COVID-19 et embolie pulmonaire

Pr Victor Aboyans
Chef du service de cardiologie au CHU de Limoges
Limoges
(D’après les communications aux JESFC 2022 de V. Olié, J. Emmerich et A. Trimaille.)
L’association entre une infection au COVID-19 et les évènements thrombo-emboliques veineux (ETEV) a été rapidement rapportée dès les premières semaines de l’épidémie, avec une première méta-analyse en 2020 rapportant une incidence de 12 % de TVP et 7 % d’EP chez les patients hospitalisés. Le taux d’ETEV était bien plus élevé lors d’une recherche systématique (33 % vs 9 % d’ETEV cliniques) et chez les patients en réanimation (28 % vs. 7 % chez les patients hors réanimation).
En France, selon les données nationales du SNDS, parmi les 287 638 patients hospitalisés en 2020 pour COVID, 5,2 % avaient une ETEV, avec une EP dans 3,6 % des cas. Parmi les 42 000 patients en réanimation, la prévalence d’ETEV était de 13 % (EP 8,5 %). Les hommes, l’âge avancé et la présence de comorbidité ou d’antécédent d’ETEV étaient associés à un risque plus élevé d’ETEV.
La prévalence a été la plus forte lors de la première vague, avec une remontée bien plus faible lors de la 2e vague, soulignant les résultats d’une prise en charge plus adaptée. Lors de la 1e vague, 58 % des EP étaient en réanimation, vs 17 % lors de la 2e vague. Avoir une EP était associé à un risque x 3,6 de passer en réanimation. La présence d’une EP était associée à une surmortalité à 30 jours (29,6 %). L’EP était un facteur indépendant de risque de mortalité lors d’une hospitalisation en réanimation.
Concernant le risque de thrombose après vaccination anti-COVID, le taux d’évènements indésirables est de 0,1 %, dont 24 % d’évènements graves. Les complications thrombotiques, associées à une thrombopénie, ont été d’abord rapportées en 2021 en Norvège (5 patients) et en Allemagne (11 patients), notamment sous Vaxzevria (AstraZeneca), avec des cas graves de thrombose veineuse cérébrale et/ou splanchnique. Chez ces patients, des anticorps anti-PF4 ont été retrouvés (semblable à la thrombopénie induite par l’héparine), nécessitant une prise en charge avec immunoglobulines IV, une corticothérapie et une anticoagulation en évitant l’héparine, mais plutôt un AOD, l’argatroban, la bivalirudine voire fondaparinux. L’incidence est estimée entre 1/50 000 et 1/100 000. En France, une trentaine de cas ont été colligés. Compte tenu de la fréquence d’évènements thrombo-emboliques, le rapport de causalité avec toute vaccination ne peut être toujours affirmée.
Figure – Distribution mensuelle (%) des hospitalisations en France en 2020 pour embolie pulmonaire et/ou COVID-19. Modifié à partir de Tankere P et al. Respir Res. 2021;22(1):298.
Concernant de la prévention thrombo-embolique lors d’une hospitalisation pour COVID, les études chinoises ont rapidement rapporté l’intérêt du recours à l’héparine. L’anticoagulation préventive par HBPM a été rapidement recommandée par la suite. L’essai multicentrique iranienne INSPIRATION, comparant une dose standard par enoxaparine 40 mg/j à une plus forte dose de 1mg/kg/j, n’a pas retrouvé une meilleure efficacité de cette dernière. L’essai multi-plateforme REMAP-CAP, ACTIV-4a et ATTACC, a enrôlé 1 098 patients en réanimation/soins-intensifs et a comparé une anticoagulation préventive versus curative, retrouvant un peu moins de thromboses mais plus d’hémorragies. Les mêmes auteurs ont réalisé cette même étude chez des patients en hospitalisation conventionnelle, avec cette fois une supériorité de la stratégie curative (OR : 0.72, 0,53-0,98).
L’essai RAPID a inclus 465 patients hospitalisés pour COVID avec des d-dimères élevés, comparant une héparinothérapie à dose préventive vs curative. Le critère composite primaire (décès, ventilation mécanique ou admission en réanimation) était légèrement plus faible dans le bras curatif, sans atteindre le seuil de significativité (16,2 % vs. 21,9 % dans le bras préventif), mais la mortalité totale était significativement réduite (respectivement 1,8 % vs 7,6 %). Un dernier essai, HEP-COVID, a randomisé 257 patients hospitalisés pour COVID dans 12 centres américains. Les patients devaient avoir un taux de d-dimères > 4 x la normale ou une augmentation d’un score de risque. L’essai a comparé une dose thérapeutique d’HBPM (1 mg/kg x 2/jour) versus une dose préventive standard ou intermédiaire. Le critère de jugement principal, combinant décès ou une thrombose veineuse ou artérielle, a été significativement réduit dans le bras « dose thérapeutique » (RR 0,68 ; 0,49-0,96).
L’intérêt de l’héparine s’explique non seulement par son effet anticoagulant mais aussi parce qu’elle peut inhiber la synthèse de cytokines pro-inflammatoires (IL-8, IL-6, TNF-⍺), interférer avec l’adhésion et migration leucocytaire, et neutraliser les histones extracellulaires libérées, très étudiées dans l’infection au COVID-19. Un effet anti-viral direct serait également suggéré. D’ailleurs, l’essai ACTION a étudié l’intérêt du rivaroxaban vs. HBPM ou HNF chez 3 331 patients hospitalisés pour COVID et ayant des d-dimères élevés. Cet essai n’a pas retrouvé de réduction de risque thrombotique, mais un risque hémorragique plus élevé sous rivaroxaban. D’autres essais avec d’autres AOD sont en cours. Quant aux antiplaquettaires, les premières observations suggéraient un meilleur pronostic chez les patients qui étaient sous aspirine, mais l’essai RECOVERY comparant l’aspirine au contrôle, était négatif.
Chez les patients atteints de COVID, le risque hémorragique est également augmenté. Si le délai médian d’un évènement thrombotique est de l’ordre de 7 jours, il est de 11 jours pour les accidents hémorragiques. Ainsi, la thromboprophylaxie sera en particulier intéressante et efficace dans la période précoce de la maladie, expliquant ainsi sa meilleure efficacité hors réanimation.
En conclusion, une héparinothérapie à dose préventive est recommandée chez les patients hospitalisés pour COVID-19, avec peut-être, un intérêt pour une plus forte dose chez les patients hors réanimation. Chez les patients pris en charge en ambulatoire, le recours à une thromboprophylaxie est à discuter au cas par cas, notamment en présence de facteurs de risque de thrombose ou la nécessité d’un recours à l’oxygénothérapie.
Retrouvez l'intégralité du dossier spécial "Actualités de la MTEV aux JE SFC 2022"
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Attention, cette publication a pour objectif de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche ; ainsi les données présentées seront susceptibles de ne pas être validées par les autorités de santé françaises et ne devront donc pas être mises en pratique. L’Alliance BMS/Pfizer n’est pas intervenue dans le choix et la rédaction des articles