ARN interférents : des fréquences d’administration de plus en plus espacées

Pr Jean-Sébastien Hulot
Département Médico-Universitaire Cardiovasculaire & Transplantation
Hôpital Européen Georges Pompidou
Paris, France
Les ARN interférents se distinguent aussi par leur longue durée d’effet. Le mécanisme d’action implique en effet que le complexe RISC – ARN interférent peut servir à plusieurs reprises pour dégrader spécifiquement l’ARN messager cible. Ainsi, après la délivrance d’un ARN interférent, on obtient une réduction de l’expression de la protéine ciblée durable et stable pendant plusieurs semaines. Une administration d’ARN interférents permet donc un effet thérapeutique pendant plusieurs semaines. Fini donc les prises quotidiennes de médicaments qui dépendaient de la demi-vie d’élimination de la molécule ! Les premiers schémas d’administration permettent déjà d’envisager une administration IV toutes les 3 semaines ou en sous cutanée avec des injections mensuelles ou trimestrielles.
Les ARN interférents vont être progressivement dégradés au niveau intra-cellulaire par des nucléases, qui prennent naturellement en charge la dégradation des acides nucléiques. Les voies d’élimination traditionnelles des médicaments (le rein et le foie) vont donc en théorie intervenir de manière assez mineure dans l’élimination des ARN interférents. On observe donc une déconnexion entre la circulation et la captation rapide des ARN interférents dans l’organe ciblé, et les effets thérapeutiques durables dans le temps.
Mais on peut prolonger encore plus l’effet des ARN interférents ! En effet les modifications chimiques apportées au brin transporteur permettent non seulement d’obtenir un ciblage précis d’un organe mais aussi de stabiliser et de provoquer un relargage plus progressif des ARN interférents au sein même de la cellule traitée. On s’est ainsi rendu compte que les ARN interférents conjugués au N-acétylgalactosamine (GalNac) ont une durée d’effet qui ne se compte plus en semaines mais en mois ! Le mécanisme de rétention intra-cellulaire est compliqué à expliquer en quelques lignes, mais on peut retenir que cette formulation chimique permet de créer des petits réservoirs intra-cellulaires avec une libération prolongée des ARN interférents. Un effet très long, sans perturber la machinerie cellulaire.
C’est une vraie (r)évolution pharmacologique ! Car on peut raisonnablement envisager de disposer rapidement de schémas d’administration efficaces avec seulement 1 ou 2 administrations annuelles d’ARN interférents. Ces schémas sont particulièrement adaptés pour la prise en charge de maladies ou de conditions chroniques. L’ordonnance type du cardiologue comporte environ 5 molécules différentes, en mono ou multi-prises quotidiennes. Tous les cardiologues connaissent les difficultés d’observance des patients. On estime qu’environ 40% des patients ne prennent pas tous les médicaments prescrits. La non-observance des traitements de prévention cardio-vasculaire, comme les traitements anticholestérol, est en soi un facteur associé à un plus fort risque d’accidents cardio-vasculaires.
Les ARN interférents permettent donc d’apporter une nouvelle réponse à ces enjeux avec des administrations qui seront dans tous les cas beaucoup plus espacés que pour les médicaments actuels. Ceci nous amènera donc à repenser notre arsenal thérapeutique, et la façon de l’utiliser pour le traitement de conditions chroniques et qui nécessitent une réduction stable et durable de facteurs de risque ou de protéines pathologiques.
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