérivé d’une biopsie endomyocardique, soit sur l’association d’une élévation du taux de troponine et d’un critère majeur, ou deux mineurs, après avoir éliminé une autre cause (notamment un syndrome coronarien aigu) (Tableau 1).

Examen Critère en faveur du diagnostic
Biopsie endomyocardique Infiltrat lymphocytaire et nécrose myocytaire
Diagnostic clinique Elévation de la troponine (significative ou comparativement au niveau avant administration de l’ICI) associé à un critère majeur ou 2 critères mineurs après élimination d’un diagnostic différentiel (SCA, STT, métastase cardiaque)
  Critère majeur : Critères IRM selon Lake Louise modifié
  Critères mineurs :
Présentation clinique (Fatigue, myalgie, douleur thoracique, diplopie, ptosis, dyspnée, orthopnée, OMI, syncope, fatigue, musculaire, choc cardiogénique, Arrêt cardiaque)
Trouble du rythme ventriculaire et / ou de la conduction
Autre atteinte immunodiée parmi myosite, myopathie, syndrome de  myasthenie gravis like
Altération ou dégradation de la FEVG, avec ou sans anomalies de la cinétique segmentaire, non évocateur d’un syndrome de tako-tsubo.
IRM suggestive du diagnostic : Présence d’une modification  du T1 ou du T2 en faveur d’une inflammation myocardique en présence d’une présentation clinique compatible
Sévérité de la myocardite

Fulminante : Instabilité hémodynamique, insuffisance cardiaque  nécessitant une ventilation non invasive ou invasive, BAV de haut degré ou BAV complet et / ou trouble du rythme ventriculaire

Non-fulminante : incluant les patients symptomatiques mais hémodynamiquement stable et sans TDR ventriculaire et les découvertes chez des patients présentant un autre effets indésirables immun0 médiées

Forme réfractaire aux corticosteroides : absence de résolution ou aggravation de la symptomatologie clinique ou élévation persistante de la troponine malgré de forte dose de corticosteroides

Tableau 1 : Critères diagnostiques des myocardites sous IMT selon ESC 2022
C Tn : troponine US I ou T 
D’après Lyon AR, et al. "2022 ESC Guidelines on cardio-oncology developed in collaboration with the European Hematology Association (EHA), the European Society for Therapeutic Radiology and Oncology (ESTRO), and the International Cardio-Oncology Society (IC-OS)". Eur Heart J. 2022 Aug 26:ehac244. doi: 10.1093/eurheartj/ehac244. Epub ahead of print. PMID: 36017568

En pratique quotidienne, le diagnostic ou la suspicion de myocardite sous ICI est portée par l’oncologue en charge du patient. Le degré de suspicion doit être élevé face à un patient présentant des signes cliniques attirant l’attention sur l’appareil cardio-vasculaire, tels qu’une douleur thoracique, une dyspnée d’apparition récente, une lipothymie ou une syncope. Aucun de ces signes n’est spécifique ni sensible, surtout dans le contexte d’un patient atteint de cancer.

Le diagnostic doit être aussi évoqué ou suspecté chez un patient ne présentant pas de symptomatologie cardio-vasculaire mais présentant des signes et symptômes évoquant un évènement immunomédié, tels qu’une hépatite, une myosite, un ptosis.

Dès la suspicion clinique, un ECG et un dosage de la troponine I ou T doivent être réalisés, et le patient adressé en milieu cardiologique pour y assurer la surveillance et la réalisation rapide des examens permettant un diagnostic rapide.

La démarche diagnostique repose sur la réalisation d’examens de 1ère ligne comportant une ETT, qui permet surtout d’éliminer un diagnostic différentiel (épanchement péricardique, anomalies de la cinétique segmentaire, métastases cardiaques), une coronarographie, pour éliminer une occlusion coronaire, et une IRM cardiaque, analysée selon les critères de lake louise modifiés (T1, T2, ECV rehaussement tardif).

La biopsie endomyocardique pourra être proposée et réalisée dans un centre d’expertise lorsque le diagnostic n’aura pu être porté au terme de la réalisation des examens de 1ère ligne.

 

Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "L’essentiel des recommandations ESC 2022 en cardio-oncologie par le groupe de cardio-oncologie de la SFC"