Ballons actifs : pas de changement de pratique

Publié le vendredi 24 mai 2019
dans
Nathalie Noirclerc
Collège des Cardiologues en Formation

Nathalie Noirclerc

Jeune cardiologue à la clinique Louis Pasteur Santé, Essey-lès-Nancy
Membre du Collège des Cardiologues en Formation

 

Cardio-online et le CFF à EuroPCR

La méta-analyse sur la sécurité des dispositifs avec substance active au paclitaxel comporte une méthodologie très discutable. Cependant, du fait de l’implication de la mortalité et du manque de données de qualité sur la sécurité à long terme, ses résultats ne peuvent pas être ignorés. Dans l’attente de résultats plus robustes, il n’existe à ce jour aucune preuve suffisamment forte justifiant de changer la pratique clinique actuelle.

Contexte

L’objectif de la méta-analyse menée par Katsanos et al. était d’évaluer la sécurité à long terme des dispositifs avec substance active au paclitaxel, incluant ballons actifs et stents actifs dans le traitement de l’artère fémorale superficielle et poplitée, pour claudication intermittente (89%) ou ischémie critique (1). Cette étude a analysé une large population issue de 28 essais randomisés (4663patients), dont 4 essais portants sur les stents actifs au paclitaxel.

Résultats principaux

Le message principal de cette étude était l’augmentation du risque de mortalité à 2 ans de l’angioplastie qui était de 68% et passait à 98 % entre 4 et 5 ans. Cependant, il existe des limites méthodologiques à ce travail :

  • Tout d’abord, il existe un biais d’attrition majeur. En effet, sur les 28 études incluses, seules 12 étaient analysées à 2 ans, et 3 entre 4 et 5 ans avec 163 patients, soit <20% du nombre de patients inclus initialement. Seulement 55% de ces patients entre 4 et 5 ans ont été traitées par ballon actif. Enfin, l’analyse n’a pas inclus les « perdus de vue », qui étaient en très grand nombre (28-35%).
  • Ensuite, les auteurs ont incriminé l’augmentation de la mortalité par la toxicité du paclitaxel sur la base d’une méta-régression.  Ils ont supposé que l’exposition moyenne au paclitaxel calculée pour chaque  étude (à partir de la moyenne de la largeur du vaisseau, de la moyenne de la longueur de lésion traité, et d’une dose constante pendant la durée moyenne de suivi) était reliée au risque absolu de décès toutes causes, ce qui semble très improbable. Si l’on s’intéresse à la pharmacocinétique de cette molécule, celle-ci est complexe et n’est pas constante au fil du temps. La forme cristalline du paclitaxel utilisée pour les ballons actifs ne se solubilise pas facilement. Il existe en fait un pic de concentration plasmatique suivi d’une diminution rapide qui devient indétectable après 30 heures, et le niveau tissulaire est bien en dessous du niveau de toxicité.

 

Risque de mort

Discussion

Ces résultats ont engendré des réactions en chaîne. Notamment, les études BASIL 3 et SWEDEPAD 1 et 2 ont arrêté les inclusions de patients suite à la publication de cette méta-analyse. BASIL 3 était destinée à comparer l’efficacité des ballons et des stents actifs à celle des stents nus lors de la revascularisation fémoro-poplité pour ischémie sévère du membre inférieur. SWEDEPAD était conçue pour évaluer la supériorité des ballons et des stents actifs par rapport au traitement endovasculaire conventionnel (ballon ou stent nu) sur le taux d’amputation (SWEDEPAD 1), et sur la qualité de vie (SWEDEPAD 2) à un an des patients traitées pour des lésions obstructives fémoro-poplitées et infra poplitées pour ischémie critique (1) ou claudication intermittente (2). Par la suite, la FDA a émis une communication en Mars 2019 afin de notifier de la potentielle augmentation de mortalité liée au ballon actif.

Des travaux ont été conduits depuis la publication de la méta-analyse. Albrecht et al. (2), dans une petite cohorte de patients. Ils n’ont pas retrouvé de différence de mortalité à 2 ans avec une méthodologie différente de l’étude de Katsanos et al. Les taux de mortalités on été quantifiés à partir du nombre de patients initiaux, et non sur les patients qui ont atteint le suivi. LEVANT 2 n’a pas mis en évidence de différence de mortalité jusqu’à 5 ans (3), et STELLAREX jusqu’à 3 ans. De plus, des données de vraie datant de 2016 dans une large population (16560 patients) n’ont pas dévoilé de différence entre dispositif avec substance active versus sans substance active (4). Enfin l’analyse présentée au PCR l’année dernière par Giaccopo sur le ballon actif de 1976 patients pour le traitement de la resténose intrastent ne rapportait pas de signal d’alarme sur la mortalité.

Les items à prendre considération pour la qualité des études sont :

  • Si l’analyse est en intention de traiter
  • Le taux de cross over
  • Le nombre de « perdus de vue » et les déséquilibres entre la population initiale et la population de suivi
  • Les divergences entre les essais
  • Les interventions intercurrentes avec exposition additionnelle au produit
  • Les données limitées à 5 ans
Résultats sur 5 ans

Conclusion

La position du PCR sur les ballons actifs est la suivante :

Bien que la qualité de la méta-analyse soit très discutable, ses résultats ne peuvent pas être ignorés, du fait de l’implication de la mortalité et du manque de données sur la sécurité à long terme. Le PCR souligne la nécessité d’avoir de la part des industries des analyses groupées du ballon actif avec des données plus fiables. Celles-ci seront présentées au colloque de la FDA en Juin 2019. Dans l’attente de résultats plus robustes, il n’existe actuellement aucune preuve suffisamment forte justifiant de changer la pratique clinique.

Références

  1. Katsanos K, Spiliopoulos S, Kitrou P, Krokidis M, Karnabatidis D. Risk of Death Following Application of Paclitaxel-Coated Balloons and Stents in the Femoropopliteal Artery of the Leg: A Systematic Review and Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. J Am Heart Assoc. 2018 Dec 18;7(24):e011245.
  2. Albrecht T, Schnorr B, Kutschera M, Waliszewski MW. Two-Year Mortality After Angioplasty of the Femoro-Popliteal Artery with Uncoated Balloons and Paclitaxel-Coated Balloons-A Pooled Analysis of Four Randomized Controlled Multicenter Trials. Cardiovasc Intervent Radiol. 2019 Mar 6;
  3. Jaff MR, Rosenfield K, Scheinert D, Rocha-Singh K, Benenati J, Nehler M, et al. Drug-coated balloons to improve femoropopliteal artery patency: Rationale and design of the LEVANT 2 trial. Am Heart J. 2015 Apr;169(4):479–85.
  4. Secemsky EA, Kundi H, Weinberg I, Jaff MR, Krawisz A, Parikh SA, et al. Association of Survival With Femoropopliteal Artery Revascularization With Drug-Coated Devices. JAMA Cardiol. 2019 Apr 1;4(4):332–40.