AHA 2022 : révolution dans l’amylose cardiaque à TTR

Publié le lundi 7 novembre 2022
dans
Théo Pezel

Auteur :
Théo Pezel
CHU Lariboisière, APHP
Paris

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First-in-Human in vivo Crispr/Cas9 Editing of the TTR Gene by Ntla-2001 in Patients With Transthyretin Amyloidosis With Cardiomyopathy”, présenté à l’AHA 2022 par Julian D. Gillmore (Angleterre), samedi 5 novembre 2022.

Messages clés

  • Une seule dose intraveineuse de NTLA-2001 entrainait une réduction importante du taux de protéine TTR plasmatique de > 90 %.
  • De plus, cette réduction du taux de protéine TTR plasmatique restait constante et stable jusqu’à 6 mois de l’administration du traitement.
  • La tolérance du NTLA-2001 était bonne sans évènement indésirable grave significatif. 

Introduction

  • L’amylose cardiaque à transthyrétine (TTR) est une maladie grave avec une réduction importante du pronostic et de l’espérance de vie.
  • Récemment les méthodes diagnostiques en imagerie multimodale à travers la généralisation du strain VG en échocardiographie, l’accès à l’IRM cardiaque, ainsi que le développement de protocoles rapides de scintigraphie ont permis d’améliorer significativement le taux de patients diagnostiqués pour cette maladie.  
  • Après les bons résultats du tafamidis en termes de pronostic dans l’amylose TTR, plusieurs nouveaux traitements sont en cours d’évaluation pour venir compléter l’arsenal thérapeutique de cette maladie.
  • Ainsi, l’objectif de cette étude était de présenter les premiers résultats d’une toute nouvelle technique moléculaire très innovante les « ciseaux » Crispr/Cas9 du gène TTR par la molécule NTLA-2009. En effet, fondée sur la technologie CRISPR/Cas9 lauréate du prix Nobel, NTLA-2001 pourrait potentiellement être le premier traitement à dose unique pour l'amylose cardiaque TTR.

Objectif de l'étude

Évaluer la tolérance et la réponse de l’administration IV du NTLA-2001 pour éteindre le gène TTR et entraîner une réduction du taux plasmatique de la protéine pathogène TTR chez les patients atteints d'amylose cardiaque à transthyrétine (TTR).

Design

Il s’agissait de la deuxième partie d’une étude de phase I, réalisée en ouvert, évaluant les résultats initiaux de deux niveaux de dose du NTLA-2001 : 0,7 et 1 mg/kg.

Comprendre cette nouvelle technique innovante :

  • NTLA-2001 est le premier candidat de thérapie CRISPR expérimental à être administré par voie IV, pour éditer des gènes à l'intérieur de l'être humain corps.
  • La plate-forme non virale exclusive utilisée déploie des nanoparticules lipidiques pour délivrer au foie un système d'édition du génome en deux parties :
    • un ARN guide spécifique du gène pathogène
    • l'ARN messager qui code l'enzyme Cas9, qui effectue l'édition de précision du gène.
  • Des données précliniques solides déjà publiées, montrent une réduction profonde et durable de la transthyrétine (TTR) après inactivation in vivo du gène cible par administration de NTLA-2001 en dose unique.

Population

Sélection de 12 patients avec une amylose cardiaque à TTR confirmée avec une dyspnée de classification NYHA I à III.

Critères de jugement

Les critères de jugement principaux de cet essai de phase I étaient la tolérance globale et l’évolution du taux plasmatique de protéine pathogène TTR entre le début de l’étude et à 28 jours du traitement.

Résultats

  • Dans cette étude réalisée sur seulement 12 patients, l’administration d’une seule dose intraveineuse de NTLA-2001 a entrainé une réduction de > 90% du taux de protéine TTR plasmatique au 28e jour après l’administration du traitement. 
  • À noter que cette réduction du taux de protéine TTR plasmatique restait constante et stable à 3 et 6 mois de l’administration du traitement.
  • Sur le plan de la tolérance, le NTLA-2001 était bien toléré sans différence de NYHA classe et sans évènement grave pour les deux doses testées (0,7 et 1 mg/kg). En effet, 2 des 12 patients ont signalé des réactions cutanées transitoires et spontanément résolutives à la perfusion du traitement, qui étaient les seuls effets indésirables observés liés au traitement.

Figure 1 : résultats de l'étude

 

Conclusion

  • Une seule dose intraveineuse de NTLA-2001 entrainait une diminution importante du taux de protéine pathogène TTR plasmatique qui restait stable jusqu’à 6 mois de l’administration du traitement, avec une tolérance globale bonne.
  • Ces données mettent en évidence le potentiel de NTLA-2001 en tant que traitement unique pour inactiver de manière permanente le gène TTR et réduire le taux plasmatique de la protéine pathogène TTR chez les patients atteints d’amylose cardiaque TTR.

Commentaires en sortie de session

Mais alors est-ce que les résultats de cette étude suggèrent qu’une seule dose de NTLA-2001 aurait le potentiel d'arrêter et potentiellement d'inverser cette maladie potentiellement mortelle ? Les prochaines années répondront à cette question avec les résultats des essais de Phase II puis III pour cette molécule étonnante.

En tout cas cette étude symbolise bien le développement de thérapeutiques innovantes pensées dans le cadre d’une médecine personnalisée centrée sur le patient, avec des résultats parfois très importants. A l’avenir les médecins pourront peut-être adapter les doses ou la répétition d’une cure de ce type de médicament sur la capacité d'une thérapie ciblée à atteindre des niveaux de protéines seuils spécifiques dosés dans le sang…

 

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