Carence martiale et grandes études : effets sur le pronostic

Auteur :
Pr Alain Cohen Solal
Cardiologue
Hôpital Lariboisière, Paris
Le traitement de la carence martiale par du fer IV a une recommandation de niveau élevé dans les dernières recommandations européennes. Ceci tient aux effets du traitement sur des critères forts de pronostic. Plusieurs études avaient bien montré des effets très bénéfiques sur la tolérance à l’effort, les symptômes et la qualité de vie.
L’étude princeps FAIR-HF n’avait évalué que des critères intermédiaires.
C’est en fait l’étude CONFIRM-HF qui a été l’étude la plus intéressante à cet égard. Cette étude répliquait globalement l’étude FAIR-HF tant en ce qui concerne la méthodologie que les résultats. CONFIRM-HF a inclus plus de 300 patients en insuffisance cardiaque chronique stable avec FEVG < 40% et carence martiale définie comme dans FAIR-HF (ferritine < 100 microg/L ou entre 100 et 299 mais avec une saturation de la transferrine (TSAT)< 20%). On retrouvait en critère secondaire une réduction de 61% des réhospitalisations pour insuffisance cardiaque sans différence significative sur la mortalité. Ceci a permis de soulever l’hypothèse que la correction de la carence martiale n’était pas bénéfique qu’au niveau des seuls muscles périphériques ; mais aussi au niveau du cœur. Et depuis quelques années, plusieurs études expérimentales ou humaines ont montré un effet positif de la correction de la carence martiale au niveau de l’énergétique du myocarde, de la contraction, de la relaxation ventriculaire mais aussi au niveau de la fraction d’éjection ventriculaire en IRM.
Il faut toutefois noter que cet effet n’a pas été retrouvé mais l’effectif de l’étude était insuffisant pour évaluer les effets sur le pronostic. Dans EFFECT-HF, on notait aussi une baisse du NT-proBNP par rapport au groupe contrôle.
Diverses méta analyses réalisées avec le fer carboxymaltose (FCM) IV avaient permis de retrouver de fait une réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, mais pas de réduction de la mortalité cardiovasculaire ou globale.
Cet effet bénéfique sur les réhospitalisations a été confirmé de belle manière l’an dernier par l’étude AFFIRM-HF qui montrait une réduction très significative des réhospitalisations sans effet sur la mortalité cardiovasculaire. Mais il s’agissait d’une étude réalisée dans l’insuffisance cardiaque aiguë décompensée où le FCM IV était injecté en fin d’hospitalisation, à la différence de FAIR-HF et CONFIRM-HF qui étaient réalisées dans l’insuffisance cardiaque chronique stable.
Depuis se pose la question des effets du fer injectable dans d’autres populations. Une étude à large échelle est en cours dans l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée. Deux études visant à évaluer les effets sur la mortalité sont également en cours. FAIR-HF 2 doit inclure plus de 1200 patients avec une évaluation de la morbi-mortalité à 12 mois; HEART-FID a inclus plus de 3 000 patients recevant du FCM ou un placebo et le critère principal d’évaluation est la morbi-mortalité à 12 mois ; IRONMAN sera réalisé sur plus de 1300 patients avec du fer isomaltoside. Le critère principal est également la morbi-mortalité à 2,5 ans.
Quoi qu’il en soit, d’une part du fait de l’importance de la prévalence de la carence martiale (30-50% dans l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite, au moins autant dans l’insuffisance cardiaque à FEVG conservée ; et entre 50 et 70% dans l’insuffisance cardiaque décompensée), d’autre part du fait des effets bénéfiques sur les symptômes et la qualité de vie, les effets sur le pronostic peuvent être vus comme accessoires. Ce qui justifie la place reconnue au Fer IV dans les recommandations européennes de 2021.
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "La carence en fer de l’insuffisant cardiaque : pourquoi, pour qui et comment ?"
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